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TribuneÉconomie

Ne rêvez pas, Mme Royal, le prix de l’électricité ne peut qu’augmenter

Jeudi dernier, Ségolène Royal a annoncé l’annulation de la hausse de 5 % des tarifs EDF qui devait intervenir au début du mois d’août. Mais la ministre recule l’échéance : les prix de l’électricité sont structurellement à la hausse. Il vaudrait mieux s’y préparer en organisant les économies d’électricité.


Dans les treize centimes/kWh (kilowatt-heure) que payent aujourd’hui les ménages, la production d’électricité compte pour environ cinq centimes, son transport et sa distribution pour 4,3 et les taxes pour 3,7.

Voyons d’abord la production. En France, nous dit-on, l’électricité restera particulièrement bon marché puisqu’elle provient à 75 % du nucléaire dont les coûts de production sont totalement maîtrisés et pour 15 % par des centrales hydrauliques amorties depuis belle lurette.

Rien n’est pourtant moins sûr. L’âge moyen des centrales nucléaires en France est de vingt-sept ans et leur durée de vie prévue de quarante. D’ici dix ans la moitié des réacteurs devrait être, soit remplacée, soit réhabilitée pour en prolonger de dix ou vingt ans la durée de fonctionnement.

Le coût de production de l’électricité nucléaire va augmenter

Dans les deux cas, le coût de production va s’envoler :

-  La remise à niveau des réacteurs, ce qu’EDF appelle « le grand carénage », devrait faire passer, même en adoptant les prévisions manifestement très optimistes d’EDF en la matière, le coût de 4,5 centimes/kWh actuellement à plus de 6,5 et plus probablement sept ou huit centimes.

Quant à la construction d’un parc d’EPR, on sait déjà qu’elle conduirait à des coûts de production supérieurs à 7,7 centimes même si l’effet de série improbable espéré par EDF venait réduire de 25 % les coûts d’investissement qu’on constate aujourd’hui à Flamanville ou en Finlande.

-  Du côté des renouvelables, pas d’espoir à court et moyen terme de voir les éoliennes terrestres fournir du courant à moins de sept centimes le kWh et les éoliennes offshore à moins de dix ou douze centimes.

Charbon et gaz : l’impasse

Côté fossile, il reste bien les cycles combinés à gaz naturel dont les coûts de production se situent vers six à sept centimes/kWh et surtout les centrales à charbon, alors que le prix de ce combustible s’est effondré à la suite du boom des gaz de schiste aux Etats-Unis.

Mais ce serait entrer en complète contradiction avec les engagements de la France en termes d’émissions de gaz à effet de serre pour la stratégie charbon et prendre un risque économique important pour la stratégie gaz naturel dont le marché européen est soumis à des tensions géostratégiques majeures.

On voit que dans tous les cas, les coûts de production des moyens futurs vont passer de cinq centimes aujourd’hui à sept ou huit centimes/kWh, une augmentation de 40 à 60 % sur une grosse part de la production qu’il faudra bien répercuter un jour sur le consommateur.

Une hausse des coûts de transport et de distribution

Et du côté transport et distribution ? Le réseau de transport français, largement dimensionné par la production nucléaire, est relativement jeune et donc en bon état. Réseau de transport d’électricité (RTE) devra cependant investir pour adapter son réseau à l’arrivée des énergies renouvelables (parcs éoliens, centrales solaires).

C’est une toute autre affaire pour le réseau de distribution dans lequel il est indispensable d’investir massivement dans les années qui viennent pour enrayer la dégradation du service au consommateur qui s’est manifestée depuis une dizaine d’années. Pas d’économies donc à espérer de ce côté mais plutôt une hausse des coûts à prévoir…

Une augmentation des tarifs de l’électricité de 15 à 20 % dans les années qui viennent semble donc bien justifiée.

La solution pour ne pas payer plus : économiser la consommation domestique

Mais ce n’est pas pour autant que la facture des ménages est condamnée à augmenter proportionnellement.

15 à 20 % d’économie d’électricité domestique à coûts nuls ou très faibles sont en effet accessibles à court terme en France si l’on s’y attelle enfin sérieusement. A preuve, les allemands qui ont réussi à stabiliser la consommation électrique domestique des ménages en 2010 au niveau de celle de l’année 1998 alors que la nôtre, équivalente à la même époque, avait augmenté en 2010 de 28 % !

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