Guerre en Ukraine : en Moselle, une centrale à charbon pourrait redémarrer

Centrale Émile Huchet de Saint-Avold (Moselle). - Wikimedia Commons/CC BY-SA 3.0/Jean-Marc Pascolo
Centrale Émile Huchet de Saint-Avold (Moselle). - Wikimedia Commons/CC BY-SA 3.0/Jean-Marc Pascolo
Censée être fermée le jeudi 31 mars, la centrale à charbon de Saint-Avold, en Moselle, pourrait être relancée temporairement cet hiver. Conséquence de la guerre contre l’Ukraine, cette décision passe mal auprès des écologistes.
Sur le calendrier de Saint-Avold, en Moselle, le jeudi 31 mars 2022 est marqué d’une croix rouge. Sa centrale à charbon doit officiellement arrêter son activité à cette date, conformément à l’objectif de la France de sortir du charbon dans le courant de l’année. Cette promesse de campagne d’Emmanuel Macron, en 2017, souffre déjà d’une petite entorse : la centrale de Cordemais, en Loire-Atlantique, restera en fonctionnement une fois ce cap passé. « À la marge », précisait l’été dernier le ministère de la Transition écologique, pour répondre aux besoins de l’ouest du pays lors des pointes de consommation en hiver, jusqu’en 2024, voire 2026. La centrale de Saint-Avold pourrait être le second écart du président candidat à l’heure de valider son engagement. En cause : une faible disponibilité du parc nucléaire français et la guerre contre l’Ukraine, qui questionne la dépendance énergétique européenne aux gaz et pétrole russes.
« Si la centrale de Saint-Avold n’a pas vocation à fonctionner dans les prochains mois », des travaux menés par le ministère avec le gestionnaire du réseau RTE « pourraient conclure à l’opportunité d’autoriser le redémarrage ponctuel de cette centrale, [...] afin de sécuriser l’approvisionnement électrique lors de l’automne et de l’hiver prochain », a indiqué, en début de semaine, le ministère. Jean-Michel Mazalerat, le président de GazelÉnergie [1], l’exploitant de la centrale, a confirmé lundi 28 mars sur Franceinfo que « le sujet est sur la table. Visiblement, le gouvernement y réfléchit. Si on doit contribuer à la sécurité du système électrique, on va évidemment se mobiliser ».
« C’est complètement surréaliste, déplore auprès de Reporterre Jean-Pierre Damm, délégué syndical Force ouvrière (FO) de la centrale. Soit il y a un problème, soit il n’y en a pas. L’hésitation [quant à la fermeture] ne profite à personne. » Il regrette également le manque d’anticipation : « Si on doit reprendre [l’activité], très bien. Mais encore faut-il savoir combien d’heures de marche il faut, pour commander du charbon en conséquence. Et quelles dispositions ? Les opérations de maintenance des machines ne sont pas planifiées pour l’instant. Et le personnel [67 salariés] quitte l’entreprise aujourd’hui, certains ont déjà trouvé un autre travail. Qui solliciterait-on ? Tout cela n’a pas été préparé. »
« Ce ne sont pas des solutions à long terme »
La décision d’une occasionnelle relance de la centrale mosellane pourrait découler des conclusions attendues fin mai d’un audit indépendant demandé à EDF par la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili. Il doit identifier les moyens de maximiser la disponibilité du parc nucléaire et évaluer les risques d’approvisionnement énergétique pour l’hiver prochain. « Face à la crise, le climat arrive en dernier critère de la réponse, regrette Lorette Philippot, chargée de campagne finance privée de l’ONG Les Amis de la Terre. Relance du nucléaire, de centrales à charbon, achat de gaz de schiste... ce ne sont pas des solutions à long terme pour répondre à l’urgence actuelle. C’est symbolique de la politique climatique du quinquennat Macron qui n’arrive pas à développer de projets sans retour en arrière. »
En février, le gouvernement s’est déjà résolu à alléger les contraintes sur le charbon pour sécuriser le passage de la période hivernale. Un décret a autorisé une augmentation temporaire des plafonds de production des centrales en activité : à 1 000 heures pour les mois de janvier et février, puis 600 heures pour le reste de l’année, contre 700 heures annuelles depuis l’application de la loi Énergie climat. Pour permettre de redémarrer Saint-Avold, le gouvernement pourrait, via un décret, assouplir « à nouveau temporairement la contrainte sur le nombre d’heures de fonctionnement de cette centrale ».
Le ministère de la Transition écologique a toutefois précisé qu’un fonctionnement ponctuel, s’il est acté, serait conditionné à « une absence d’approvisionnement en charbon russe et une compensation intégrale des émissions de gaz à effet de serre dues au fonctionnement de la centrale, afin de neutraliser l’impact climatique correspondant ». Et que cette relance « liée à un contexte exceptionnel, ne remettrait pas en cause la trajectoire globale de sortie du charbon de la France ».
Avec ou sans cette prolongation, la production d’électricité à partir de houille « restera extrêmement marginale — moins de 1 % », a assuré le ministère. La France n’est pas le seul pays à évoquer la possibilité d’un recours au charbon pour garantir son approvisionnement en énergie. L’Allemagne, l’Italie ou la Bulgarie soupèsent aussi l’idée.