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Politique

Hamon et Valls : sur l’environnement, des programmes très différents

Interdiction des pesticides dangereux, sortie du diesel, agriculture biologique mais aussi revenu universel de base... Le projet de Benoît Hamon s’inspire largement des idées de l’écologie politique. A l’inverse, Manuel Valls accorde peu de place à l’environnement dans son programme et s’inscrit dans la continuité du quinquennat de François Hollande.

Temps consacré à l’environnement ? Quinze minutes sur deux heure, lors du débat télévisé entre les finalistes de la primaire pour la "belle alliance populaire", Manuel Valls et Benoît Hamon, mercredi 25 janvier. Un temps insuffisant pour mesurer l’ampleur de leurs divergences sur le sujet : si l’écologie est quasiment absent du programme du premier, il est au cœur du projet du second. Avant le verdict des urnes dimanche 29 janvier, Reporterre fait le point.

Climat et énergie

-  Valls - Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, le projet de Manuel Valls comporte une mesure vague, « continuer à développer les énergies renouvelables et faire de la France un leader européen dans ce domaine », et promet d’ « organiser une grande conférence environnementale dès l’automne 2017 pour fixer une feuille de route ambitieuse ». Dans la version détaillée de son programme, l’ex-Premier ministre précise qu’il souhaite lancer un vaste programme de rénovation thermique du bâtiment, à raison d’« un million de logements, bureaux et bâtiments publics par an », financé par « des prêts garantis par les économies réalisées ».

Sur la question du nucléaire, M. Valls reste ambigu : « Oui, le nucléaire a des avantages. Oui, il a aussi un coût. Il nous faut consolider un secteur nucléaire sécurisé, en fermant ou en prolongeant la vie des centrales selon un calcul économique clair. ». « Nous nous étions engagés à fermer Fessenheim mais on voit les salariés inquiets quant à leur avenir, a-t-il développé lors du débat. Il faut accompagner ces mutations et ces industries. » C’est ainsi qu’il a justifié sa volonté de fusionner le ministère de l’Industrie avec ceux de l’Environnement et de l’Energie, pour « pouvoir arbitrer en toute connaissance de cause ».

-  Hamon - Benoît Hamon, lui, reprend à son compte la loi de transition énergétique et déclare vouloir y ajouter des objectifs précis de moyen terme, notamment celui de 50 % d’énergies renouvelables en 2025. Cela signifie réduire la part du nucléaire dans le mix énergétique et tendre vers la suppression des énergies fossiles, notamment en supprimant les subventions qui les favorisent. Cette transition s’accompagnerait d’un vaste programme de rénovation énergétique et d’une décentralisation de la production d’énergie portée par EDF. Au niveau européen, le candidat compte proposer un vaste plan de relance de mille milliards d’euros pour favoriser la transition écologique, prioritairement dans les « zones de l’Europe les plus défavorisées ».

Agriculture

-  Hamon - M. Hamon veut développer « le bio et l’agroécologie ». Il propose pour cela un programme d’investissements agricoles ciblés, d’attribuer les terres agricoles prioritairement à ce type de projets et de favoriser les associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (Amap) et les circuits courts pour « le développement de cultures maraîchères aux abords des villes ». Il compte également défendre auprès de l’Europe une transformation de la politique agricole commune (Pac), afin de financer la transition agro-écologique. Enfin, sans précisions, il explique vouloir garantir « le respect des plus hautes exigences en matière de bien-être animal ».

-  Valls -Dans son programme, M. Valls insiste sur la défense des agriculteurs face à la grande distribution et à la concurrence internationale. Il affiche néanmoins son intention de « valoriser l’agroécologie » sans évoquer les moyens d’y parvenir.

Santé environnementale

L’usine Alteo, à Gardanne (Bouches-du-Rhône), responsable des émissions de boues rouges en mer Méditerranée.

-  Valls - M. Valls projette de « faire de la santé environnementale (pollution, particules fines, pesticides, perturbateurs endocriniens) une grande cause nationale ». « J’adhère à l’idée qu’il faut interdire toute une série de produits qui nuisent à notre santé », a-t-il précisé mercredi soir. En matière de qualité de l’air, son programme ne comporte pas de mesure autre qu’« un rééquilibrage du système de bonus/malus existant et une accélération de la convergence de la fiscalité de l’essence et du diesel ». « Je ne pense pas qu’une politique doit se traduire par davantage de taxes, notamment quand il s’agit de nos transports ou de ceux qui triment dur », a-t-il rétorqué à la journaliste Alexandra Bensaid qui l’interrogeait sur l’abandon de l’écotaxe.

-  Hamon - M. Hamon promet quant à lui une politique volontariste avec l’interdiction immédiate des pesticides dangereux et des perturbateurs endocriniens. « J’appliquerai le principe de précaution. Je retirerai les autorisations de tous les pesticides dangereux et j’interdirai l’importation de denrées alimentaires uilisant une substance interdite en France » au titre de l’article 36 du Traité de fonctionnement de l’Union européenne, assure-t-il. Mercredi soir, le candidat a dénoncé le lobbying « incroyable » exercé par « un certain nombre d’industriels » sur les agences européennes, notamment l’Agence européenne de sécurité des aliments (Efsa). Pour lutter contre la pollution, il prévoit de supprimer l’avantage fiscal accordé au diesel et d’installer des bornes de recharge électrique sur tout le territoire. « Je ferai sortir la France du diesel à l’horizon 2025 », affirme-t-il.

Mercredi soir, M. Hamon a pointé son désaccord avec la décision de l’ex-Premier ministre d’autoriser les rejets de boues rouges en Méditerranée. En novembre 2015, M. Valls avait exigé que l’usine de fabrication d’aluminium Alteo, à Gardanne, obtienne la dérogation nécessaire pour continuer à rejeter ses résidus liquides de bauxite en plein parc national des Calanques. « Il y a là des risques considérables pris par une entreprise qui a perçu le CICE [crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi] et à qui le préfet demande depuis vingt ans de changer ses process », a taclé l’ex-ministre de l’Education.

Notre-Dame-des-Landes et grands projets inutiles et imposés (GPII)

Lors du débat, les deux hommes se sont affrontés au sujet du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes.

-  Hamon - M. Hamon a indiqué qu’il «  [suspendra] la déclaration d’utilité publique » du futur aéroport, car « au regard aujourd’hui des données, des études produites par le ministère de l’Environnement, ce chantier crée plus de discorde et de désordre qu’il n’apportera de perspectives économiques ».

-  Valls - L’ex-Premier ministre, qui a défendu le projet à de nombreuses reprises, a au contraire réaffirmé son intention de le mener à terme, au motif que le « oui » à la consultation départementale de l’été 2016 signifiait que le chantier est soutenu par « la population » : « Il y a eu un vote et moi je ne veux pas que nous reculions. » Globalement, l’ancien locataire de Matignon a affiché son soutien à de nombreux projets dénoncés par les écologistes, comme le barrage de Sivens et le « village nature » d’Euro Disney et Pierre & Vacances.


« Revenu universel d’existence » contre « revenu décent »

-  Hamon - Proposition phare de Benoît Hamon, son projet de « revenu universel d’existence ». Cette allocation serait mise en place progressivement. « Dès 2018, le RSA [revenu de solidarité active] sera augmenté de 10 % à hauteur de 600 euros mensuels et versé automatiquement à tous les ayant-droits, détaille-t-il dans son programme. La même année, un revenu d’existence sera versé à tous les jeunes de 18 à 25 ans quel que soit leur niveau de ressources. » Le coût de cette première étape a été chiffé à 45 milliards d’euros par le candidat, et serait financé par une « simplification de la fiscalité sur le patrimoine ». Ensuite, le périmètre du revenu universel (montant, financement, mise en oeuvre) serait défini à l’occasion d’une « grande conférence citoyenne ». Son montant devrait atteindre 750 euros mensuels « à terme ». Une mesure encore inédite qui, si elle s’accompagne d’un renforcement de la protection sociale, permettrait de changer profondément notre rapport au travail dans un sens plus écologique.

-  Valls - Manuel Valls s’oppose à cette mesure qu’il accuse d’être une « abdication » face au chômage et une dénégation du « lien de dignité que procure le travail ». Il promet pour sa part une fusion de tous les minimas sociaux en une allocation unique fixée à 800 euros mensuels « sous conditions de ressources ».

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