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Pollutions

Le douteux bilan écolo des patinoires en plastique

Une patinoire faite de panneaux en plastique fonctionnant sans énergie, en Allemagne.

Faute de froid hivernal, les municipalités prisent l’installation de patinoires synthétiques. Pourtant, les pollutions qu’elles génèrent posent question.

Patinerons-nous uniquement sur des patinoires synthétiques, sans aucune glace ? Permettant de patiner avec « zéro eau, zéro énergie, zéro CO2 », comme on peut le lire sur le site d’une de ces entreprises, les patinoires en plastique, dont la glace est remplacée par des dalles en plastique, sont de plus en plus prisées par des villes françaises. Elles ne sont pourtant pas l’alternative écologique rêvée.

Si, selon l’Anses, l’autorité sanitaire française, il n’existe aucune étude sur les conséquences des patinoires synthétiques sur les humains et l’environnement, celles-ci seraient sous-évaluées. En novembre dernier, WWF Allemagne a ainsi publié des recherches pionnières sur ce sujet, en menant ses propres entretiens. Conclusion : « Les patinoires en plastique sont principalement fabriquées en polyéthylène », certifie WWF Allemagne.

Le polyéthylène est un plastique issu de la transformation du pétrole. La production et le transport de ce plastique « génèrent des déchets plastiques », indique WWF Allemagne. Cela est « extrêmement polluant », souligne Axèle Gibert, chargée des réseaux prévention des déchets et risques de France Nature Environnement (FNE) : « On remplace une pollution [notamment l’énergie permettant de refroidir la glace] par une autre, c’est une aberration écologique. »

Des microplastiques aux « dommages dévastateurs »

Ce sont surtout les microplastiques détachés par les lames des patins qui préoccupent WWF Allemagne : « Les microplastiques qui se détachent […] pénètrent dans le sol, l’air et la mer et causent des dommages dévastateurs », certifie Caroline Kraas, experte en microplastiques du WWF.

Contactés par WWF Allemagne, des fabricants comme Glice affirment que l’abrasion plastique générée par leurs patinoires ne serait pas des microplastiques. « C’est absurde », réagit Caroline Kraas. Contacté à plusieurs reprises, Glice n’a pas souhaité répondre à nos questions. Les patinoires plastiques d’un autre fabricant, Synerglace, sont, elles, issues du polyéthylène haute densité (PEHD), du bois et de la cire, « fabriquée en Europe », selon le fabricant contacté par Reporterre. Garantie des dalles : quinze ans. Quant aux « additifs » et « stabilisateurs » utilisés par des fabricants pour rendre la patinoire glissante et résistante à la chaleur et aux rayons UV, impossible d’obtenir plus de précisions de la part du fabricant. « Souvent, les fabricants des patinoires synthétiques ne savent pas le contenu exact du plastique », a découvert Caroline Kraas.

« Si on ne peut plus faire de patinoire en hiver, il faut l’accepter »

« Ces additifs et stabilisateurs possèdent un risque important pour la santé », précise toutefois Axèle Gibert, de FNE. Selon l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS), il s’agit entre autres de l’additif noir de carbone, de la silice cristalline, qui joue un rôle dans le développement des cancers pulmonaires, et des pigments minéraux, qui peuvent mener à des « ulcérations de la peau et des muqueuses ». Les microplastiques, eux, peuvent provoquer des inflammations et des maladies comme le cancer.

C’est la raison pour laquelle les pelouses synthétiques à base de microplastiques seront bientôt interdites par l’Union européenne. « C’est fort possible que les patinoires plastiques contiennent les mêmes composantes que les pelouses synthétiques déjà interdites ou en phase d’être interdites par l’UE », dit Axèle Gibert.

Du plastique recyclé ?

Autre danger des patinoires synthétiques : la pollution engendrée par les micro et nanoplastiques. « Si la patinoire se trouve par exemple près d’un lac ou d’un stand de nourriture, le microplastique peut se retrouver immédiatement dans l’eau ou dans la nourriture, explique l’experte de FNE. Le microplastique est encore plus fin qu’un cheveu. Une fois dans l’air ou dans l’eau, il est impossible à capter. »

Si la patinoire synthétique se trouve en lieu fermé, le microplastique peut même se condenser dans l’air. « Le risque d’ingérer les microplastiques est dix fois plus grand à l’intérieur », précise Axèle Gibert. Les patineurs pourraient donc facilement ingérer des microplastiques. Caroline Kraas préfère toutefois que ces patinoires plastiques soient à l’intérieur, où l’on peut travailler avec un système de ventilation résistant à l’abrasion plastique.

La question du recyclage est également pointée du doigt par WWF Allemagne. Plus le plastique contient d’additifs, plus il sera difficile à recycler, selon Caroline Kraas. Du côté de Synerglace, par exemple, l’entreprise nous assure utiliser du PEHD recyclé pour les plaques. Selon l’experte de FNE, il existe toutefois « un risque important que ces patinoires finissent à l’incinération », sachant que « seulement 28 % du plastique est recyclé en France ».

« Si la demande en patinoires synthétiques augmente, les fabricants créeront peut-être vraiment un cercle de recyclage », selon Caroline Kraas. Au lieu d’interdire la patinoire en soi, elle propose notamment de « limiter ce loisir à la saison hivernale ».

Pour l’experte de FNE, cela ne suffira pas. « Si on ne peut plus faire de la patinoire en hiver à cause de notre responsabilité dans le changement climatique, il faut l’accepter », dit Axèle Gibert. Une patinoire synthétique reste une patinoire artificielle. « À partir du moment où c’est artificiel, il y a un risque sur la biodiversité et la santé humaine. Il faut juste arrêter d’utiliser ce plastique », souligne-t-elle.

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