Nicolas Hulot accusé d’agressions sexuelles : des témoignages accablants

Nicolas Hulot accusé de violences sexuelles par quatre femmes dans « Envoyé Spécial ». - Capture d’écran/France 2
Nicolas Hulot accusé de violences sexuelles par quatre femmes dans « Envoyé Spécial ». - Capture d’écran/France 2
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Violences sexistes Politique« Envoyé Spécial » a diffusé quatre témoignages de femmes accusant Nicolas Hulot d’agressions sexuelles et de viols. Des histoires accablantes pour l’ancien ministre de la Transition écologique. La journaliste qui a mené cette longue enquête assure être en contact avec une dizaine d’autres femmes.
- Actualisation à 17 h 15 — Le parquet de Paris a annoncé le 26 novembre l’ouverture d’une enquête préliminaire pour « viol » et « agression sexuelle » à la suite des révélations d’« Envoyé Spécial » pour « des faits susceptibles d’avoir été commis à Paris à l’égard d’une victime mineure », explique la procureure de Paris, Laure Beccuau, dans un communiqué. Lire aussi.
Avertissement : cet article contient des descriptions explicites de violences sexuelles.
C’est un reportage poignant qui fera date dans l’histoire de la lutte contre les violences faites aux femmes. L’émission d’« Envoyé Spécial » diffusée jeudi 25 novembre sur France TV donne la parole à des femmes qui osent publiquement dénoncer un agresseur sexuel supposé : Nicolas Hulot.
L’affaire est hautement sensible. D’abord, par la personnalité de l’auteur : ancien ministre de la Transition écologique, ancien présentateur TV renommé et personnalité préférée des Français. Mais aussi en raison de l’absence de preuve dans des affaires souvent prescrites. Les journalistes prennent d’ailleurs beaucoup de précautions tout au long du sujet. « Les faits sont invérifiables et prescrits », insiste la voix off après le témoignage de Sylvia.
Le reportage commence avec son histoire. Nous sommes le 27 mai 1989. Sylvia est une lycéenne de 16 ans. Nicolas Hulot est un animateur à succès de 34 ans. Il présente l’émission de radio « Antipodes » sur France Inter. La jeune femme y assiste sans se douter que son idole lui demandera une fellation en la raccompagnant en voiture. « Il s’arrête sur un parking à ciel ouvert. Et là, il sort son sexe. Ça va vite, il prend ma main. Je lui dis non. [...] Je ne veux pas faire ce qu’il veut que je lui fasse. Mais je suis coincée. » Ses souvenirs sont précis et ses larmes coulent encore, 35 ans après les faits. Traumatisée, elle n’en parlera pas immédiatement, préférant se construire une « carapace ». Elle attendra des années avant de se confier à son ami d’enfance puis à sa mère. « Qui allait me croire ? J’étais une gamine de 16 ans face à Nicolas Hulot. »
Le reportage revient ensuite sur la plainte de Pascale Mitterrand, qui n’a pas souhaité apparaître dans l’émission. Son histoire avait déjà été racontée dans le magazine l’Ebdo en 2018, puis par le journaliste Jean-Michel Aphatie dans son dernier livre. La plainte qu’elle a déposée contre Nicolas Hulot en 2008 a été classée sans suite, ce que Nicolas Hulot brandit constamment comme preuve de son innocence. Mais cela ne signifie en aucun cas que l’affaire a été jugée. En 2018, la procureure de la République de Saint-Malo avait d’ailleurs publié un communiqué précisant qu’« il est apparu que les deux protagonistes avaient une version contradictoire quant au consentement de la relation sexuelle [...]. Ces faits s’étaient déroulés entre le 9 et le 11 juin 1997. Ceux-ci étant prescrits, la procédure a été classée sans suite. »
La révélation de l’histoire de Pascale Mitterand fut un choc pour Sylvia. « J’ai eu envie de lui faire savoir que moi aussi j’existais. Je me suis dit : “Il faut y aller, je ne peux pas rester dans ce statut de victime qui se tait. Mais je ne veux pas y aller seule”. »
Bérengère Bonte raconte dans quelles circonstances, Pascale Mitterrand s’est retrouvée seule dans la maison de Nicolas #Hulot
Elle a porté plainte pour viol contre lui en 2008.
Cette plainte est classée sans suite en raison de la prescription.
#EnvoyéSpécial #MetooPolitique pic.twitter.com/VtG2DzZbmo— Envoyé spécial (@EnvoyeSpecial) November 25, 2021
« Il se jette sur moi, tente de m’embrasser. Je me débats et je le frappe au visage »
Pascale Mitterrand et Sylvia ne sont pas les seules victimes présumées de Nicolas Hulot. « Envoyé Spécial » a également rencontré Cécile, 23 ans à l’époque des faits. En 1998, elle travaillait comme contractuelle à l’ambassade de France en Russie. Un jour, sur ordre direct de l’Élysée, elle a dû aider Nicolas Hulot et ses équipes, coincées à l’aéroport de Moscou pour une histoire de visa. Elle a débloqué la situation. « Hulot était enthousiaste et me dit que j’ai sauvé son émission à 7 millions de francs. Pour me remercier, il veut m’inviter à dîner avec son équipe », raconte Cécile. Elle accepte. C’est au retour, dans le taxi, que le présentateur d’« Ushuaïa » aurait tenté de l’agresser. « Il se jette sur moi, tente de m’embrasser. Je me débats et je le frappe au visage. » A-t-elle songé à porter plainte ? Elle rit nerveusement. « En Russie ? Contre un ami de Jacques Chirac ? Non. Jamais la question ne s’est posée. »
Cécile raconte avoir été agressée sexuellement par Nicolas #Hulot en 1998. À l'époque, elle avait 23 ans.
Les faits qu’elle dénonce sont aujourd'hui prescrits.#EnvoyéSpécial #Metoo #MetooPolitique pic.twitter.com/WHia6c3EWY
— Envoyé spécial (@EnvoyeSpecial) November 25, 2021
Vient ensuite le témoignage de Claire Nouvian, cofondatrice de l’association Bloom. En 2008, la militante a travaillé avec Nicolas Hulot à l’occasion d’une émission sur les grandes profondeurs au Costa Rica. À l’époque, on lui a conseillé de faire attention, de ne jamais rester seule avec lui et de bien s’enfermer dans sa cabine le soir, sans jamais lui ouvrir sa porte. Des conseils qui l’ont surprise, d’autant que rien d’anormal ne s’est passé sur le tournage. Ce n’est que quelques années plus tard, après une rencontre de travail, que Nicolas Hulot aurait tenté de l’embrasser au moment de lui dire au revoir. « C’était totalement hors sujet. Il a un réel dysfonctionnement dans son rapport aux femmes », assure Claire Nouvian.
« Elles se posent la question de briser le silence »
Le dernier témoignage, le seul anonyme, provient d’une ancienne collaboratrice de Nicolas Hulot. En 2001, elle aurait été embrassée par surprise après une réunion de travail. Choquée, la jeune femme, à l’époque mère célibataire, s’est enfuie. « Je pense que la baffe serait partie si je n’avais pas eu ce rapport de subordination. Si je n’avais pas eu besoin de ce travail. [...] Il me saute dessus comme si j’étais à sa disposition, comme si c’était un pouvoir, on a l’impression que c’est un droit de cuissage. »
Nicolas Hulot a bien entendu été sollicité par les équipes d’« Envoyé Spécial » pour apporter sa version des faits, en vain. L’émission a tout de même diffusé l’enregistrement d’une conversation téléphonique qu’il a eue avec la présentatrice de l’émission, Élise Lucet, le 9 novembre 2021. L’ancien animateur nie en bloc toutes les accusations et assure « ne pas avoir la force de se défendre ». Pourtant, Nicolas Hulot s’est invité le 24 novembre chez BFMTV pour tenter de se justifier. « J’ai trouvé cela d’une indécente totale et d’une vulgarité sur la forme comme sur le fond. [...] Au bout du compte, les femmes comptent peu pour lui. Pas un mot de compassion pour les victimes », a jugé Laurence Rossignol, sénatrice socialiste invitée sur le plateau d’« Envoyé Spécial » après le reportage.
Virginie Vilar, la journaliste qui a enquêté avec rigueur et détermination pendant quatre ans sur cette affaire, assure être en contact avec une dizaine d’autres femmes qui se disent aussi victimes, mais qui n’ont pas souhaité apparaître dans le reportage. Sur le site de France Info, on peut retrouver deux autres témoignages, celui de l’animatrice et comédienne Maureen Dor ainsi qu’une ancienne employée de TF1. Après la prise de parole de Hulot sur BFMTV, certaines victimes encore anonymes ont confié leur souffrance à Virginie Vilar. « Elles se demandent si elles peuvent encore continuer à se taire. Elles se posent la question de briser le silence. »