Pour Manuel Valls, l’environnement, ça vaut quinze minutes

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PolitiqueTravaillant son écolo attitude en vue de la COP 21, le gouvernement annonçait sa feuille de route pour 2015 par une conférence de presse de Manuel Valls et Ségolène Royal. Résultat : quinze minutes accordées par le Premier ministre à l’écologie, et une obsession : faire rimer écologie avec économie.
Mercredi 4 février – Hôtel de Roquelaure, siège du ministère de l’Écologie. Dans la salle de presse, une estrade à moquette bleue, fond bleu, drapeaux, le tout bordé de deux énormes télés proposant une image fixe : « Conseil national de la transition écologique » au-dessus d’un paysage où quelques éoliennes s’alignent sous le ciel bleu, en bas la mention « #VOTREÉNERGIE » pour les twittos.
La conférence de presse censée dévoiler la « feuille de route 2015 issue des trois tables rondes de la Conférence environnementale » (voir les dix mesures phares), prend un peu de retard, on attend les ministres qui présentent au même moment ce document au Conseil national de la transition écologique (CNTE). Après un quart d’heure d’attente, Valls et Royal arrivent et le premier ministre prend la parole.
« Il n’y a pas de temps à perdre »
« Nous avons réaffirmé une ambition commune. Bâtir le modèle environnemental français, qui entraîne le pays et puisse rayonner en Europe et dans le monde. Le chef de l’État l’a souligné, c’est pour nous une très grande responsabilité. La France doit montrer l’exemple. Face à l’urgence écologique, nous devons prendre les décisions qui s’imposent. Celles qui permettront d’enrayer le réchauffement. Il n’y a pas de temps à perdre. Il faut agir maintenant. Agir réclame de la méthode. Dialogue et concertation sont plus que jamais nécessaires. Toutes les décisions annoncées aujourd’hui, prises aujourd’hui, ont ainsi été pensées, mûries, dans l’écoute des positions des uns et des autres. C’est essentiel, c’est exceptionnel d’ailleurs dans notre société française, et pourtant c’est le seul moyen d’avancer ensemble. Trop souvent les sujets divisent, notamment au niveau local. »
Il présente la feuille de route organisée autour de trois points. D’abord, la « mobilisation nationale vers la COP21 des pouvoirs publics, des entreprises et de la société dans son ensemble ». « Nous avons fait de 2015 l’année de la lutte contre le dérèglement climatique. La France fera tout pour obtenir un accord en décembre, et cet accord doit être le plus ambitieux possible ».
La mesure phare consiste en la « suppression de l’assurance des crédits à l’export des centrales à charbon sans stockage de CO2 ». Manuel Valls annonce aussi un « verdissement de la fiscalité », « en taxant plus la pollution et moins la production ». Le comité pour une fiscalité écologique sera prochainement relancé.
Deuxième point, les transports durables. « Il faut réinventer nos modes de déplacement ». Valls parle de relance du fret ferroviaire, annonçant l’organisation d’une conférence sur la logistique au premier semestre de l’année.
« Enfin troisième point, et je ne veux pas faire long », l’environnement et la santé. Le premier ministre veut « lutter contre la pollution de l’air », notamment en sortant du « réflexe diesel ». Pour cela, il annonce la création d’un « certificat qualité de l’air » autrement appelé « pastille verte » qui identifiera les véhicules selon leurs émissions de CO2 et permettra de différencier les droits des automobilistes.
Par ailleurs, une prime à la conversion des diesel polluants allant jusqu’à 10 000 € pour l’achat d’une voiture électrique sera versée. Valls cite également le travail de Stéphane Le Foll pour la réduction de l’utilisation des pesticides.
Des « écogestes » pour les fonctionnaires
A cela s’ajoute le « plan administration exemplaire pour la transition écologique » : « La ministre souhaite, elle a bien raison, que l’ensemble des ministères ciblent de manière prioritaire les économies d’énergie, transports verts, la réduction de déchets et la préservation de la biodiversité ». Ce plan prévoit un certain nombre d’« écogestes » allant de l’achat de papier recyclé à la mise en place d’un site de covoiturage pour le personnel des ministères.
« J’étais la semaine dernière en Chine, j’ai pu constater avec quel engagement et quel degré d’expertise les entreprises françaises offraient des solutions en matière d’énergie, de transport durable et de recyclage, et la France est à la pointe de ces enjeux. Elle doit continuer de progresser, c’est une formidable source de transformation de notre modèle économique, de croissance et d’emploi. […] Cette feuille de route nous permet de préparer une économie et une croissance respectueuses de l’environnement. Nous avons la conviction que écologie et économie ne sont pas contradictoires, bien au contraire, et c’est bien de le souligner. »
La messe est dite. Le premier ministre laisse à Ségolène Royal la tâche de répondre à quelques questions avant de prendre congé. Quinze minutes de conférence de presse, dont cinq de questions des journalistes. Voilà ce que mérite l’écologie pour Manuel Valls.
Partie en même temps que son premier ministre, Ségolène Royal reparaît quelques minutes après dans la salle d’où ne sont pas encore partis les journalistes. Comme pour s’excuser, elle répond largement aux questions des journalistes qui l’entourent de leurs micros.
« La voie de la transition écologique et de l’exemplarité en vue de la COP21 »
Dans la foulée, des membres d’associations siégeant au CNTE attendent sur le trottoir, devant le ministère, que les journalistes les interrogent. Un représentant de la Fondation Nicolas Hulot pour la nature et l’homme détaille les points positifs obtenus à force de lobbying. Selon le communiqué de la Fondation, cette feuille de route « place la France sur la voie de la transition écologique et de l’exemplarité en vue de la COP21 ».
- Ségolène Royal -
Un peu plus tard dans l’après-midi, le député EELV et membre du CNTE Denis Baupin se « réjoui[t] de la volonté forte affichée par le Premier Ministre et la Ministre de l’écologie de tenir les engagements pris lors de la 3e conférence environnementale en novembre dernier ». Il qualifie l’annonce de la mise en place du certificat qualité de l’air d’« excellente nouvelle ».
Enfin il salue les « avancées en matière de santé environnementale : action contre les insecticides néonicotinoïdes mis en cause dans la surmortalité des abeilles, réduction des risques liés aux pesticides, perturbateurs endocriniens, etc. »
La veille pourtant, le sénateur écologiste Joël Labbé qui défendait en séance une proposition de résolution pour un moratoire européen sur ces insecticides néonicotinoïdes s’était agacé après que les appareils politiques, dont le PS, avaient « verrouillé les votes ». Stéphane Le Foll s’était notamment opposé à cette résolution.
Par communiqué de presse, le NPA fait entendre un autre discours : « Atomic-Royal espère nous fourguer ses voitures électriques qui sont une aberration écologique, mais un bon plan pour les industriels de la filière. Jusqu’à ce que, comme pour le diesel, elles soient rejetées et remplacées, histoire de lancer d’autres fabrications. Les exportations de centrales à charbon « performantes » pourront continuer à être subventionnées. […] L’ampleur de la crise écologique et sociale impose de changer de logique économique. Or, le gouvernement Hollande-Valls-Royal défenseur du capitalisme, comme les précédents, est incapable de préparer la sortie des énergies fossiles autrement que par un renforcement du nucléaire. »