L’ouragan Ida révèle les fragilités de la côte Est des États-Unis

Un homme en kayak pagaie sur la route Interstate 676 inondée à Philadelphie (Pennsylvanie) le 2 septembre après le passage de l'ouragan Ida. - © Branden Eastwood/AFP
Un homme en kayak pagaie sur la route Interstate 676 inondée à Philadelphie (Pennsylvanie) le 2 septembre après le passage de l'ouragan Ida. - © Branden Eastwood/AFP
Durée de lecture : 4 minutes
Des dizaines de morts, des milliers de sinistrés et une situation amenée à se reproduire de plus en plus fréquemment. L’ouragan Ida, comme Katrina il y a seize ans, est un signal de plus que les villes de l’Est américain doivent être repensées pour faire face aux catastrophes climatiques.
Montréal, correspondance
Onze jours. C’est le temps qu’aura tenu le record horaire de précipitations tombées à New York. Les près de 80 millimètres d’eau accumulés en soixante minutes dans la métropole (plus de 18 cm en douze heures) mercredi soir 1ᵉʳ septembre ont balayé les 49 mm atteints par la tempête tropicale Henri le 21 août dernier. Dans le New Jersey, le chef du comté de Bergen County, James Tedesco, dit faire face à une dévastation presque totale. Après la Louisiane, Ida a frappé fort la côte Est, mortellement même, touchant particulièrement les plus pauvres. À New York, au moins huit personnes qui vivaient dans des sous-sols ou dans des caves converties en appartements, taudis souvent loués aux nouveaux arrivants au pays, n’ont pu échapper à l’inondation de leur logement. Une fois les flots retirés et les dégâts constatés, il faut fuir ou aller chercher de l’aide. Pendant ce temps, en Louisiane, les habitants, frappés plus tôt cette semaine, faisaient la file des heures vendredi 3 septembre pour obtenir de l’essence dans le peu de stations où il en reste. Encore 800 000 foyers de l’État n’avaient pas l’électricité et ils pourraient encore attendre plusieurs semaines dans certains endroits avant de retrouver le courant, selon les autorités.
« Mère nature fait ce qu’elle veut »
New York et le New Jersey comptent le plus de victimes de l’ouragan (au moins 33 sur les 48 d’après les derniers décomptes. Dès mardi, le National Weather Service avait pourtant sonné l’alarme. Une des zones les plus chaudes, c’était la Grosse Pomme. Le New York Times s’interroge donc en lettres capitales : « Les avertissements étaient terribles. Pourquoi New York n’a-t-elle pas pu être protégée ? » La gouverneure de l’État, Kathy Hochul, citée dans le quotidien, essuie les critiques pour ne pas avoir déclaré l’état d’urgence avant jeudi, alors que les inondations étaient déjà là. « Nous ne pouvions pas savoir que nous serions dans la même situation vulnérable [qu’en Louisiane et dans le Mississipi], avec des morts et des maisons détruites », et ajoute : « Mère nature fait ce qu’elle veut. » Elle estime que la population a été bien avertie par textos de ces inondations, mais que les messages auraient pu être traduits en davantage de langues et qu’elles n’ont visiblement pas atteint les « populations vulnérables ».

Le directeur du Northeast Regional Climate Center de l’université de Cornell a expliqué au New York Times que les intenses inondations de mercredi soir sont le résultat de plusieurs tempêtes qui se sont suivies, une à une, ont interagi entre elles, et que personne n’aurait pu prédire qu’elles engendrent un tel déluge.
Les ravages d’Ida mettront longtemps à s’effacer, mais il faut déjà guetter la prochaine grosse perturbation. Les météorologues américains voient approcher Larry, devenu un ouragan de catégorie 2 vendredi après-midi, avec des vents qui dépassent les 160 kilomètres à l’heure. Le National Hurricane Center prévoit que l’ouragan « qui deviendra majeur dans un jour ou deux », pourrait reprendre des forces dans les jours qui viennent, pour dépasser les 220 kilomètres à l’heure durant le week-end et remonter vers les Bermudes la semaine prochaine. Il devrait cependant s’affaiblir à l’approche du littoral américain et surtout causer de fortes houles, d’après le NHC.
Reconstruire les infrastructures en fonction des événements extrêmes
Joe Biden, le président des États-Unis, est venu observer vendredi les ravages qu’Ida a causés en Louisiane. À la paroisse St.John the Baptist, à Laplace, en banlieue de la Nouvelle-Orléans, il a apporté son soutien aux sinistrés et ouvert la voie à des propositions de lois pour des infrastructures plus solides face aux changements climatiques. « Les choses ont changé de façon si radicale en termes d’environnement. Nous avons déjà franchi certains seuils. Nous ne pouvons pas reconstruire des routes, des autoroutes, des ponts, quoi que ce soit comme avant. Nous devons reconstruire en fonction de la situation actuelle, de ce qui est nécessaire maintenant […] Et je sais que les dirigeants des entreprises d’énergie le comprennent très bien. »
Joe Biden joue gros dans l’après-Ida. En pente douce dans les sondages d’opinion (de 53 % d’approbation en juin à 46 % début septembre), le retrait des dernières troupes en Afghanistan l’a fait glisser plus abruptement. Il espère qu’Ida viendra sensibiliser le Congrès, pour lui faire accepter son projet de loi sur les infrastructures, qui doit être étudié cet automne. Le texte prévoit notamment d’améliorer les capacités des villes à se défendre face aux inondations et aux feux de forêt. Le vote du budget, qui inclut une épaisse enveloppe consacrée à la réduction des gaz à effet de serre, va dans le même sens.