Pour diminuer les transports, redonnons vie aux territoires

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Quotidien TransportsLes auteurs et autrices de cette tribune proposent une vingtaine de mesures dans le domaine des déplacements. Cela dans le but de rendre les territoires « résilients, c’est-à-dire avec une plus grande autonomie énergétique et alimentaire, qui permettent de vivre en plus grande proximité ».
Le Forum vies mobiles est un institut de recherche qui s’intéresse à la place que les déplacements occupent dans les rythmes de vie et à leurs conséquences territoriales et environnementales. Il prépare la transition vers des modes de vie désirés et durables. Le comité d’orientation et de prospective du Forum vies mobiles est composé de 18 personnalités du monde de la recherche, du secteur des transports et de la politique [1].
La convention citoyenne pour le climat rassemble 150 citoyens tirés au sort, chargés de faire des propositions permettant une réduction des émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40 % d’ici 2030, dans une perspective de justice sociale. Les réflexions que les citoyens ont lancées font écho à nos recherches, notamment lorsqu’ils envisagent des moyens de réduire les déplacements contraints ou lorsque qu’ils appellent à la démocratisation des processus de décision en matière de mobilité [2]. Au Forum vies mobiles, nous croyons en la capacité des citoyens à se projeter dans un futur désirable pour imaginer des modes de vie plus sobres et plus justes. Pour ces raisons, nous avons partagé avec les membres de la convention des propositions issues de nos travaux de recherche [3], qui, sans viser l’exhaustivité, peuvent enrichir leurs délibérations.
Nos recherches sur les déplacements nous amènent à considérer que face à l’urgence climatique — mais aussi aux enjeux sociaux et de santé —, il faut repenser l’organisation des territoires, du travail et des rythmes de vie en accordant une place centrale aux aspirations des habitants. Nous faisons l’hypothèse que le désir des citoyens de vivre en plus grande proximité, à un rythme apaisé et avec plus de temps libre rencontre ces objectifs environnementaux et sociaux. Il est grand temps de prendre au sérieux ces aspirations et de mettre sur la table des propositions fortes pour la transformation de nos organisations sociales, productives et territoriales [4].
Rationner les déplacements
Nous plaidons pour une organisation équilibrée et polycentrique des territoires, à rebours de la concentration actuelle des activités dans les métropoles. Il s’agit plutôt d’imaginer des territoires résilients, c’est-à-dire avec une plus grande autonomie énergétique et alimentaire, qui permettent de vivre en plus grande proximité. Il est nécessaire de développer les services et les équipements dans les espaces qui en sont le plus dépourvus (périurbain, rural, banlieues…) afin de réduire à moyen terme leur dépendance aux villes centres. Cela passe aussi par l’inversion de la tendance à la concentration des services, des infrastructures et des emplois dans la mégalopole parisienne, dont le cadre de vie n’est pas satisfaisant : c’est en Île-de-France que les temps de transport sont les plus élevés, et un Francilien sur deux déclare qu’il souhaite quitter la région.
Dans ce cadre, nous avons fait 20 propositions [5] pour nourrir les débats entre les membres de la convention.
La priorité est pour nous la réduction drastique du volume des déplacements carbone, qui reste croissant malgré les politiques publiques mises en œuvre. Cela pourrait passer par la création d’un crédit mobilité carbonée individuel pour instaurer le rationnement des déplacements comme principe d’égalité des citoyens dans la lutte contre le réchauffement climatique.
Il s’agit également de transformer drastiquement le système de transport, en faveur des petits véhicules et des modes actifs et partagés, pour répondre aux désirs de bien-être des habitants, qui aspirent à vivre en bonne santé et plus en proximité. Il faudrait commencer par l’interdiction à court terme de la commercialisation et progressivement de la circulation des véhicules particuliers les plus lourds, à l’exception de ceux qui sont aménagés pour l’habitation (camions, caravanes...).
Interdire la publicité pour les voitures thermiques
Nous pensons aussi qu’il est nécessaire d’interdire dès aujourd’hui la publicité pour les voitures thermiques, comme c’est le cas pour le tabac. Enfin, nous souhaitons que soit mis en place un droit à la mobilité décarbonée, en luttant contre les inégalités. Une mesure prioritaire serait de relever significativement et de réserver la prime à la conversion aux ménages les plus modestes pour leur permettre l’achat effectif de véhicules à faibles émissions.