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Climat : de COP en COP

L’accord de Paris est signé dans l’allégresse - il reste à l’appliquer, et ça va être dur !

Vendredi 22 avril, à New York, près de 150 pays signeront officiellement l’accord de Paris adopté lors de la COP21. Mais, entre ratifications par les parlements nationaux et négociation des détails, la route est longue avant l’entrée en vigueur de ce texte prévoyant de limiter le réchauffement climatique en-dessous de 2 °C.

Nouvelle étape avant son entrée en vigueur, la cérémonie officielle de signature de l’accord de Paris se déroule vendredi 22 avril à New York. Adopté par les 195 membres de la Convention-cadre des Nations unies pour les changements climatiques (Ccnucc) pendant la COP21, le 12 décembre 2015, l’accord prévoit de contenir le réchauffement climatique « nettement en-dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels en poursuivant l’action menée pour limiter l’élévation de la température à 1,5 °C ».

Une cinquantaine de chefs d’État sont attendus pour la cérémonie, selon la ministre de l’Environnement, Ségolène Royal, qui a succédé à Laurent Fabius à la présidence de la COP, en février dernier. 155 pays, parmi lesquels de gros pollueurs comme la Chine et les États-Unis, ont annoncé qu’ils parapheraient le texte à cette occasion.

« Cela veut dire que le momentum [l’élan, en français] de l’accord de Paris n’est pas retombé », s’est félicitée Mme Royal, lors d’un point presse à Washington, le 15 avril. « Tous les grands émetteurs, Russie, Canada, seront là, sauf peut-être l’Arabie saoudite, prévoit Thomas Spencer, chercheur à l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), contacté par Reporterre. Un tel engagement pour la signature est inédit. C’est un très bon signe de l’engagement politique des États à faire entrer l’accord en vigueur le plus rapidement possible, et que les gouvernements assument ce qui a été décidé à Paris. »

« Il est possible que l’accord entre en vigueur dès 2017 » 

Si la signature par les chefs d’États ou par leurs représentants est nécessaire, elle n’est pas suffisante. Pour que l’accord de Paris entre en vigueur, il doit être ratifié par au moins 55 pays représentants au moins 55 % des émissions de gaz à effet de serre mondiales. « Signature large ne vaut pas ratification à court terme, explique à Reporterre Maxime Combes, économiste et membre d’Attac. Et le processus de ratification reste complexe et éminemment politique. » Pour rappel, les États-Unis ont signé le protocole de Kyoto en 1998 sous la présidence de Bill Clinton, mais le Congrès étasunien n’a jamais accepté de ratifier le texte.

M. Spencer est plutôt optimiste. « La Chine et les États-Unis se sont engagés à ratifier l’accord dès cette année, de même que le Canada et les petits États insulaires, souligne-t-il. Je pense qu’il est possible que l’accord entre en vigueur dès 2017. »

Mais ce processus peut s’avérer délicat pour certains membres de la Ccnucc. Ainsi, pour que l’Union européenne puisse ratifier l’accord, « il faut que tous les pays européens l’aient individuellement signé et ratifié, puis que les institutions européennes le signent et le ratifient également », explique Célia Gautier, du Réseau action climat (RAC), lors d’un petit déjeuner de presse, le 19 avril. Si l’Allemagne et les pays scandinaves poussent pour que tout ceci aille vite, « certains pays comme la Pologne veulent freiner le processus car leur économie dépend des énergies fossiles. En conséquence, la ratification va prendre plusieurs années. Si l’accord entre en vigueur en 2016-2018, il est possible que l’Union européenne n’en fasse pas partie tout de suite. »

Le siège de la Commission européenne, à Bruxelles. Avant que les institutions européennes ne signent et ratifient l’accord de Paris, il faut que tous les parlements des États membres le fassent.

La cérémonie de signature est l’occasion d’y voir plus clair sur le calendrier de ratification et sur les modalités de mise en œuvre de l’accord. « La signature engage le gouvernement à se comporter en cohérence avec les objectifs du traité, insiste M. Spencer. Les discours prononcés par les représentants lors de cette cérémonie vont donner des indices sur l’adoption de cadres législatifs pour la mise en œuvre de l’accord de Paris. »

C’est également ce qu’attend Mme Gautier : « Nous attendons que les représentants parlent de l’avancée des initiatives depuis la COP21 : Où en est la mise en place d’un prix du carbone ? de l’Alliance solaire pour la promotion de l’énergie photovoltaïque ? Avez-vous des gages concrets que ces initiatives sont lancées au niveau domestique ? »

« Définir des règles précises sur les données et les résultats à fournir » 

En parallèle, les négociations onusiennes pour préciser et compléter l’accord de Paris se poursuivent. Une conférence informelle a rassemblé les chefs des délégations d’une cinquantaine de pays, les 15 et 16 avril, à Paris. Des rendez-vous réguliers sont prévus d’ici à la COP22, prévue en 2016 à Marrakech (Maroc).

« Le travail des négociateurs est maintenant d’opérer avant tout un travail de séquençage : définir ce qui doit être fait et quand. En décembre, nous avons obtenu un cadre. Maintenant, il s’agit de s’attaquer aux détails », a expliqué au site d’information Novethic Liz Gallagher, directrice de Climate Briefing Service (CBS) au sein du World Resources Institute.

« L’agenda de mise en œuvre s’annonce lourd, évalue M. Spencer. Personnellement, je ne pense pas qu’il faille s’attendre à l’adoption de décisions de COP dès cette année. 2016 sera consacrée à l’organisation du travail et à la structuration des enjeux. Les modalités de mise en œuvre pourraient être adoptées sous la forme d’un paquet de décisions, probablement d’ici 2018. » L’objectif pour l’instant est de décider « qui va faire quoi, quel agenda fixer pour quel sous-groupe de travail », confirme M. Combes.

Des enjeux et des axes de travail ont néanmoins déjà émergé. Le premier, pour M. Spencer, est celui de la transparence. « Pour la première fois, les pays en développement entreront dans le même cadre que les pays développés, souligne-t-il. Il faut définir des règles précises sur les données et les résultats à fournir. Il s’agit d’un enjeu technique, mais qui peut aussi toucher des sensibilités politiques. » La tâche s’annonce ardue, juge M. Combes : « Aujourd’hui, personne ne sait quelle crédibilité accorder au PIB chinois. Malgré les règles édictées par l’OCDE, personne ne calcule le PIB de la même manière. Cette question des indicateurs est éminemment politique. Il en sera de même pour le CO2, car connaître précisément les émissions de gaz à effet de serre d’un pays, c’est connaître précisément ce qu’il produit et ce qu’il valorise. »

Autre gros chantier, la définition d’une feuille de route pour la provision des 100 milliards de dollars annuels de financements climat à partir de 2020, promis par les pays développés aux pays en développement lors de la conférence de Copenhague en 2009. « Qui va donner quoi ? Qu’est-ce qu’on compte ? interroge l’économiste. À Copenhague, la forme des aides — dons, prêts, flux financiers publics ou privés — n’a pas été déterminée. L’OCDE, dans un rapport présenté en octobre dernier, a assuré que 64 milliards de dollars étaient déjà réunis en additionnant des choux et des carottes. Mais les pays en développement ont jugé cette méthodologie inacceptable et le rapport d’un institut économique indien balaie les conclusions de l’OCDE. Un consensus est-il possible sur les moyens de compter les aides et d’atteindre les 100 milliards de dollars ? »

Les États doivent se saisir de la question de la compensation

Difficile d’imaginer que la présidence française fasse avancer le dossier. « François Hollande a fait de nombreuses promesses, mais elles ont besoin d’être concrétisées, dénonce Armelle Le Comte, d’Oxfam. Il y a de quoi être inquiet devant les chiffres de l’aide publique au développement en 2015 : sur les 2,9 milliards d’euros de financements climat accordés, il n’y a que 4 % de dons — un ratio en baisse de 30 % par rapport à 2014 ! »

Campagne de l’ONG Oxfam pour alerter sur les conséquences du changement climatique sur les populations les plus pauvres de la planète.

Il faut également préparer la revue des engagements nationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre. De nombreux États ont présenté leurs « contributions nationales », c’est-à-dire leurs objectifs de réduction et les politiques envisagées pour les atteindre, tout au long de l’année 2015. Problème, l’addition de ces objectifs ne suffit pas à limiter le réchauffement climatique à 2 °C d’ici à la fin du siècle et nous entraîne plutôt vers une trajectoire de 3-4 °C. Pour remédier à cette situation, l’accord de Paris prévoit que les engagements nationaux soient révisés à la hausse tous les cinq ans. « Il faut maintenant organiser la première revue de 2018, explique M. Spencer. Et décider de la manière dont on évalue les premiers résultats et si l’on admet que les promesses des États doivent être relevées immédiatement. »

Enfin, pour M. Combes, les États doivent se saisir de la question de la compensation — le fait de restaurer ou de protéger des « puits de carbone » (forêts, plans d’eau, terres agricoles, etc.) capables d’absorber des gaz à effet de serre à hauteur des émissions. « Il est nécessaire de s’attaquer à plusieurs problèmes liés à la compensation, détaille l’économiste. D’abord, la compensation ne diminue pas les émissions. Ensuite, se pose la question du comptage : quand Air France protège une forêt pour faire de la compensation, les réductions d’émissions comptent-elles pour le pays qui abrite la forêt ou pour le secteur du transport aérien ? Enfin, ce système aggrave les inégalités entre Nord et Sud et peut avoir des impacts très forts sur les populations locales. »

De gros dossiers dont les négociateurs devront se saisir dès la prochaine session de négociations prévue du 16 au 26 mai à Bonn, en Allemagne.

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