Partout dans le monde, l’été des calamités

- © Gaëlle Sutton/Reporterre
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Climat Monde InondationsL’été 2021 a été marqué par une succession de catastrophes naturelles. Des États-Unis à la Russie en passant par l’Allemagne, aucun continent n’a été épargné. Pour comprendre l’ampleur de ces événements accentués par le réchauffement climatique, Reporterre les a réunis et racontés sur une carte.
Sur le site internet CatNat, les récits de catastrophes défilent tristement. Tempêtes tropicales en Amérique, inondations en Afrique, feux de forêt en Europe... Le site, géré par Ubyrisk Consultants — un cabinet de conseil spécialiste des risques naturels — recense chaque jour ces événements dramatiques. Face à l’interminable liste, le constat est amer : durant l’été 2021, ceux-ci se sont succédé sans répit. « D’une façon générale, cet été, on a enregistré davantage de catastrophes naturelles dans le monde, observe Yorik Baunay, le fondateur et directeur d’Ubyrisk Consultants. On est au-dessus de la moyenne qu’on observe depuis la création du site CatNat en 2001. »
Il nuance : ces événements sont à analyser différemment selon les régions. L’Amérique, l’Afrique et l’Asie ont été touchées, saison des ouragans et des moussons oblige, mais de façon relativement similaire aux années précédentes. Ce sont plutôt l’Europe et la Russie, d’habitude plutôt épargnées affirme-t-il, qui ont subi de plein fouet les aléas météorologiques. Mi-juillet, des pluies diluviennes se sont abattues sur l’Allemagne et la Belgique. À Cologne, le 14 juillet, il est tombé en douze heures 145 millimètres de pluie — soit autant que ce qui tombe habituellement durant les mois de juillet et août réunis. Des villes entières ont été ravagées par l’eau, les glissements de terrain, et plus de 200 personnes ont été tuées à cause de ces inondations inédites.
Pour visualiser la multiplicité et l’ampleur des événements de l’été 2021, Reporterre les a répertoriés sur une carte du monde [1] :
Le changement climatique, un amplificateur
Cette situation s’explique par un phénomène météorologique de « goutte froide » : une poche d’air froid qui apparaît à environ 5 400 mètres d’altitude, s’étend entre quelques dizaines et un millier de kilomètres et entre en conflit avec les masses d’air (plus chaudes) au-dessus du sol. Résultat : une instabilité importante, avec des pluies et des orages. Ces « gouttes froides » se sont poursuivies en Europe occidentale depuis la fin juin.
Et comme d’habitude, le changement climatique a aggravé la situation, a révélé une étude publiée le 23 août par les climatologues de l’initiative World Weather Attribution (WWA). Selon leurs recherches, les précipitations extrêmes comme celles du mois de juillet ont été rendues jusqu’à neuf fois plus probables à cause du dérèglement climatique dû à l’activité humaine. En bref, il ne cause pas les fortes pluies, mais les aggrave. Sur une journée, il ferait augmenter la quantité d’eau tombée de 3 à 19 %.
« Cet événement démontre une fois de plus en 2021 que des phénomènes extrêmes dépassant de loin les records observés, exacerbés par le changement climatique, peuvent frapper n’importe où, provoquer d’énormes dégâts et faire des victimes », a déclaré le Dr Frank Kreienkamp, chef du bureau de Potsdam sur le climat au service météorologique allemand, dans un communiqué de presse du WWA. « Même les pays développés ne sont pas à l’abri des graves conséquences des phénomènes météorologiques extrêmes que nous connaissons et dont nous savons qu’ils vont s’aggraver avec le changement climatique », a ajouté la Dr Friederike Otto, la directrice associée de l’Environmental Change Institute à l’université d’Oxford.

En Russie, pays habituellement relativement épargné par les catastrophes naturelles selon Yorik Baunay d’Ubyrisk Consultants, l’été a aussi été dramatique. La Sibérie, pourtant l’une des régions les plus froides du monde, n’a cessé de brûler. Depuis la fin du mois de mai, la Yakoutie, située dans le nord-est de la Sibérie, a fait face à de gigantesques feux de forêt boréale. Le 26 août, ils avaient brûlé plus de 17 millions d’hectares de forêt et étaient « quasiment » éteints. En cause : les températures estivales supérieures à la moyenne et la sécheresse. Ce type d’incendies est habituel en Sibérie durant l’été, mais le changement climatique et la hausse des températures les amplifient. De la même façon, d’importants feux de forêt ont été subis en Espagne, Grèce, Algérie ou en Turquie.

En Amérique, plusieurs phénomènes intenses ont aussi frappé la région ces derniers mois, mais ils sont à différencier. « Le dôme de chaleur survenu au nord-ouest du continent, les températures proches de 50 °C, le village canadien de Lytton qui a pris feu, etc., tous ces événements ont été facilités par le dérèglement du climat », dit à Reporterre Jean-Pascal van Ypersele, climatologue et professeur à l’université de Louvain. En revanche, les ouragans, tempêtes tropicales et inondations sont habituels dans cette région. « Il va falloir attendre pour voir si cette saison est exceptionnelle ou non, poursuit le climatologue. On sait que le réchauffement du climat va probablement s’accompagner de cyclones plus intenses, mais ils ne seront pas forcément plus nombreux au total. »

De la même façon, des pays d’Afrique et d’Asie ont subi de fortes inondations — eux qui sont en pleine saison des pluies. En Chine, certaines précipitations semblent inédites : à Zhengzhou (capitale de la province du Henan, située à 700 kilomètres au sud de Pékin), fin-juillet, il est tombé l’équivalent d’une année de pluie en trois jours selon les autorités chinoises. Plus de 300 personnes sont décédées. Là encore, le changement climatique n’est pas à l’origine de ces pluies, elles sont habituelles en cette saison. Mais il est probable qu’il les ait aggravées. « Il n’y a pas encore eu d’étude sur l’attribution d’une éventuelle intensification extrême de ces précipitations en Asie », précise toutefois le climatologue Jean-Pascal van Ypersele.
Se pose désormais la question de l’avenir : les futurs étés ressembleront-ils à celui de 2021 ? « Le climat, ce n’est pas la répétition de la météo d’une année, prévient Jean-Pascal van Ypersele. On ne peut pas prévoir que chaque été sera plus humide à un endroit et plus sec à un autre. À cause du changement climatique, on se dirige vers des conditions climatiques plus extrêmes, mais pas forcément dans la même direction. Toutefois, cette évolution n’est pas une fatalité : les trajectoires d’évolution du climat peuvent varier si nous réussissons, ou non, à réduire nos émissions de carbone. »