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Le renard n’est pas un animal nuisible, arrêtez de le massacrer

Le renard roux (« Vulpes vulpes ») est le prédateur le plus persécuté en France. Plusieurs centaines de milliers de renards sont éliminés chaque année pour satisfaire les désirs du lobby de la chasse. C’est une absurdité, plaide l’auteure de cette tribune.

Ariane Ambrosini est juriste au sein de l’Aspas, Association pour la protection des animaux sauvages, qui se bat depuis plus de trente ans pour qu’évolue le rapport de la société à la nature sauvage et en particulier pour la réhabilitation des espèces animales « mal-aimées ».


Il ne fait pas bon être un animal prédateur en France. Les « grands » que sont l’ours, le lynx et le loup ont été exterminés au cours du siècle dernier et tentent, non sans mal, de se refaire une place au sein des milieux naturels de l’Hexagone. Les « petits » connaissent la même discrimination, mais leurs capacités d’adaptation leur permettent de s’accrocher aux paysages français, au grand dam de leurs détracteurs.

Au premier rang de ces petits prédateurs naturellement présents dans nos campagnes se trouve le renard. Cible d’importants massacres au cours de la seconde moitié du XXe siècle (en vue de lutter contre la rage), cette espèce a montré qu’elle était capable de répondre à d’intenses campagnes d’abattage en adaptant ses mœurs pour reconstituer et maintenir ses populations.

Loin de prendre acte et d’adapter nos habitudes destructrices à la présence de cet animal plein d’enseignements, la réglementation française (et donc les gouvernements successifs) autorise un large panel d’outils de mises à mort spécifiques à cet animal.

Le renard est chassé par tir de septembre au dernier jour de février, mais les préfets peuvent, de manière dérogatoire, autoriser la chasse du renard dès le 1er juin. Ces « tirs d’été » ont été autorisés dans 93 départements pour la dernière saison de chasse. Jusqu’à fin mars, le renard subit également les chasses à courre au cours desquelles l’animal est poursuivi par des meutes de chiens.

Quel que soit le mode de chasse, le renard subit dix mois par an le funeste loisir d’une frange de la population qui ne représente guère plus de 2 % de nos concitoyens.

Tué par tir, piégeage et déterrage toute l’année, sur la quasi-totalité du territoire 

Le renard est également la cible privilégiée de la vénerie sous terre, ou « déterrage ». Ce mode de chasse est remarquable par sa brutalité : l’animal sauvage est acculé au fond de son terrier par un chien de chasse, dont les aboiements signalent la présence et la localisation de l’animal traqué. Pioches et pinces permettent alors aux chasseurs de creuser le sol et d’extraire le renard qui sera soit achevé, soit relâché dans un état de stress auquel peu d’individus survivent.

À côté de ces massacres « pour le plaisir », les autorités permettent des « destructions administratives » dont l’objet est, en principe, de remédier à un problème ponctuel lié à la présence un peu trop intrusive du téméraire goupil.

Un renard roux devant la carcasse d’un petit mammifère.

Le renard fait ainsi partie des espèces pouvant être classées « nuisibles » dans un département. Ici encore, l’exception devient la règle puisque le renard est classé « nuisible » dans 90 départements. Ce statut lui vaut d’être tué par tir, piégeage et déterrage toute l’année, sur la quasi-totalité du territoire.

Les techniques de piégeage autorisées sont source de grandes souffrances pour le renard, mais également pour les autres animaux accidentellement capturés. En effet, qui peut croire que seul le renard est attiré par un bout de viande à portée de museau ? Martre, putois, mais aussi chien ou chat domestique sont les victimes collatérales de ces engins de torture.

Se remplir la panse en économisant ses forces 

Or, ces destructions sont principalement motivées par le souci de protéger des animaux de basse-cour trop facilement accessibles et surtout par le souci de protéger les animaux tout juste sortis d’élevages et lâchés pour agrémenter les parties de chasse (faisans, perdrix, etc.). Ces animaux peu adaptés à la vie sauvage sont des proies faciles pour le renard qui y voit un bon moyen de se remplir la panse en économisant ses forces. Une aubaine pour tout prédateur digne de ce nom.

Rien ne justifie l’abattage massif et brutal dont le renard fait l’objet. Nous savons aujourd’hui que chaque espèce joue un rôle au sein du milieu dans lequel il évolue. Nous connaissons les bienfaits d’un renard sur les cultures qu’il débarrasse de rongeurs. Nous reconnaissons à chaque animal le caractère d’être vivant doué de sensibilité (article 515-14 du Code civil). Si les raisons éthiques ne suffisent pas à convaincre nos décideurs de respecter un tel animal, les raisons économiques devraient faire mouche. Il est temps que l’intérêt général prime sur l’intérêt particulier et destructeur d’une poignée de personnes.

C’est pourquoi parmi les cinq motions proposées par l’Aspas en faveur du renard, l’association demande à ce que l’espèce soit retirée de la liste des espèces « nuisibles ». En accord avec les dernières avancées réglementaires qui reconnaissent le rôle du renard dans la régulation des micromammifères ravageurs de cultures, cette mesure permettra de développer une autre manière d’appréhender notre rapport à cet animal, de mieux le connaître pour mieux coexister le temps de notre passage sur cette planète.

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