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TribuneAutoroutes

Les transports estivaux de M. Borloo : moins d’écologie, moins de social


La torpeur de l’été est propice aux décisions qui, en des temps moins lascifs, déclencheraient les polémiques. Le ministre de l’écologie, Jean-Louis Borloo, a ainsi cherché à déjouer la vigilance des écologistes en prenant d’abord trois arrêtés d’autorisation de nouvelles sections d’autoroute, publiés au Journal officiel du 1er juillet, puis en communiquant, la veille du 14-Juillet, un avant-projet du Schéma national des infrastructures de transport (SNIT) comportant le projet de 880 km d’autoroutes, d’un aéroport très contesté au nord de Nantes et d’éléments non moins disputés du Grand Paris et d’agrandissement du port du Havre (1). Le 15 juillet, enfin, un accord de financement du projet de construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique) était signé par l’Etat.

Cette série d’annonces intervient alors que les associations écologistes et syndicales (CGT et CFDT) participant à la réflexion sur le SNIT avaient expressément demandé au ministre, dans une lettre du 30 juin, un report à septembre de sa présentation.

Il y a matière à vive discussion, car ce schéma rompt avec les engagements du Grenelle : celui-ci prescrivait en effet, en novembre 2007, que « le paradigme actuel, fondé sur la priorité accordée aux infrastructures routières et autoroutières et sur le développement séparé des modes de transport, doit être abandonné ». De surcroît, le ministre de l’écologie, Jean-Louis Borloo, déclarait, lors de la présentation du Grenelle, en octobre 2007 : « Pendant trente ans, on a fait beaucoup de routier et d’autoroutier. C’est fini : on n’augmentera plus la capacité routière. »

En fait, les projets inscrits au SNIT représentent une augmentation de la capacité autoroutière de 8 %. Même si le gouvernement peut arguer qu’il s’agit de régler des problèmes de « congestion, de sécurité ou d’intérêt local », il s’agit bien d’une forme de « relance autoroutière », selon l’expression de l’association Agir pour l’environnement. Quant aux 4 000 km de nouvelles lignes, essentiellement de LGV, annoncées, nombre d’entre elles suscitent une vive opposition, notamment sur le trajet Bordeaux-Espagne, alors qu’écologistes et syndicats soulignent que le réseau ferroviaire traditionnel est mal entretenu et que le plan fret de la SNCF - en supprimant le fret par « wagons isolés » (formation d’un convoi à partir de wagons de marchandises de plusieurs compagnies) - se traduirait par un report de transport de marchandises sur la route.

Mais plus encore que les blessures nouvelles infligées au corps martyrisé du Grenelle, c’est l’esprit même du SNIT qui est discutable, du moins du point de vue environnemental, qui devrait être celui du ministère « de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer ». Tout l’exercice apparaît comme une acrobatie destinée à faire apparaître une logique générale d’augmentation de toutes les infrastructures de transport comme l’expression de la recherche de la sobriété et de la minimisation des impacts environnementaux.

C’est pourtant dans le texte même du SNIT que l’on trouve les raisons de stopper l’extension indéfinie des infrastructures de transport : « Elles ont un coût environnemental qui peut parfois être important. Elles consomment des ressources rares (artificialisation des espaces naturels, segmentation des milieux naturels avec destruction des liens nécessaires entre écosystèmes). »

Alors que la fragmentation des espaces menace la biodiversité, le SNIT relève de même que, sur 1 100 espaces naturels non fragmentés de plus de 100 km2, 20 à 45 pourraient être touchés par les infrastructures projetées. 12 % des zones de protection Natura 2000 pourraient également être affectées. Quant au bilan des émissions de gaz à effet de serre, il est avancé que le SNIT les réduirait de 1,7 million de tonnes par an (soit 4 pour 1 000 des émissions de 2010 !) - mais sans compter le coût carbone de construction des infrastructures ni l’effet d’induction du trafic généré par les nouvelles autoroutes.

L’impact écologique du schéma envisagé est donc lourd. Il semble en totale contradiction avec le discours officiel, qui vise une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 80 % d’ici à 2050. Il contredit aussi la Stratégie nationale pour la biodiversité, dont l’objectif est de « stopper l’érosion de la biodiversité ».

Le développement autoroutier paraît de surcroît contraire aux pratiques nouvelles des Français : selon les chiffres de la commission des comptes des transports de la nation, le trafic automobile stagne depuis 2002. Avec l’augmentation du coût des carburants, cette tendance devrait se prolonger.

Une dernière dimension est oubliée dans la philosophie inspirant ce schéma : la prise en compte de l’inégalité. Tant le développement des TGV au détriment du réseau secondaire que celui des autoroutes à péage implique une augmentation des coûts de transport : acceptable pour les classes aisées, qui privilégient un gain marginal de vitesse, il devient de plus en plus difficile à supporter pour les classes -populaires. Ce phénomène est une illustration supplémentaire du fait fréquent qu’une politique -nuisible écologiquement est socialement inégalitaire.

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Note :

(1) Le texte du SNIT : http://www.developpement-durable.go...


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