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EntretienMines et métaux

Nauru, l’île qui veut vendre ses fonds marins

L'État de Nauru espère tirer des revenus importants de l'exploitaiton de ces nodules métalliques, ici photographiés dans la zone de fracture de Clipperton.

Dans le Pacifique, l’île de Nauru aimerait exploiter les minerais des abysses. La petite nation insulaire y voit une nouvelle source de revenus après la fin de la dévastatrice extraction du phosphate.

L’Autorité internationale des fonds marins, qui relève de l’ONU (Organisation des Nations unies), est actuellement réunie à Kingston, en Jamaïque, pour étudier la question de l’exploitation des grands fonds marins. Certains métaux très demandés par l’industrie s’y trouvent, notamment pour fabriquer des batteries électriques.

Parmi eux, les nodules polymétalliques, sorte de cailloux qui reposent sur le fond des océans et qui sont composés de manganèse, cobalt, nickel et cuivre. Des nodules qu’on trouve notamment dans les profondeurs entourant l’île de Nauru, dans le Pacifique.

Après avoir dévasté son environnement en exploitant du phosphate, Nauru cherche aujourd’hui de nouveaux axes de développement économique. Pour préparer leur exploitation, le gouvernement de Nauru s’est allié avec l’entreprise canadienne The Metals Company. Le point avec Luc Folliet, auteur de Nauru, l’île dévastée. Comment la civilisation capitaliste a détruit le pays le plus riche du monde.



Reporterre— Comment Nauru, cette petite île isolée du Pacifique, est-elle devenue le fer de lance de l’extraction minière des fonds marins ?

Luc Folliet— Nauru essaie de s’inventer un nouvel avenir économique car l’île n’a plus de revenus depuis la fin de l’exploitation de phosphate. Dans les années 70-80, Nauru est devenu richissime grâce à elle, mais le pays a dilapidé toute cette richesse en faisant de mauvais investissements. Au point que l’État, indépendant à partir de 1968, a été proche de la banqueroute en 2001-2002.

L’intérieur de l’île porte encore les stigmates de l’exploitation du phosphate. CC BY 2.0 / Lorrie Graham/AusAID via Wikimedia Commons

Le gouvernement a eu peur et a fait de l’île un paradis fiscal, avec beaucoup d’argent provenant de la mafia russe. Depuis, Nauru est devenu un centre de transit pour réfugiés politiques qui tentent d’obtenir l’asile en Australie. Il y a d’ailleurs eu beaucoup de soucis dans ces camps : des viols, des suicides, révélés par des journalistes australiens.

Depuis, il est impossible pour les journalistes de s’y rendre car le gouvernement n’accorde plus de visa. Mais l’Australie va mettre fin à cela. Les derniers réfugiés sont partis et même si le pays va continuer à financer ce centre, bientôt, il n’y aura plus rien.



Comment trouver de nouvelles sources de revenus ?

Pour diversifier son activité, le gouvernement a alloué des licences de pêche dans sa très vaste zone économique exclusive. Beaucoup de chalutiers japonais venaient y pêcher. L’île s’est d’ailleurs battue contre le moratoire de pêche à la baleine pour soutenir le Japon. Car c’est un petit pays, mais qui est membre de l’ONU. Il vend donc son poids politique.

Quant au tourisme, il est réduit à sa plus simple expression car l’île est détruite écologiquement, ce n’est pas très beau. Et surtout, elle est peu accessible en termes de transports. On comprend donc pourquoi Nauru s’est associée à l’entreprise canadienne The Metals Company pour commencer des recherches sur l’extraction sous marine.

Derrière les superbes rivages, l’exploitation du phosphate a ravagé l’île. Unsplash / Winston Chen

Si l’exploitation des fonds sous marins était lancée, cela permettrait-il à Nauru de sortir ses habitants de la pauvreté ? L’État a-t-il appris de ses erreurs ?

J’espère qu’ils auront appris de leurs erreurs. Autrefois, les différents gouvernements étaient des hommes et femmes politiques peu expérimentés. Je me souviens d’un ministre de l’Économie qui disait n’avoir fait aucune étude en économie. Mais les choses ont changé. Il y a aujourd’hui une génération de gens qui ont étudié à l’étranger, en Australie ou en Nouvelle-Zélande.

Est-ce un garde-fou suffisant ? J’espère pour eux. Mais doivent-ils tout baser sur l’exploitation minière sous-marine ? Je ne pense pas, car ils doivent se rappeler que la mono-exportation de phosphate leur a beaucoup coûté. De plus, la destruction écologique a mauvaise presse. Nauru a peut-être misé sur un eldorado qui n’est pas si beau que ça.

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