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ReportageMonde

Quand les Français ouvrent leur porte aux réfugiés

Face à la tétanie politique, les citoyens européens se mobilisent. En France, le site Aider les réfugiés ou l’association Singa proposent des actions concrètes et immédiates pour venir en aide aux demandeurs d’asile.


Ils se pressent aux frontières de l’Europe depuis plusieurs semaines, fuyant la guerre et la terreur. Près de 30 000 réfugiés sont arrivés en Allemagne ces trois derniers jours. De son côté, la France s’est timidement déclarée prête à accueillir « 24 000 personnes sur deux ans ». Alors que les gouvernements se déchirent quant à la réponse à apporter à cet afflux sans précédent, les citoyens se mobilisent en masse.

Un élan d’empathie incroyable

Un élan d’empathie « incroyable », pour Julien Bayou. Jeudi dernier, suite à l’émotion suscitée par la photo de l’enfant noyé sur une plage de Turquie, il décide de créer avec une amie une plate-forme « pour faciliter le passage à l’acte ». « Nous avons senti une forte envie d’agir, mais les gens ne savaient pas comment faire », explique l’activiste. Quelques heures plus tard, le site Aider les réfugiés reçoit ses premiers clics. Celui-ci recense les initiatives locales ou associatives en faveur des migrants, et répertorie les « bénévoles de réserve ». Très vite, c’est l’emballement. « Nous sommes à plus de 170 000 visites, c’est complètement fou », observe-t-il. Sur le site, les posts d’internautes se succèdent : « Je suis producteur de légumes bio et je proposerais bien d’en donner, comment s’organise-t-on ? »

Carte Aider les réfugiés :

Même constat chez Singa. L’association propose de mettre en relation des réfugiés avec des familles françaises prêtes à les loger. En quelques jours, ils ont reçu 3600 offres d’accueil, et des milliers de messages. Du berger corse au jeune cadre parisien, les Français ouvrent grand leur porte. « Nous avons dû doubler nos effectifs pour répondre à l’afflux », constate Nathanaël Molle.

Accueillir des réfugiés, mode d’emploi

« Comme à la maison » (Calm), c’est le nom du dispositif mis en place par Singa en juin dernier. « L’idée, c’est que les réfugiés se sentent chez eux, et qu’une relation de long terme se construise avec la famille », explique Guillaume Capelle, directeur de l’ONG. Une plate-forme web, un formulaire d’inscription où chacun précise ses passions et ses restrictions (cigarette, animaux), puis une formation. « Il faut acquérir des réflexes pour faire face aux traumatismes qu’ont souvent vécus les migrants », insiste Guillaume Capelle. « Fermer une porte peut faire ressurgir une claustrophobie chez d’anciens détenus, discuter en face à face peut rappeler un interrogatoire. »

Dernière étape avant la première rencontre, le « matching » : mettre en contact une famille et un réfugié qui partagent des centres d’intérêt. Cuisine, yoga, cinéma. « Je suis resté trois mois chez une famille, ce sont des amis proches à présent », raconte Foday Janneh, Sierra-léonais d’origine. Arrivé en 2011 en France, il rencontre rapidement l’équipe de Singa. Avec eux, il trouve un logement, un stage en comptabilité, il apprend le français et prend des cours de salsa. Mais surtout, il s’intègre vite : « Grâce à Singa, je suis entré en contact avec la société française. »

Les réfugiés, « une opportunité pour nos sociétés »

Aujourd’hui Foday Janneh est président de l’association. À son tour, il va au devant des réfugiés. « Je les rassure, je leur explique qu’il faut de la patience, du courage, et des projets à construire en France. » En plus de la plate-forme Calm, Singa accompagne les migrants dans leur projet professionnel.

« L’asile est une formidable solution, une opportunité pour construire une société meilleure », soutient Guillaume Capelle. « Les réfugiés apportent un regard différent et nous poussent à innover, à trouver des nouveaux moyens de vivre ensemble. »

Appel aux politiques

Mais pour construire cette société conviviale, encore faut-il que l’élan citoyen ne retombe pas dès la prochaine attaque terroriste. Pour Julien Bayou, il s’agit donc de « transformer cette prise de conscience salutaire en quelque chose de plus durable. »

Au centre, Nathanaël Molle

« Nous avons demandé à l’État que les familles accueillantes soient dédommagées à hauteur de 300 à 400 € par mois », explique Nathanaël Molle. « Ça coûte moins cher que l’hôtel et ça facilite l’intégration. » Une proposition qui rencontre pour le moment un écho mitigé, à quelques semaines de la présentation du budget 2016. « On nous a rebattu les oreilles avec la France du repli, mais la tétanie vient du politique, pas des citoyens », conclut Julien Bayou.


Les initiatives solidaires se multiplient

Le journal La Croix recense d’autres associations organisant l’accueil des réfugiés :

• La branche strasbourgeoise de l’Association des travailleurs maghrébins de France (ATMF) participe à la plate-forme téléphonique du réseau international « Watch the Med », qui tient un numéro d’urgence pour les migrants qui font naufrage en Méditerranée.

• Le programme « Welcome » du Service jésuite des réfugiés propose un hébergement à des demandeurs d’asile dans une quinzaine de villes. Contact de la coordinatrice : Marcela Villalobos Cid, 06.81.05.92.22.

• Le Secours catholique dispose de 250 équipes locales partout en France, entièrement consacrées à l’accueil des migrants. Contact : 01.45.49.73.00.

• La Cimade recherche en permanence des bénévoles dans 75 groupes locaux répartis dans 13 régions. Contact : 01.44.18.60.50.

• Le Secours populaire vient d’ouvrir un « fonds d’urgence migrants-réfugiés », et mobilise ses donateurs sur cette question.

• La Fondation Raoul-Follereau, qui propose un soutien logistique aux chrétiens d’Orient réfugiés au Kurdistan irakien, lance un « mini-site » dédié aux messages de soutien moral. Chacun peut y déposer un mot de fraternité et d’espoir qui sera traduit en arabe pour que les principaux intéressés puissent les comprendre. Voici l’adresse

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