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ChroniqueJardin sans pétrole

Ils sont indispensables, les vers de terre. Voici comment les recenser

Conscients du rôle essentiel joué par les vers de terre, les jardiniers sans pétrole ont décidé de faire un recensement de ceux de leur jardin, dans le cadre d’une recherche scientifique participative.

C’est au cours d’une formation organisée par l’Observatoire participatif des vers de terre que j’ai pris conscience du rôle crucial des lombriciens dans la préparation du « repas » des plantes. En brassant dans leur long tube digestif des matières minérales et organiques qu’ils mélangent à leurs propres sécrétions, les vers de terre produisent des déjections. Celles-ci sont des complexes organo-humiques dans lesquels les plantes plongent leurs racines et pompent ce dont elles ont besoin. Les vers de terre font un boulot incroyable et cela m’a donné envie de contribuer aux recherches de l’université de Rennes I, qui s’intéresse aux liens entre les pratiques de jardinage et la présence des vers de terre.

Pourtant, entre la pluie et nos grasses matinées, je n’avais pas encore réussi à programmer cette expérience, à réaliser avant la mi-avril. Cette fois, nous sommes partis au jardin avec le carton de petits flacons, qui m’avait été remis à l’issue de la formation, un mètre ruban et différentes fiches sur le protocole à suivre, pour noter les résultats ou aider les béotiens que nous sommes à reconnaître ces curieux animaux dont l’origine remonte à l’ère primaire, il y a près de 400 millions d’année.

Le tri des vers.

En quittant les animateurs de la maison du parc de Villepinte, en Seine-Saint-Denis, un après-midi de février, où durant une demi-journée nous avions en salle et sur le terrain assisté et participé à la mise en œuvre des protocoles, tout semblait clair et facile, même si en repartant vers le RER, les anéciques faisaient encore dans mon cerveau des pirouettes avec l’acné et devenaient les « acnécides ». Une fois dans le jardin, ce samedi matin 9 avril, par un temps alternant nuages, rayons de soleil et pluie, avec une température de 12°C sur l’application météo de mon smartphone, les paroles rassurantes de la jeune biologiste Jennifer ont fait place à quelques moments d’égarement.

Deux cents vers de terre par mètre carré

Pour le test bêche, il fallait faire les six trous en même temps, mais je n’avais assez de seaux pour prélever d’un seul coup les six mottes de terre de 20 cm de côté et 25 cm de profondeur. J’ai donc fait les « carottes » les unes après les autres, triant la motte de terre extraite sur la bâche, cm3 par cm3, pour en isoler les vers de terre. La matinée est passée ponctuée des incursions de Léonie avec l’appareil photo et il était près de 14 h quand j’ai relevé le nez. Une table champêtre était dressée près du feu de bois, où une soupe aux lentilles corail réchauffait aussi doucement que possible.

Ma collecte s’est avérée moins riche et plus variée que je ne l’avais imaginée : de 1 à 8 vers de terre dans chaque motte, le record étant dans la motte prélevée sous les cartons ! Comme il faut multiplier par 25 pour avoir le nombre de vers de terre au m2, cela donne tout de même 200 vers de terre par m2. Il y avait des épigés, qui vivent sous la surface et sont très véloces, des anéciques à tête noire, qui montent et descendent et, sans certitude, des endogés dont le rôle est d’aérer et disséminer les déjections des copains pour que toutes les plantes en profitent.

Une feuille d’artichaut.

Notre collecte, triée au mieux dans les flacons, va enrichir la base de donnée du laboratoire d’étude de nouveaux échantillons, dont la moisson s’avère très chronophage pour un chercheur mais finalement tout à fait possible pour un jardinier curieux. D’ici à la fin de l’été, je recevrai des nouvelles de mes échantillons et connaîtrai plus précisément le nom des espèces et leur rôle, épigés, anéciques et endogés permettant de grouper grossièrement les quelque 100 espèces de vers de terre que l’on trouve en France.

La journée a filé à étaler encore le compost, à semer des carottes et du mesclun. Nous avons essuyé une averse et trouvé refuge sous les thuyas. C’est au moment de ramasser un peu d’oseille, de couper de la salade et de déterrer quelques poireaux que j’ai aperçu une feuille d’artichaut sur les deux œilletons mis en terre le mois dernier ! À l’heure de se remettre en route, la félicité de ce prodige m’a fait oublier l’humidité de cette fin d’après-midi de printemps. 

-  Pour tout savoir sur ce protocole de sciences participative.

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