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EntretienIncendies

Gironde : « Arrêtons de ne planter que des pins, très inflammables »

Feux à Cabanac et Villagrains, Gironde, le 17 juillet 2022.

Alors que les incendies se multiplient, Thomas Brail, fondateur du Groupe national de surveillance des arbres, enjoint à stopper les plantations de résineux, plus lucratives mais très inflammables.

De nombreuses images, désespérantes, montrent l’étendue des dégâts : depuis le mardi 12 juillet, deux importants feux ont détruit plus de 19 000 hectares de végétation à la Teste-de-Buch et à Landiras, en Gironde. Le 19 juillet, en pleine vague de chaleur, ces incendies n’étaient toujours pas maîtrisés, et 37 000 personnes ont été évacuées.

L’une des causes de ce désastre : les monocultures qui rendent les forêts moins résilientes face aux feux, explique le grimpeur et arboriste-paysagiste Thomas Brail, fondateur du Groupe national de surveillance des arbres (GNSA). Selon l’Office national des forêts, « près de la moitié de la forêt française est constituée de peuplements monospécifiques (soit 7,5 millions d’hectares) ».

Thomas Brail dans un platane près de la tour Eiffel à Paris, le 1ᵉʳ juin 2022. © Mathieu Génon/Reporterre

Reporterre - Dans une vidéo postée le 17 juillet sur Twitter, vous dites que nous avons besoin d’un autre modèle pour nos forêts, sous peine de « courir à la catastrophe ».

Thomas Brail — Ce qui se passe actuellement est emblématique : le massif landais est essentiellement composé de pins maritimes plantés par les humains, qui sont des arbres résineux extrêmement inflammables. Or, s’ils étaient mêlés à des arbres feuillus de différentes variétés, le feu progresserait moins vite, car ces essences-là sont plus chargées en humidité. Faites le test : arrachez une feuille de feuillu, prenez un briquet et mettez-y le feu, puis faites pareil avec une aiguille de pin ; vous allez très vite voir laquelle s’enflamme le plus vite. La diversification sert de pare-feux. Là, il n’y a pas de diversité au sein de ces champs d’arbres.


Vous refusez en effet de parler de forêts, et évoquez plutôt des « plantations d’arbres ».

Quand je vois le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin évoquer la « lutte contre les feux de forêt », je m’insurge. Dans le massif landais, même s’il y a des endroits où l’on peut effectivement parler de forêts, globalement, il ne s’agit pas de cela, mais de plantations d’arbres : des arbres bien rangés, sans diversité, plantés par la main des humains. La forêt, c’est autre chose : il s’agit d’un écosystème diversifié, avec tout un sol forestier abondant d’insectes, de champignons, etc., mais aussi de nombreuses essences [espèces d’arbres] différentes, qui se ressèment naturellement. Dans le cas d’une monoculture, quand les plantations d’arbres arrivent à maturité, on fait des coupes rases sur des hectares et des hectares, ce qui met le sol à nu. Et comme les arbres ont une cinquantaine-soixantaine d’années quand on les prélève, il faut attendre la même durée pour qu’ils repoussent.

Week-end d’actions en France contre l’industrialisation de la forêt en octobre 2021. Ici au Vieux Dun, dans la Nièvre, dans une coupe rase de 25 hectares. © Roxanne Gauthier/Reporterre

Comment revenir à un modèle de forêt diversifiée ?

Il va falloir recréer ces forêts, qui ont été dévastées, mises à blanc et coupées par les humains pour faire des champs d’arbres. Il s’agit donc de réinventer tout ce modèle. Certes, au début, ce sera une création des humains, ce qui est évidemment moins bien que la création naturelle. Mais ce sera toujours mieux que ce nous avons actuellement, à savoir des champs d’arbres de la même essence, extrêmement inflammables.


À ce manque de diversité au sein de nos forêts s’ajoute le changement climatique.

C’est une certitude. Et tout cela va aller en s’accentuant : nous avons un déficit d’arbres sur la planète – et un déficit de phytoplanctons dans les océans [1]— et c’est pour cela qu’il fait si chaud. Or, plus on reste sur le modèle forestier actuel, plus on perd des arbres, et plus il fait chaud… Et plus il fait chaud, plus on perd des arbres, moins ils repoussent, plus ils brûlent, et plus il fait chaud. C’est donc le serpent qui se mord la queue. Aujourd’hui, les hivers sont de plus en plus doux, les étés de plus en plus secs, et tous ces arbres vont crever. Donc, on fait quoi ? On continue sur ce modèle-là, qui est absolument néfaste, ou on essaie de sortir de cette spirale infernale ?

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