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La France face au retour des projets miniers

Alors que se tient aujourd’hui à Lussat (Creuse) le festival international contre la méga-industrie minière, No mine’s land, Reporterre fait le point sur la situation des mines en France après que Montebourg a affiché sa volonté de relancer la filière.


Durant les précédentes décennies en France, les mines de charbon, de fer ou d’uranium ont, une à une, fermé leurs portes. Le secteur minier semblait avoir tiré sa révérence et appartenir à un passé industriel révolu.

Pourtant, depuis 2013, trois permis exclusifs d’exploration (PER) ont été accordés par l’Etat à des entreprises privées : dans la Sarthe, dans la Creuse et dans le Maine-et-Loire. C’est la première fois depuis une trentaine d’années que la France autorise des recherches dans le but de lancer l’exploitation de métaux.

Une vingtaine de mines encore exploitées

La dernière mine métallique, la mine d’or de Salsigne (Aude), a fermé en 2004. Mais les mines n’ont pas totalement disparu du sol français : on en compte une vingtaine encore exploitée. Il s’agit principalement de mines de sel mais aussi de roche bauxite, de schistes bitumineux et de fluorine. Les carrières – exploitations de gisements destinés principalement à la construction – sont plus nombreuses. 4 700 sont dénombrées sur le sol hexagonal : granulat, calcaire, gypse, etc.

Depuis une dizaine d’années, la demande en métaux a explosé. Ils sont partout : dans les automobiles, les câbles électriques, les éoliennes, les ordinateurs et téléphones, etc. La France dispose de gisements de métaux précieux – or, plomb, zinc, etc. – et de métaux dits stratégiques – antimoine, germanium, graphite, tantale, etc.

Le Bureau des recherches géologiques et minières (BRGM), établissement public à caractère industriel et commercial, a mené jusqu’en 1991 un inventaire des sols français. Après retraitement des données en 2013, l’organisme a présenté vingt-sept sites à potentiel minier. Les gisements se trouvent essentiellement dans les massifs armoricain et central, ainsi que dans les Pyrénées.

- Pancartes d’opposition aux projets de nouvelles mines dans la Sarthe, juillet 2013. -

Trois permis de recherche de mines accordés

En 2013, l’Etat accorde le « permis de Tennie », un premier permis exclusif de recherche (PER) à l’entreprise orléanaise Variscan, filiale de la société australienne Platsearch. Ce permis de cinq ans, renouvelable deux fois, permet à l’entreprise de prospecter une large zone entre la Sarthe et la Mayenne, à la recherche de cuivre, zinc, plomb, or, argent, etc.

En février 2014, Variscan obtient un second PER lui permettant de chercher or, argent et autres matériaux autour de la commune de Saint-Pierre-Montlimart, en Maine-et-Loire. « Trois autres permis devraient nous être accordés bientôt », affirme Michel Bonnemaison, directeur général de Variscan. « Au total, nous avons fait neuf demandes. »

Dans la Creuse, c’est la société Cominor, filiale de la compagnie canadienne La Mancha qui a obtenu le « permis de Villeranges ». Comme dans la Sarthe et dans le Maine-et-Loire, il s’agit d’une ancienne zone minière. À quelques kilomètres de là, une ancienne mine d’or fermée dans les années cinquante a été laissée en déshérence, polluant à l’arsenic les eaux de ruissèlement. En 2010 et 2011, de gros travaux de dépollution ont été menés sur le site, mais ce passé peu glorieux inquiète les riverains.

« Nous craignons qu’une nouvelle exploitation contamine la seule nappe phréatique de la Creuse », explique Jean-Pierre Minne, membre du collectif Vigilance contre le projet de mine en Creuse. « Nous sommes aussi tout près de la réserve naturelle de l’étang des Landes. » Un site classé Natura 2000, tout comme le proche bassin de Gouzon.

« De plus, il y a des irrégularités dans le dossier de Cominor, poursuit-il, la consultation publique s’est faite sur Internet, sur le site du ministère du Redressement productif. Résultat : sur les 3 000 habitants, seulement treize y ont répondu ! »

- Manifestation en juillet 2013, à Tennie, dans la Sarthe, contre l’ouverture de nouvelles mines. -

« La majorité de la population s’y oppose »

Dans la Sarthe aussi, des voix s’élèvent contre la mine. « La majorité de la population s’y oppose, affirme Maurice George, président de l’association Rouez-Environnement. Notre association compte trois-cents adhérents. » Parmi eux, beaucoup ont déjà vécu l’arrivée d’une société minière : à la fin des années quatre-vingt, Elf a obtenu la concession d’une mine d’or à Rouez.

Mais ces années sont marquées par la dépression de la valeur des métaux : la firme se rend compte que la mine est peu rentable. Elle laisse alors une autre société exploiter le filon. « La mine a fermé mais des déchets sont restés, polluant l’eau », raconte Maurice George. Un arrêté préfectoral contraint Total (qui a absorbé Elf entre temps) à dépolluer le site.

Michel Bonnemaison, directeur général de Variscan, défend le concept de mine responsable. « Nous faisons attention à ne pas gaspiller la ressource en utilisant tout le minerai existant, même celui qui a le moins de valeur. Les mines sont souterraines et on remblaie au fur et à mesure, on ne remonte que le produit fini. On utilise relativement peu d’eau qui est traitée et réutilisée. »

Malgré cela, pour plus de transparence, Rouez-Environnement a obtenu la création d’un comité de suivi du projet : tous les ans, Variscan doit présenter aux élus et aux associations le bilan et les projets à venir.

Montebourg aux manettes

Ces permis d’exploration ne sont pas octroyés par hasard. Depuis 2008, l’Europe a mis en place une politique concernant les matières premières. Il s’agit de s’en assurer l’accès via une « diplomatie des matières premières » dans les pays miniers, de promouvoir le recyclage des métaux et de soutenir l’exploitation des gisements au sein de l’union.

Le but : garantir l’indépendance vis-à-vis des pays exportateurs, comme la Chine, la Russie et certains pays d’Afrique, figurant parmi les premiers fournisseurs de matières premières de haute technologie en Europe.

En France, la réflexion est menée par les gouvernements successifs. Mais c’est Arnaud Montebourg, ministre actuel de l’Economie, du Redressement productif et du Numérique qui relance véritablement le secteur des mines.

Le 21 février 2014, il annonce dans Le Parisien la création d’une compagnie minière nationale, chargée – entre autres - de « prospecter et exploiter d’abord notre sous-sol ».

Dans la foulée, le 19 juin 2014, il signe le contrat de filière « Industries extractives et de première transformation » : la filière des mines, carrières et de la transformation des métaux est créée.

- Arnaud Montebourg -

Réforme du code minier au point mort

Parallèlement, le code minier, datant de 1956 et encadrant l’exploitation des sous-sols, est remis en chantier. Le projet de réforme, conduit par le conseiller d’Etat Thierry Tuot, a été rendu aux ministres en décembre 2013. Neuf livres et 700 propositions qui visent à simplifier les procédures, affirmer le rôle de l’Etat, seul à délivrer les autorisations, et se conformer à la Charte de l’environnement.

Un projet de loi devait être présenté au Conseil des ministres au printemps 2014. Mais il est au point mort. « Il sera déposé au Parlement au début de l’automne », assurait Arnaud Montebourg le 10 juin devant l’Assemblée nationale.

Pour répondre à la demande constante en métaux précieux, il reste une solution : les recycler. Car un incroyable gisement, surnommé « mine urbaine », existe à la surface de la planète. Ce sont tous les métaux présents dans les bâtiments, les avions, les éoliennes, les ordinateurs, etc.

En proportion, il y a plus d’or dans un appareil électronique que dans une mine. Mais ces mines urbaines s’avèrent difficile à exploiter : les objets électriques et électroniques contiennent parfois plusieurs dizaines de métaux différents, qu’il est délicat de séparer.

Et puis, il y a une autre solution, simple, mais que personne ne semble vouloir envisager : réduire la consommation de métaux… Il n’y a, après tout, aucune fatalité, à ce que la demande en augmente sans arrêt.


LES MINES OUTRE-MER

- Mine à ciel ouvert de nickel, à Kouaoua sur la côte est de la Nouvelle-Calédonie -

Certains sous-sols des Dom-Tom sont riches en minerais. La Guyane compte cent titres d’exploitation de mines. Le département exploite l’or depuis 150 ans.

La Nouvelle-Calédonie est le deuxième pays le plus riche en nickel, avec une réserve minière de douze millions de tonnes. Ces gisements contiennent aussi du cobalt. L’exploitation relève du gouvernement de Nouvelle-Calédonie.

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