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Énergie

M. Macron piétine de nouveau une promesse : la centrale de Cordemais ne fermera pas en 2022

Centrale EDF de Cordemais, Loire-Atlantique, France, vue depuis le Carnet, en 2009.

La centrale à charbon de Cordemais, en Loire-Atlantique, devait fermer en 2022 et devenir une centrale à biomasse. M. Macron l’avait promis. Mais la conversion est abandonnée et la fermeture, repoussée.

La France ne parvient pas à tourner la page du charbon. En Loire-Atlantique, EDF a décidé d’abandonner son projet de reconversion de la centrale de Cordemais. Baptisé Écocombust, ce projet consistait à remplacer le charbon combustible par de la biomasse (granulés de bois, bois d’ameublement…) [1]. La centrale à charbon ne fermera pas en 2022, mais en 2024 ou en 2026. Le président Emmanuel Macron avait pourtant promis, à plusieurs reprises, que la France fermerait ses dernières centrales à charbon en 2022 [2].

EDF a annoncé l’abandon d’Écocombust le 7 juillet dans une lettre aux syndicats, et le 8 juillet dans un communiqué. L’entreprise justifie cette décision par le coût du projet, engagé depuis 2016, « qui ne permettrait pas de garantir un prix attractif du produit final », et le retrait récent de son partenaire industriel Suez : « Ce retrait entraînant un retard dans la date de mise en service industrielle à 2024, la centrale de Cordemais n’aurait pas pu produire de l’électricité via un combustible alternatif au charbon sur la période 2022/2024 ».

La CGT, qui portait le projet de reconversion, a déploré le « mépris [d’EDF] pour la transition énergétique et ses acteurs ». Les travailleurs voient dans cette décision l’« annulation de [leur] avenir sur [leur] lieu de travail ». Installée en bord de Loire depuis 1970, la centrale emploie environ 350 salariés, et autant de prestataires. « Ce qui est important maintenant, c’est d’accompagner les salariés d’EDF Cordemais et d’accélérer la concrétisation du pacte de Cordemais piloté par l’État pour que les hommes et femmes concernés mais aussi les acteurs économiques du territoire puissent vivre cette phase transitoire au mieux », a déclaré Jean-Christophe Gavallet, président de France Nature Environnement (FNE) Pays de la Loire, à Reporterre.

« Quatre années de perdues à travailler sur un projet qui n’était pas crédible »

Ronan Dantec, sénateur écologiste de Loire-Atlantique, a dit dans un communiqué regretter « profondément » cette décision et a rappelé son soutien au projet « tout particulièrement lié à cette perspective de mettre à la disposition d’autres pays une technologie limitant à la fois les émissions de CO2 par l’utilisation de bois de classe B, et assurant leur dépollution au moment de la fabrication des pellets ». Des organisations comme FNE Pays de la Loire, les Amis de la Terre et le Réseau Action Climat, avaient néanmoins rapporté à plusieurs reprises la pression « insoutenable » sur les forêts induite par le recours à la biomasse, le gaspillage énergétique, la pollution de l’air et le flou sur les emplois préservés par ce projet. Elles le qualifiaient même d’« obstacle à la transition écologique et sociale ».

Lors de l’opération « Bloquons la république des pollueurs » de 2019 : 2 000 activistes écologistes avaient bloqué les sièges d’EDF, de la Société Générale et de Total, ainsi que le ministère de la Transition écologique. © Loup Barre/Reporterre

« Écocombust, c’est quatre années de perdues à travailler sur un projet qui n’était pas crédible, quatre années de perdues pour mettre en place des perspectives d’emploi pour les salariés, peste Frédéric Amiel, coordinateur des Amis de la Terre contacté par Reporterre. Avec l’urgence climatique, on ne peut pas se le permettre. C’est irresponsable de la part de l’État et d’EDF. » Pour lui, « l’abandon par EDF de la reconversion vers la biomasse de Cordemais ainsi que le report de la fermeture de la centrale à charbon sont le symbole de l’incapacité du gouvernement à mettre en place la transition énergétique ».

La poursuite de l’activité de la centrale de Cordemais était jugée nécessaire par RTE pour garantir l’approvisionnement électrique de l’Ouest, en attendant la mise en service de l’EPR de Flamanville, initialement prévue en 2012. « La prolongation de cette centrale à charbon est aussi la conséquence délétère de l’obstination nucléaire d’EDF et de l’aveuglement du gouvernement français face aux déboires stratégiques et industriels de l’électricien, a affirmé Nicolas Nace, chargé de campagne transition énergétique à Greenpeace. Perpétuellement en retard, le nucléaire est un frein à la transition énergétique. Miser sur le nucléaire maintenant et à l’avenir, c’est échouer à répondre à l’urgence climatique. »

« Le vrai problème est qu’on ne s’attaque pas à la réduction de notre consommation d’énergie »

Dans son bilan prévisionnel de l’équilibre offre-demande d’électricité en France publié en mars, RTE préconisait aussi de redoubler d’efforts pour atteindre les objectifs en énergies renouvelables et en économies d’énergie inscrits dans la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). « Le retard de la France sur les énergies renouvelables est conséquent, mais le vrai problème, c’est qu’on ne s’attaque pas en priorité à la réduction de notre consommation d’énergie, comme pour la rénovation énergétique des logements », tempête Frédéric Amiel.

Dans un communiqué publié le 9 juillet, le gouvernement a réagi à la décision d’EDF et rappelé qu’il avait « d’ores et déjà » fermé deux centrales — Gardanne-Meyreuil (Bouches-du-Rhône) et la centrale du Havre (Seine-Maritime) — et assuré qu’une troisième, celle de Saint-Avold (Moselle), cessera son activité en mars 2022. Selon l’exécutif, si la centrale de Cordemais devait être sollicitée, ce serait « ponctuellement durant les pointes de consommation pour quelques dizaines à centaines d’heures par an au maximum ».

Contrairement à l’entourage de la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili — qui a déclaré au média Contexte que cette décision « ne change rien à la trajectoire du pays : nous serons bien sortis de l’ère du charbon au cours de ce quinquennat » — le gouvernement s’est, plus prudemment, targué de « réduire de plus de 90 % les émissions liées au charbon en 2022 par rapport à 2017 » d’ici la fin du quinquennat.

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