Loi Climat : « Quand on entre dans le détail, ça ne va pas »

Les sénateurs doivent adopter par un vote solennel la loi Climat. - © Mathieu Génon/Reporterre
Les sénateurs doivent adopter par un vote solennel la loi Climat. - © Mathieu Génon/Reporterre
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Politique Loi ClimatAprès quinze jours d’examen, les sénateurs doivent adopter ce mardi 29 juin la loi Climat par un vote solennel. La majorité de droite y a mis sa patte, sans la rendre pour autant plus exigeante, estime le sénateur écolo Ronan Dantec.
Ronan Dantec est sénateur écologiste de Loire-Atlantique, et chef de file du groupe écologiste au Sénat pour la loi Climat.

Reporterre — Quand le projet de loi Climat est arrivé au Sénat, on a presque cru que celui-ci allait être plus ambitieux que le gouvernement. Où en est-on finalement ?
Ronan Dantec — Au sortir du Sénat, la loi n’est pas plus ambitieuse, elle est différente. Je ne m’attendais pas à ce que le Sénat améliore significativement la loi en matière d’émissions de CO2. J’estimais que ça allait être contrasté. Et ça l’est. Il y a des plus et des moins. Par exemple, il y a des mieux sur le ferroviaire, avec le vote de la TVA à 5,5 % sur les billets de train. De surcroît, le rapporteur Philippe Tabarot a bien dit que l’objectif était que le train soit moins cher que l’avion.
D’un autre côté, il est clair que la fin du « Oui pub » [une mention sur les boîtes aux lettres marquant que l’on accepte la publicité, celles qui n’en portent pas la refusant de principe] est l’œuvre du lobby des prospectus publicitaires. La droite libérale est à la manœuvre. Il y a aussi eu une offensive terrible sur l’éolien terrestre et maritime. Que le maire d’une commune puisse avoir un droit de veto à l’installation d’éoliennes, y compris sur le domaine public maritime, est absurde. Avec cela, il est clair que la France ne tiendra pas ses objectifs de mix énergétique renouvelable. Ce sont de vrais reculs.
L’un dans l’autre, on doit revenir à peu près au niveau initial du texte, qui conduit entre moins 30 à 35 % d’émissions en 2030, donc bien loin de l’objectif de moins 55 %.
Est-ce une bonne surprise que la majorité de droite du Sénat n’ait — au moins — pas amoindri les ambitions de ce texte déjà faible ?
C’est une très bonne chose que tous les groupes aient voté de mettre l’objectif de moins 55 % de CO2 d’ici 2030 dans la loi. Le président du Sénat, Gérard Larcher, a poussé dans ce sens, car le Sénat ne veut pas apparaître comme climatosceptique. Il y a encore quelques élus Les Républicains climatosceptiques, mais ils sont minoritaires. C’est une évolution par rapport à quelques années plus tôt, où la droite sénatoriale comptait beaucoup de gens qui considéraient que le climat était une question secondaire. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas.
Après, quand on entre dans le détail, ça ne va pas. Les Républicains n’ont pas de vision claire sur comment agir. Ils redeviennent perméables aux lobbies, cherchent à gagner du temps, préférant le volontarisme à l’obligatoire.

La commission mixte entre les deux assemblées doit se réunir le 12 juillet, il est probable que députés et sénateurs n’arriveront pas à se mettre d’accord. Qu’en pensez-vous ?
Elle ne sera sans doute pas conclusive. À l’attitude des ministres, on sent bien qu’ils ne tiendront pas compte des amendements que passe le Sénat. Néanmoins, en tant que chef de file du mouvement écologiste au Sénat, je fais une proposition à tout le monde : que l’on garde le meilleur des deux textes [celui issu de l’Assemblée nationale et celui du Sénat]. Il y a peut-être une occasion favorable.
Quel que soit le résultat, le texte restera bien en dessous des propositions de la Convention citoyenne pour le climat, et de ce qu’il faudrait mettre en place pour tenir les objectifs climatiques. Quelle a été l’attitude du gouvernement au long de la discussion de ce projet de loi Climat ?
Le gouvernement est tétanisé. Après les Gilets jaunes, le Covid-19, et face à des lobbies économiques qui se pressent à Matignon et à l’Élysée, l’exécutif ne veut pas prendre le risque de brusquer la société française, qu’il sent fragile et réactive. Il veut éviter une autre crise avant la présidentielle, il a très peur de cela, ce qui explique que les mesures qu’il a retenues de la Convention citoyenne sont minimales.
S’ajoute le logiciel libéral de la macronie, qui ne colle pas avec la nécessité de beaucoup de volontarisme et de planification pour faire muter une société afin qu’elle tienne l’objectif climat en dix ans. L’exécutif ne dépasse pas cette contradiction : d’un côté, son ambition affichée ; de l’autre, ce logiciel libéral, auquel s’ajoute l’impression que la société n’est pas prête à faire l’effort. Je crois à l’inverse que la société a besoin d’un cap clair et d’un accompagnement fort de l’État pour atteindre les objectifs climatiques.