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EnquêteClimat

Le bilan écologique de Macron : 89 mesures négatives depuis 2017

« Champion de la Terre », Emmanuel Macron ? Oh non ! Reporterre a enquêté sur le bilan complet du président en matière d’écologie. 53 % des 169 mesures prises dans ce domaine depuis 2017 sont nuisibles à la planète. Le détail en infographie et décision par décision.

L’examen du projet de loi Climat va débuter à l’Assemblée nationale, en assemblée plénière, lundi 29 mars. Il va durer encore deux semaines. Mais son issue ne fait aucun doute au regard de l’attitude des députés de la majorité durant l’examen du texte en commission spéciale. L’ambition de la loi ne sera pas relevée et elle risque d’incarner, en cette fin de quinquennat, l’ultime échec de la Macronie sur l’écologie.

Pour museler les débats parlementaires, le gouvernement a engagé la procédure accélérée. Le temps de discussion est chronométré. De nombreux amendements ont été déclarés irrecevables, alors même qu’ils reprenaient mot pour mot les propositions de la Convention citoyenne. L’objectif de réduction de - 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 s’éloigne à grands pas. L’étude d’impact du projet de loi le reconnaît elle-même. L’avis est largement partagé et décrit par de multiples rapports. En février dernier, le Haut Conseil pour le climat regrettait « la portée réduite » du texte de loi.

Pour éluder les critiques, le gouvernement dit vouloir être jugé non pas sur la loi mais sur l’ensemble des actions qu’il a menées au cours de son quinquennat. « On ne peut pas évaluer une politique climatique à l’aune d’une seule loi », s’est défendu la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, lors d’un entretien avec Reporterre.

169 mesures analysées, 89 négatives

Nous l’avons prise au mot. Nous avons recensé les principales mesures mises en place depuis 2017 et dressé un premier bilan écologique du mandat d’Emmanuel Macron, le plus exhaustif possible. Nous avons passé à la loupe différents thèmes : l’énergie, la mobilité, l’agriculture, le logement, le climat, la biodiversité, le droit, etc.

• Voir ci-dessous l’analyse des 169 mesures prises en environnement depuis 2017.
Lire la suite de l’article



Une écologie de l’anecdote et des faux-semblants.

Le résultat de cette analyse fouillée est net : le bilan de M. Macron en politique écologique est négatif. Il vient faire écho à la note sévère délivrée au gouvernement par la Convention citoyenne. Ses membres relevaient l’écart criant entre la parole et les actes du président, celui-là même qui avait été sacré « champion de la Terre » en 2018 à l’ONU. Depuis, le masque est tombé. Le roi n’est ni champion ni écologiste.

Abandon sur le glyphosate, report de la sortie des hydrocarbures, retour des néonicotinoïdes, vote du Ceta, recul sur la fermeture des centrales à charbon... L’enquête de Reporterre, menée par trois journalistes durant deux mois, donne un panorama complet des renoncements de l’exécutif. Elle révèle les illusions d’une écologie libérale, basée sur l’engagement volontaire des entreprises et le changement des comportements individuels.

« L’écologie du concret », vantée par le Premier ministre Jean Castex, est une écologie de l’anecdote et des faux-semblants : elle interdit les pailles et les touillettes en plastique mais distribue des milliards d’euros aux industries polluantes. Elle relance quelques trains de nuit mais détruit massivement les petites lignes ferroviaires. Elle crée un fonds de réparation pour les smartphones mais lance « en même temps » la 5G.

Sur les 169 mesures analysées par Reporterre, nous avons évalué que plus de la moitié — 53 % — étaient néfastes pour l’environnement. Un quart seulement sont positives. On y retrouve notamment l’abandon d’EuropaCity et de Notre-Dame-des-Landes, les efforts faits en matière de restauration collective pour une alimentation plus durable, l’interdiction de l’élimination des invendus non alimentaires ou encore la mise en place d’un nouveau parc national sur les forêts.

Action des militants de ANV-COP21 à Paris, le 10 décembre 2020, pour dénoncer l’inaction climatique d’Emmanuel Macron.

Seuils trop bas, délais trop longs

Tout n’est pas négatif, loin s’en faut. Mais la plupart des mesures semblent futiles face à l’urgence climatique. Les actions du gouvernement sont largement insuffisantes pour enrayer la catastrophe qui s’annonce sous nos yeux.

Les actions ne sont pas à la bonne échelle. D’autant plus que leur délai d’application est souvent renvoyé aux calendes grecques. Que penser, en effet, de l’interdiction du plastique à usage unique d’ici 2040 ? À cette date, si rien ne change, l’océan comptera plus de plastique que de poissons. Que penser de la fin des subventions aux énergies fossiles fixée à 2035 ? Avec des horizons aussi lointains, le gouvernement reste dans l’incantatoire et la communication.

Dans l’infographie, un quart des mesures sont considérées comme « neutres », c’est-à-dire qu’il est difficile d’en évaluer les conséquences réelles. Les seuils fixés sont trop bas, les délais trop longs, les dispositifs de suivi inexistants.

Les thèmes démocratie et droit contiennent 80 et 83 % d’actions néfastes pour l’écologie.

Mais sur le court terme, les chiffres ne trompent pas. Le gouvernement ne respecte pas l’Accord de Paris et la stratégie de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il en a même baissé les objectifs. Emmanuel Macron s’enferme dans une vision productiviste et technophile qu’il appelle l’« écologie du progrès », avec la promotion tous azimuts de la numérisation, de l’hydrogène, des biocarburants, du nucléaire ou de la voiture électrique. En réalité, l’exécutif ne veut pas céder sur l’essentiel, qui est la recherche de la croissance à tout prix.

Certains secteurs concentrent plus de mesures négatives que d’autres. C’est le cas de la démocratie et du droit. Ces thèmes contiennent, respectivement, 80 et 83 % d’actions néfastes pour l’écologie. Elles matérialisent la montée du « libéralisme autoritaire ». D’un côté, le droit de l’environnement est démantelé. De l’autre, les militants sont largement réprimés. Expulsions de Zad, gazage des activistes du climat, poursuite des décrocheurs de portraits... On a assisté au cours du quinquennat à une répression sans précédent du mouvement écologiste.

Précisons, enfin, que l’infographie traite seulement des actions menées par le gouvernement. Elle n’évoque pas ce qu’il a enterré ni toutes les mesures qu’il aurait dû mettre en place pour être conséquent. Cet enjeu sera abordé la semaine prochaine dans un autre article qui reviendra sur le devenir des 149 propositions de la Convention citoyenne pour le climat. Reporterre examinera mesure après mesure les réponses concrètes apportées par le gouvernement aux citoyens. Et là aussi, sans surprise, le résultat est plus que décevant.

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