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Pollutions

Pollution de l’air : les gouvernements s’en fichent

La pollution atmosphérique frappe de nouveau les grandes villes françaises. Effet de l’anticyclone ? Non. C’est surtout le résultat de l’inertie des gouvernements successifs, qui reculent d’année en année les mesures nécessaires.


-  Cet article a d’abord été publié en décembre 2013. De nouveaux pics de pollution interviennent en ce mois de mars. Et il n’y a hélas pas une virgule à changer à notre enquête…

La région parisienne est touchée cette semaine par un nouvel épisode de pollution aux particules. Le niveau d’alerte a été atteint mardi 10 décembre et s’est poursuivi depuis avec un indice de pollution supérieur à 100 jeudi, selon Airparif, l’organisme chargé de la surveillance de la qualité de l’air en Ile-de-France alors que le seuil moyen se situe entre 50 et 75. Un phénomène qui n’est pas sans conséquences.

Chaque année, 42 000 morts prématurées en France ont pour cause la pollution atmosphérique. Ce chiffre éloquent émane de la Commission européenne. Il est issu du rapport CAFE (Baseline analysis 2000 to 2020) publié en 2005 par le programme CAFE (Clean Air for Europe, « Air pur pour l’Europe »), suivi par la Commission de 2001 à 2006, pour lutter contre la pollution de l’air. Des statistiques astronomiques si on les compare aux 3 653 personnes qui ont été tuées sur les routes en 2012, selon les données de la sécurité routière. Si les gouvernements successifs se sont fortement mobilisés pour faire baisser le nombre de morts dans des accidents de la route, ils ne semblent pas très concernés par les morts et pathologies dues aux émissions de particules fines, en particulier à cause des moteurs diesels.

Ces éléments en suspension, d’un diamètre inférieur à 10 micromètres voire 2,5 micromètres (couramment désignés PM10 et PM2,5), pénètrent dans le système respiratoire et provoquent des maladies comme l’asthme, la bronchite et même le cancer. L’alerte est lancée lorsque la concentration en PM 10 est supérieure à cinquante microgrammes de particules par mètre cube d’air. Le coût pour le système de soin français s’élève entre 825 et 1 700 millions d’euros par an, en fonction du nombre retenu de cas imputables à la pollution, selon le Commissariat Général au développement durable, et la réduction de l’espérance de vie résultant de la pollution atmosphérique est de six mois à Paris.

Fini le ZAPA, place au PUQA

Le Grenelle de l’environnement (Grenelle II) avait pourtant lancé les ZAPA (zones d’actions prioritaires pour l’air) il y a deux ans. Onze zones dépassaient en effet les valeurs limites fixées par l’Union européenne. Neuf villes devaient y participer dont Paris, Saint-Denis, Clermont-Ferrand, Nice, Grenoble, Lyon, Aix-en-Provence ou Bordeaux. L’accès au centre-ville de ces agglomérations aux véhicules les plus polluants devait être interdit. Mais deux ans plus tard, aucune des villes concernées n’a déposé son dossier dans les délais, et le projet a été enterré par Delphine Batho qui considèrait les ZAPA « socialement injustes et écologiquement inefficaces ».

En septembre 2013, le ministère de l’écologie a présenté un nouveau plan, moins contraignant. Le Plan d’urgence pour la qualité de l’air met en avant cinq priorités : favoriser les transports propres, réguler le flux de véhicules dans les zones particulièrement affectées par la pollution atmosphérique, réduire les émissions des installations industrielles et individuelles de combustion, promouvoir fiscalement les véhicules et les solutions de mobilité plus vertueux en termes de qualité de l’air et informer et sensibiliser la population aux enjeux de la qualité de l’air. Trente-huit mesures sont censées être adoptées autour de ces cinq thèmes.

« Des mesurettes », selon Michel Riottot, président de l’association Ile-de-France Environnement. Selon lui, « deux mesures ‘’phares’’ sont à l’étude dans la région : la réduction de la vitesse sur le périphérique de 80 à 70 km/h, qui, quand on sait que la moyenne journalière est de 38 km/h, ne représente qu’une baisse de 0,3 % des émissions de dioxydes d’azote. Quant au contournement des camions en transit par les rocades franciliennes, cela ne va concerner que 13 400 véhicules par jour sur 12 800 000 ! » Résultat de cette politique frileuse, les épisodes de pollutions se multiplient non seulement en région parisienne, mais aussi dans la plupart des grandes agglomérations.

Pourtant, l’Union européenne a engagé un contentieux avec la France à cause du dépassement fréquent des valeurs limites. La facture pourrait s’élever à cent millions d’euros par an. Rien qu’en Ile-de-France, il y a eu trente-deux épisodes de pollution au PN10 en 2012.

Une évolution timide

Malgré ces menaces de sanctions, la situation dans la région francilienne, la région la plus polluée, ne bouge que lentement. Jusqu’à présent, la RATP a toujours privilégié les bus diesel même si les dernières générations sont équipées de filtre à particules. Le renouvellement de 10 % de sa flotte cette année entame une légère inflexion vers des transports en commun plus propres, avec l’arrivée des premiers bus hybrides qui couplent moteur diesel et moteur électrique. Mais « à l’horizon 2025, l’ambition est que ne circulent plus en Ile-de-France que des bus, soit électriques, soit au biogaz », a expliqué le 4 décembre à l’AFP Pierre Serne (EELV), vice-président du Stif, l’autorité organisatrice des transports franciliens. Cette décision vient d’être entérinée par l’organisme qui a réuni mercredi 11 décembre son conseil d’administration. La RATP, va mettre en circulation 48 bus hybrides à partir de janvier sur les lignes 21, 91 et 147. Près de 350 bus hybrides seront commandés. Mais, sur un achat total de 800 nouveaux bus, 325 bus diesel seront encore achetés en 2014. La durée de vie d’un bus étant de huit à quinze ans, ils pourraient donc rouler jusqu’en 2030. Quant aux moteurs thermiques des hybrides, ils fonctionneront toujours au gazole.

Une lenteur qui pourrait refroidir les ardeurs de la future équipe dirigeante à la mairie de Paris, compte tenu des prises de position des deux principales candidates. Anne Hidalgo souhaite un Paris sans diesel pour les poids-lourds et les bus d’ici 2020 : « Dès le début de mon mandat, 300 bus hybrides seront commandés, des expérimentations seront engagées sur de nouvelles technologies comme l’hydrogène, la recharge électrique à l’arrêt sans caténaires ou par induction », affirme la candidate socialiste. Nathalie Kosciusko-Morizet, veut elle aussi « éradiquer le diesel de la flotte municipale et faire de l’électrique le mode de fonctionnement principal des véhicules de la ville et des bus de la RATP. » Mais cela ne sera pas si simple et devrait prendre beaucoup plus de temps…

La capitale est en effet à la traine dans le renouvellement de sa flotte vers des véhicules plus propres. A Bordeaux, les premiers bus roulant au gaz naturel sont apparus en 1999 et représentent plus de la moitié de sa flotte, ce qui n’empêche pas la capitale girondine de dépasser régulièrement les seuils légaux. Il faudra donc beaucoup plus de volonté politique pour faire changer les choses. Et le passage de la TVA sur les transports en commun de 7 à 10% au 1er janvier 2014 ne va pas dans ce sens.

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