La crise de l’eau n’est pas une fatalité

Mobilisation contre une mégabassine de Charente-Maritime, samedi 6 novembre 2021. - © Corentin Fohlen/Reporterre
Mobilisation contre une mégabassine de Charente-Maritime, samedi 6 novembre 2021. - © Corentin Fohlen/Reporterre
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Eau et rivières PolitiqueLes graves sécheresses risquent de devenir la norme. Pour restaurer le cycle de l’eau, l’auteur de cette tribune, candidat Nupes aux législatives, livre une liste de mesures.
Gabriel Amard, conseiller régional Auvergne Rhône-Alpes, candidat de la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes) aux élections législatives à Villeurbanne, dans le département du Rhône.
Le cycle de l’eau est particulièrement affecté par le réchauffement climatique : en France, 62 épisodes de sécheresse ont été recensés entre 1991 et 2015, contre 13 entre 1964 et 1990. Ils affectent les récoltes, la capacité de refroidissement des centrales nucléaires et l’alimentation en eau potable des populations. Dans le même temps, les inondations deviennent plus virulentes. Depuis les années 1970, 44 % des catastrophes naturelles dans le monde ont eu un lien avec les inondations. La crise de l’eau, c’est aussi une gestion défaillante qui prive deux milliards de personnes dans le monde d’un accès à une eau potable gérée en toute sécurité – 490 300 personnes rien qu’en France hexagonale, et des dizaines de milliers dans les Outre-mer. L’accès à l’eau devient donc un enjeu politique majeur de notre temps. Or nous assistons à une offensive des défenseurs du marché pour s’emparer de la ressource : introduction de l’eau en bourse aux États-Unis et en Australie, fusions de géants de la gestion déléguée (Veolia et Suez).
Il faut donc agir. L’ampleur des dégâts requiert d’organiser une politique globale qui engage à la fois des actions de court terme et planifie et déploie une stratégie de long terme débarrassée des intérêts capitalistiques, pour refonder la politique de l’eau sur de nouvelles bases.
À court terme, nous devons réduire au maximum les sources de gaspillage, être prêts à parer au manque d’eau. Par exemple, il faudra rapidement interdire les bassines de stockage d’eau [dites mégabassines] et suspendre celles en construction — à rebours des promesses du gouvernement actuel — car elles sont une mauvaise réponse aux problèmes d’approvisionnement des agriculteurs. Assurant une irrigation à profusion, elles participent du maintien d’une agriculture productiviste et incitent au gaspillage de l’eau. Un accompagnement des agriculteurs dans la durée est aussi indispensable pour les aider à changer de modèle. De même, les industriels des eaux en bouteille puisent toujours plus d’eau, y compris en période de sécheresse. Il faut encadrer fermement ces pratiques. Pour éviter une nouvelle crise sanitaire due à la canicule probable, des mesures d’urgence ne peuvent être écartées en cas de pénurie d’eau. La distribution de bouteilles d’eau [1] par exemple, notamment dans les Outre-mer.
- Un résident remplissant un récipient d’eau d’une source naturelle à Trois-Rivières, en Guadeloupe, en 2018. © Cedrick Isham Calvados / AFP
Garantir le droit à l’eau potable pour tous
À long terme, deux grands principes doivent guider la politique de l’eau. Un : consacrer une « règle bleue » qui déclinera pour l’eau le principe de la « règle verte », c’est-à-dire ne pas prendre à la nature davantage qu’elle ne peut reconstituer. Il s’agit donc de maintenir les nappes et les cours d’eau à un niveau suffisant malgré les captages et de limiter au maximum la nocivité des rejets pour atteindre le bon état écologique et chimique des cours d’eau et des réserves souterraines. Deux : garantir le droit à l’eau potable, à l’assainissement et à l’hygiène pour toutes et tous.
L’eau est à la croisée des enjeux sanitaires, agricoles, industriels, énergétiques, de transports. Par exemple, 90 % des cours d’eau français sont pollués aux pesticides. En coordination avec le ministre en charge de l’Agriculture, il est essentiel de promouvoir les pratiques agricoles qui économisent l’eau et ne la polluent pas, dans le même esprit que les régies publiques qui subventionnent les paysans bio installés dans les champs de captage d’eau potable. Autre exemple : 20 % de l’eau potabilisée part en fuites et ce chiffre atteint parfois 60 % dans les Antilles. Il faut rénover l’intégralité des réseaux d’eau et d’assainissement durant le mandat pour limiter le gaspillage et réduire la facture d’eau (l’eau qui part dans les fuites est payée par les usagers).
Lire aussi : En Guadeloupe, le scandale de l’eau est un désastre écologique
Les agences de l’eau et la police de l’eau doivent être renforcées dans leurs moyens, pour veiller sur la ressource et prévenir les dégradations et les écocides. Pour assurer le droit à l’eau et à l’assainissement, organiser le passage en gestion de l’eau publique, locale et citoyenne des 6 667 contrats restant encore délégués au privé (contre 17 825 services déjà publics) s’impose car la gestion du privé mêle incitations au gaspillage, surfacturations et sous-investissement. Pour permettre à chacun de subvenir à ses besoins vitaux, des mesures soutenues par les associations comme la gratuité des mètres cubes indispensables à la vie digne, la suppression de l’abonnement au compteur au domicile principal, la répression effective des coupures d’eau illégales et le maillage des territoires de fontaines à eau, de douches et de sanitaires sont primordiales. En Outre-mer, les opérateurs doivent cesser de réclamer l’argent des factures d’eau aux habitants, alors que ces derniers n’ont jamais eu d’eau chez eux ou qu’ils n’ont jamais consommé les volumes facturés.
Pour mener à bien ces transformations, la Nouvelle union populaire écologique et sociale a prévu de créer un Haut commissariat à l’eau, qui impulsera et coordonnera la politique de l’eau, dans tous ses aspects.
L’accès à l’eau potable et à l’assainissement conditionne la capacité des sociétés à se développer. Trois jours sans et nous sommes morts. L’eau est égale de l’air et d’un rayon de soleil, disait Danielle Mitterrand. C’est notre bien commun, aux êtres humains et à l’ensemble du vivant. Considérons-la comme telle.