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ReportageClimat

Les activistes du climat bousculent le sommet du pétrole à Pau

Les activistes d’ANV-COP21 sont intervenus mardi 5 avril pour bloquer à Pau une conférence de l’industrie pétrolière et gazière offshore. Plusieurs centaines de militants non-violents ont forcé les barrages policiers et occupé les abords du centre des congrès de Pau.

-  Actualisation - Jeudi 7 avril - De nouvelles actions de blocage du congrès ont de nouveau eu lieu au matin du 7 avril. Voir détails ici.


-  Pau (Pyrénées-Atlantiques), reportage

Dans la nuit de mardi 5 avril à mercredi, des groupes d’activistes sont allés perturber le sommeil des congressistes : ils se sont introduits dans deux hôtels de Pau, où ils ont chanté des slogans. À sept heures, une autre équipe s’est attachée aux grilles de l’un de ces hôtels, la Villa Navarre, afin d’empêcher les congressistes de sortir pour se rendre à la conférence. Ils en ont été délogés par la police à 8 h 20.

L’action avait commencé mardi 5 avril, à 9 h, alors que les rues étaient encore calmes aux abords du palais Beaumont. Et pour cause, un impressionnant dispositif de sécurité avait été mis en place. Patrouille de police, camions de gendarmes mobiles à proximité et interdiction de circuler en voiture. Des barrières empêchent même d’accéder à la petite esplanade située devant le palais.

Des hommes (surtout) et quelques femmes, en costumes, commencent à arriver, à pied, et font la queue devant le service de sécurité, qui les laisse passer au compte-goutte après vérification de leur identité. Ils font partie des ingénieurs et responsables de différentes entreprises du secteur pétrolier et gazier offshore conviées à la conférence annuelle du MCE Deepwater Development pour réfléchir à « comment adapter le marché du gaz et du pétrole offshore à la crise actuelle et le faire évoluer vers plus de sécurité, d’intelligence et de compétitivité ».

Déferlante de militants en jaune fluo

Puis d’un coup, aux cris de « état d’urgence climatique », un cortège d’une trentaine de personnes apparaît au bout d’une rue, face à l’entrée du palais. Il avance, d’un pas décidé, et semble vouloir tout emporter sur son passage. Portant des chasubles jaunes, rembourrées de paille ou de protections en mousse, les activistes s’ouvrent un passage au milieu des congressistes et du service de sécurité censé filtrer les entrées. Les gendarmes mobiles n’ont pas le temps de s’interposer assez vigoureusement et reculent. Les activistes parviennent jusqu’aux portes automatiques du centre de congrès, qui se ferment devant eux.

Enchaînés à la rampe

« C’est une action non-violente », annonce le mégaphone. « Nous sommes là car nous prenons les engagements pris à la COP21 au sérieux. Ce sont les personnes qui sont à l’intérieur du bâtiment qui enfreignent ces engagements. Nous sommes là pour les empêcher de détruire la planète, le climat et des centaines de millions de vies. » Si une centaine de congressistes arrivés plus tôt ont déjà pu entrer, les retardataires sont bloqués, faute de porte d’entrée libre, pendant environ 45 minutes. Finalement, un autre accès leur sera ouvert et tout le monde pourra entrer.

Une heure après le début de la mobilisation, une seconde vague, composée d’une centaine d’activistes, apparaît à l’arrière du palais Beaumont. En ligne, liés par les bras, les militants avancent eux aussi d’un pas décidé et rejoignent l’avant du palais en soulevant des barrières de sécurité puis en défiant un cordon de gendarmes mobiles. Les militants s’aspergent de peinture en avançant, à quoi les gendarmes répondent par des tirs de gaz lacrymogène, poivre et coups de matraques. Un petit-jeu de gagne-terrain qui libère un espace de gazon sur le côté du palais.

Une ligne rouge pour le climat à Pau

Au même moment, trois activistes qui avaient réussi à passer les contrôles et à s’introduire dans la salle de conférence montent sur scène et prennent la parole, après s’être menottés aux tables pour ralentir leur évacuation. « On a expliqué devant tout le monde pourquoi on était là » raconte Guillaume Durin, l’un des infiltrés du jour, par ailleurs porte-parole d’Alternatiba. « Il y a peut-être 3 ou 4 personnes qui nous ont applaudis, un seul nous a sifflé, et les autres nous regardaient, on voyait bien que ça les emmerdait. Mais c’est essentiel qu’on les mette en lumière. »

Loin de Paris, dans le fief historique de Total (et avant lui Elf), les têtes pensantes de l’industrie pétrolière et gazière offshore pensaient pouvoir se réunir en toute tranquillité, comme cela avait déjà été le cas à plusieurs reprises. Les manifestants n’ont pas empêché la conférence de débuter, mais ils l’ont largement perturbée. En milieu de journée, un rassemblement public annoncé à l’avance a réuni plusieurs centaines de personnes devant le palais Beaumont. « C’est une mobilisation historique, affirme Nicolas Haeringer, de 350.org. Aujourd’hui, nous commençons à faire ce que nous avions dit à Paris : tracer des lignes rouges pour le climat. »

Dans la foule, nombreux sont ceux qui découvrent ce type de mobilisation. « Au départ, on pensait que ce serait des gauchistes écervelés. La question, pour nous qui sommes dans des situations confortables, c’est comment prendre des risques. Et là, on voit que cela peut avoir une vraie ampleur », expliquent Marcel et Christian, militants locaux.

La solidarité comme moteur de l’action directe

L’après-midi s’est déroulée plus calmement, les militants essayant de gêner les allées et venues des participants et chantant des slogans. « On a vraiment réussi à perturber cette première journée », selon Sylvine Bouffaron, d’ANV-COP21. Mobilisation réussie car médiatisée, alors que ce genre d’évènements se déroulent habituellement dans l’ombre. « Être là et exposer que ce sont des criminels, c’est déjà une première victoire », expliquaient de nombreux activistes.

« On sent qu’il y a une coordination entre nos militants, personne n’est là par hasard », explique encore Sylvine Bouffaron. En effet, depuis samedi, le « Camp sirène » établi au Village Emmaüs de Lescar a permis de mettre en place des formation à la non-violence. « Ceux qui sont en première ligne suivent beaucoup de formation afin d’être préparés à ces situations, et cela fait la différence, raconte Emma Biermann, activiste et membre de 350.org. On a toujours peur quand on fait des actions, mais être ensemble permet d’y aller quand même. C’est aussi important de prendre soin de nous et du mouvement, en parlant beaucoup de notre vécu. »

Quant aux congressistes, malgré la proximité physique au moment de leur sortie du bâtiment, peu ont accepté l’échange avec les militants. Il s’agissait avant tout d’ingénieurs, spécialisés dans un domaine et ne prenant aucune décision.

Les activistes (à droite) débattent avec les ingénieurs pétroliers

« Je fais mon travail, j’ai besoin de vivre », s’exclamait l’un d’eux à la sortie. D’autres expliquaient être là pour concevoir des manières plus propres d’exploiter les énergies fossiles, et ne comprenaient pas pourquoi ils étaient ciblés par les manifestants. En fin de journée, deux congressistes courageux prenaient le temps de discuter avec les manifestants. « On a besoin du savoir-faire de ces ingénieurs pour mener la transition ! » expliquait Adam, militant venu d’Angleterre.

Les activistes ont quitté le palais des congrès dans le calme vers 18 h 30. Avant d’y revenir probablement mercredi. Un concert est prévu à 17 h 30 au même endroit, avec notamment HK.

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