Mauvaise neige

Durée de lecture : 2 minutes
Eau et rivièresIl me souvient que la quinzaine passée, la fatigue du travail, l’occasion, le ciel radieux et je pense quelque diable aussi me poussant, j’allai passer une journée de ski au Lioran, dans le Cantal. Le soleil était badin, la journée plaisante, la neige aussi fraîche qu’un pré d’herbe tendre. En devisant avec l’échoppier qui baillait les souliers et les planches, j’appris que, faute de neige tombée du firmament, il avait fallu recourir à des flocons artificiels. Des canons, dans la brise du matin, avaient transformé l’eau en un tapis blanc sur lequel nous nous égayâmes en nombreuses glissades.
Néfaste insouciance ! Quelques jours après cette récréation, on m’avertit d’une lettre écrite par trois groupements écologistes au représentant de la République. La Commission internationale pour la protection des Alpes, la Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature et Mountain Wilderness y informaient le préfet coordonnateur du Massif des Alpes que l’hiver avait été sec dans les Alpes ; que de ce fait, les stations de ski avaient massivement recours à la neige artificielle ; que ce moyen requiert de grandes quantités d’eau ; d’où il s’ensuivait que les retenues devenaient insuffisantes et qu’il faudrait pomper dans les cours d’eau, en la période où leur débit était au plus bas ; qu’ainsi, la neige artificielle pouvait affecter la faune et la flore des milieux asséchés.
On demandait au préfet de faire respecter la loi sur les « débits réservés », c’est-à-dire le volume minimal d’eau qu’il convient de conserver dans un ruisseau. Dix jours plus tard, nul n’avait entendu parler d’une réponse du préfet ni d’une quelconque action.
Les stations de ski, face au changement climatique qui se traduit par une réduction progressive de l’enneigement, recourent de plus en plus massivement à la neige artificielle, qui absorbe plusieurs dizaines de millions de mètres cubes d’eau chaque année. On estime que chaque hectare enneigé correspond à l’émission de 8 tonnes de CO2. De surcroît, l’utilisation de cette neige s’accompagne de travaux de terrassements des pistes qui favorisent l’érosion.
En 2009, le conseil général de l’environnement a réalisé une étude sur la « neige de culture ». Il concluait que la question de savoir si ce moyen pouvait « assurer à long terme la pérennité du ’capital nature’ ne trouvait pas de réponse convaincante ». Il recommandait une « diversification efficace et rapide » pour sortir de cette économie de ski écologiquement insoutenable. Mais chaque année, on compte plus de canons à neige, plus de retenues, la fuite en avant continue. Que faire ? Cela ne suffira pas, mais sans doute arrêter de skier...