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Transports

Malgré le Covid, le trafic des jets privés a repris de plus belle

La crise sanitaire a bouleversé le secteur aérien, certes, mais les plus riches, eux, volent toujours. Selon un rapport de l’ONG Transport & Environment, le trafic des jets privés a retrouvé ses niveaux d’avant la crise sanitaire dès le mois d’août 2020. Ils émettent dix fois plus de CO2 par personne que les liaisons aériennes commerciales.

Frontières fermées. Avions cloués au sol. Voyages annulés. La pandémie a porté un coup dur au transport aérien. [1] À une exception : celle des jets privés. Selon un rapport de l’ONG Transport & Environment (T&E) le trafic des jets privés a retrouvé ses niveaux d’avant la crise dès le mois d’août 2020, alors que les vols commerciaux accusaient une baisse de 60 % par rapport à l’année précédente. L’opérateur Globe Air a même enregistré une augmentation de 11,3 % des ventes pour le seul mois de juillet 2020.

Au total, entre 2005 et 2019, les émissions de CO2 des jets privés ont augmenté de 31 % en Europe. Si le Covid a mis un coup d’arrêt temporaire à cette croissance, le trafic a très rapidement repris, porté par une forte demande.

Les vols en jet privé ultra polluants

Ces vols aux tarifs inabordables pour le commun des mortels — comptez entre 5 000 et 8 000 euros pour un vol Paris-Nice — ont des effets délétères sur l’environnement car ils émettent dix fois plus de CO2 par personne que les liaisons aériennes commerciales. Quelques chiffres, publiés dans le rapport, permettent de comprendre l’ampleur des dégâts. Un vol privé de quatre heures génère autant d’émissions qu’un individu moyen en une année. En France, la moitié des vols en jet privé parcourent moins de cinq cents kilomètres, soit la distance opérationnelle où les avions sont les moins performants et donc les plus polluants. Près de 60 % des émissions générées par les jets privés sont liées aux aéroports du Bourget (Paris) et de Nice. Les mille vols annuels entre Paris et Nice polluent à eux seuls autant que 40 000 familles se rendant sur le même lieu de vacances en voiture. Rappelons au passage que seuls 4 % des Français prennent l’avion régulièrement.

« Voyager en jet privé est probablement la pire chose que l’on puisse faire pour l’environnement. Et pourtant, les super-pollueurs super-riches le font comme s’il n’y avait pas de crise climatique », a déclaré Jo Dardenne, responsable aviation chez T&E.

Ils sont aidés pour cela par de multiples avantages octroyés par les États. La non-taxation du kérosène par exemple. « En France, le taux d’imposition du carburant des jets privés est 35 à 40 % inférieur à celui de l’essence, ce qui procure un avantage fiscal aux personnes aisées par rapport à celles voyageant en voiture ou en train », indique le rapport.

Un vol privé de quatre heures génère autant d’émissions qu’un individu moyen en une année. Pixabay/CC/S. Hermann et F. Richter.

La Convention citoyenne pour le climat avait d’ailleurs proposé d’augmenter la taxation des carburants utilisés pour l’aviation de loisirs (AVGAS) au même taux que l’essence pour les voitures particulières (soit 68 euros par hectolitre, au lieu de 45 euros par hectolitre). Une proposition reprise dans la loi Climat. [2]

Le rapport de Transport & Environment indique ainsi qu’une taxe sur les vols courts en jet privé proportionnelle aux distances parcourues rapporterait 325 millions d’euros si elle était appliquée à tous les vols au départ de l’Union européenne et du Royaume-Uni. Les recettes ainsi engrangées pourraient être utilisées pour accélérer la décarbonisation du secteur aérien.

« Les recettes perçues auprès des super-riches pourraient être investies dans des technologies plus vertes »

Ces taxes pourraient être aisément payées par les propriétaires et utilisateurs de jets privés, qui disposent d’une fortune moyenne de 1,3 milliard d’euros. « Les responsables politiques européens doivent de toute urgence commencer à taxer les jets privés fonctionnant aux carburants fossiles et interdire leur utilisation d’ici à 2030. Les recettes perçues auprès des super-riches pourraient être investies dans des technologies plus vertes qui permettraient de rendre les vols plus propres pour tout le monde », a expliqué Jo Dardenne.

Le rapport propose trois recommandations pour contribuer à la décarbonisation du secteur et atténuer les effets massifs des jets privés sur le climat. Il veut d’abord appliquer le principe du pollueur payeur en taxant le kérosène et les vols des jets privés en fonction de la distance parcourue et du poids de l’appareil. Il propose ensuite d’interdire d’ici à 2030 des vols en jet privé qui ne volent pas à hydrogène vert ou électrique pour les trajets en Europe à moins de mille kilomètres. Enfin, il veut inciter les entreprises et les particuliers à réduire l’utilisation des jets privés au fur et à mesure de l’émergence de nouvelles technologies. Pour finir par simplement interdire ces vols lorsqu’il existe des alternatives qui n’allongent pas le temps de trajet de plus de deux heures trente.

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