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Pesticides

L’herbicide glyphosate pourrait être interdit en Europe

Le pesticide glyphosate, principal composant du Roundup de Monsanto, est un probable cancérigène. Des assocations allemandes, anglaises et françaises demandent son interdiction par l’Union européenne, qui en discutera mardi 8 mars. Reporterre révèle la proposition dilatoire de la Commission européenne.

-  Berlin, correspondance

Le renouvellement de l’autorisation du glyphosate dans l’Union européenne devait être une simple formalité pour les industries chimiques. Mais à quelques jours du vote à Bruxelles, mardi 8 mars, les détracteurs de ce pesticide controversé n’entendent pas leur laisser le champ libre.

Six ONG environnementales (Global 2000, PAN Europe, PAN UK, Générations Futures, Nature et Progrès Belgique et wemove.fr) viennent de porter plainte à Berlin et à Vienne contre l’entreprise Monsanto et les deux organismes responsables de l’évaluation des risques du glyphosate en Europe : l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et l’Institut fédéral allemand pour l’évaluation des risques (BfR).

Elles les accusent d’avoir détourné au profit des industriels les résultats d’études scientifiques, afin de démontrer l’innocuité du glyphosate, et de maintenir sa commercialisation sur le marché européen. “Le BfR et l’EFSA affirment que le glyphosate ne représente aucun danger, alors que les données scientifiques permettent, au contraire, de conclure à des risques accrus de cancer”, affirme François Veillerette, directeur de Générations Futures. “Ce n’est pas de la science, c’est de la science mâtinée de politique”, poursuit-il.

Cette plainte illustre la détermination des opposants, dans un contexte de révélations en cascade sur les dangers de l’herbicide le plus vendu au monde, classé “cancérogène probable” par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en mars 2015. Aujourd’hui, la fronde s’organise en France et en Allemagne, où les opinions publiques invoquent le principe de précaution.

Epandage de glyphosate dans le North Yorkshire

Dans l’Hexagone, l’étude du professeur Gilles-Eric Seralini, publiée en septembre 2012, a lancé le débat en avançant la thèse d’une “toxicité à long terme de l’herbicide Roundup” (marque déposée du groupe Monsanto), principale source de glyphosate dans notre quotidien. Récemment, plusieurs reportages télévisés ont repris et illustré la théorie selon laquelle le glyphosate endommagerait le système nerveux et serait la cause de cancers inexpliqués, chez les enfants notamment.

En Allemagne, l’année écoulée a vu la gronde contre l’herbicide s’intensifier. En juin 2015, des chercheurs ont démontré que le lait maternel contenait des taux de glyphosate anormalement élevés. Quelques mois plus tard, alors que le BfR et l’EFSA rejetaient la classification cancérogène probable de l’OMS, 96 scientifiques internationaux ont adressé une lettre ouverte au commissaire européen à la Santé, Vytenis Andriukaitis, pour l’exhorter à ne pas se fier aux “conclusions erronées” des deux organismes (lien en anglais).

300 fois plus de glyphosate dans la bière que dans l’eau

Il ne manquait qu’une goutte de glyphosate pour faire déborder la pinte, et elle a été versée la semaine dernière, lorsqu’une étude portant sur quatorze marques de bière (lien en allemand vers l’étude) a conclu que toutes contenaient le pestiféré pesticide, dans des quantités variables (entre 0,46 et 29,74 microgrammes/litre). Le débat s’est engagé, malgré la faiblesse assumée de la méthodologie employée par les auteurs de l’étude, et l’absence de normes officielles concernant le glyphosate dans la bière. Puisque les Allemands, paraît-il, boivent de la bière comme d’autres boivent de l’eau, la comparaison a été faite avec les taux en vigueur dans l’eau potable. Et les résultats sont accablants, la bière dépassant la norme jusqu’à 300 fois !

Nicht gut. Du glyphosate dans la bière, a révélé une étude

Invité à réagir, le gouvernement s’est d’abord voulu rassurant : il faudrait boire des quantités astronomiques de bière chaque jour pour s’empoisonner. Mais l’affaire a fini par faire fléchir le ministre de l’Agriculture, Christian Schmidt (CSU, conservateurs). Le glyphosate est un produit “pour les professionnels, qui doivent l’utiliser avec beaucoup de précautions, a-t-il déclaré à la chaîne de télévision ARD. Je veux limiter, peut-être aussi interdire l’utilisation du glyphosate chez les particuliers.”

Même inflexion en France, où la ministre de l’Environnement Ségolène Royal a ordonné il y a trois semaines le retrait des autorisations de mise sur le marché des produits mélangeant le glyphosate à un adjuvant appelé le “tallow amine”, officiellement identifié comme toxique et déjà interdit en Allemagne. La ministre doit d’ailleurs se rendre aujourd’hui vendredi 4 mars à Bruxelles, en compagnie du ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll, pour évoquer le sujet avec le Commissaire européen à la Santé.

Cette remise en question du pesticide se traduira-t-elle le 8 mars lors de la réunion du comité d’experts des Etats membres, qui doit statuer sur le renouvellement de l’autorisation du glyphosate ? Cette autorisation expire fin juin. Dans le texte qui lui sera soumis et que Reporterre publie en exclusivité, la Commission du président Juncker leur propose bien d’interdire l’association du glyphosate avec le “tallow amine”, mais aussi de prolonger l’autorisation de commercialisation jusqu’en 2031 sans autre restriction.

-  Télécharger la proposition de la Commission :

-  Télécharger son annexe :

C’est insuffisant, selon la députée écologiste européenne Michèle Rivasi, qui espère que la France et l’Allemagne auront le courage d’aller plus loin. Un renouvellement moins long, l’interdiction d’autres adjuvants, une restriction du glyphosate aux seuls professionnels : plusieurs pistes de compromis pourraient être envisagées.

Quelle que soit la décision des Etats membres mardi, la mobilisation contre l’herbicide est aujourd’hui en marche. La pétition lancée sur la plateforme Avaaz a déjà recueilli près d’un million et demi de signatures et les eurodéputés écologistes envisagent de réclamer que le texte obtienne l’accord du Parlement réuni en séance plénière, voire de porter l’affaire devant la justice. Plusieurs associations, dont Générations futures, ont d’ores et déjà prévu de manifester lors du vote du comité permanent à Bruxelles.

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