Red Dead Redemption : le célèbre jeu vidéo sensibilise ses fans à la faune sauvage

Le jeu vidéo Red Dead Redemption 2. - © Rockstar Games/Take Two Interactive
Le jeu vidéo Red Dead Redemption 2. - © Rockstar Games/Take Two Interactive
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Après avoir joué à Red Dead Redemption 2, les joueurs de ce jeu vidéo ont acquis une meilleure connaissance des animaux, très présents à l’image. C’est le résultat d’une étude qui applaudit « l’écologie virtuelle » de ce jeu.
Incarner un hors-la-loi fugitif dans un jeu vidéo peut-il avoir un intérêt écologique ? Oui, selon les scientifiques de l’université d’Exeter et de Truro College (Angleterre), qui ont récemment publié une étude sur la « vertu éducative de l’écologie virtuelle dans Red Dead Redemption 2 [RDR2] ».
Depuis sa sortie en octobre 2018 sur PlayStation 4 et Xbox One après huit ans de développement par Rockstar Games, ce jeu a été multiprimé [1] et connaît un très vif succès commercial : en mai 2021, les ventes atteignaient 37 millions de copies. Red Dead Redemption 2 propose une immersion en 1899 où, suite à un braquage qui a mal tourné dans la ville de Blackwater, la bande de Dutch van der Linde est traquée par les agents fédéraux et les chasseurs de primes. Les joueurs incarnent Arthur Morgan, l’un des braqueurs, et doivent l’aider à survivre dans les vastes terres sauvages de l’Amérique.

Si le jeu vidéo est si apprécié — y compris par deux auteurs de l’étude, qui ont confié à Reporterre être de « grands fans de RDR2 » — c’est en partie grâce à ses graphismes qui opèrent une reconstitution bluffante des écosystèmes nord-américains. « Le niveau de détail de Red Dead Redemption 2 est très élevé, notamment en ce qui concerne les animaux : nombre d’entre eux ont une apparence et un comportement très réalistes, et interagissent même les uns avec les autres », a expliqué à Reporterre Sarah Crowley, l’une des autrices de l’étude. Près de 200 espèces sont modélisées dans cet opus. « Les opossums font le mort, les ours chargent et les aigles chassent les serpents », précise la chercheuse.

« Nous avons voulu vérifier si cette expérience immersive permettait aux joueurs d’accroître leurs savoirs en matière d’histoire naturelle », a indiqué à Reporterre le chercheur Edward Crowley. Lui et son équipe ont ainsi demandé à 586 personnes (joueuses ou non), issues de 55 pays différents, d’identifier des animaux présents dans le jeu, sous la forme d’un quiz en ligne avec quinze photos d’espèces comme la grenouille taureau (Lithobates catesbeianus), le geai bleu (Cyanocitta cristata) ou encore le pronghorn (Antilocapra americana), une antilope d’Amérique.
Résultat : les 444 personnes jouant régulièrement à RDR2 se sont montrées bien plus connaisseuses que les autres, qui n’y jouent pas, pour reconnaître la faune rencontrée dans le jeu au détour des missions et balades en pleine forêt ou dans les plaines. Elles ont pu identifier en moyenne dix des quinze animaux dans un quiz, soit trois de plus que ceux qui ne jouent pas à RDR2.

Les joueurs qui ont obtenu les meilleurs résultats ont été ceux qui avaient terminé le scénario principal du jeu — c’est-à-dire qu’ils avaient joué pendant au moins 40 à 50 heures — et joué plus récemment, mais aussi ceux qui avaient incarné un naturaliste dans Red Dead Online, une version en ligne de RDR2. Ce mode de jeu permet d’étudier et de protéger la vie sauvage. Aux questions ouvertes posées par les scientifiques, un fan de RDR2 a même répondu que le jeu lui avait évité de se faire charger dans la vraie vie par un bélier : « Le jeu m’a appris à repérer quand ils étaient sur le point de charger. Sans blague, ça m’a évité de me faire casser une jambe dans la vraie vie. »

Les actions des joueurs ont des conséquences environnementales
Le jeu présente également deux espèces devenues très rares et une autre, la perruche de Caroline (Conuropsis carolinensis), qui a disparu. « La chasse a joué un rôle dans l’extinction de la perruche de Caroline et si les joueurs tirent sur cette espèce dans le jeu, ils sont avertis de son statut d’espèce menacée, observe le chercheur Matthew Silk. S’ils continuent à tirer, l’espèce s’éteint, mettant en évidence les conséquences environnementales des actions des joueurs. »

En revanche, tempère Edward Crowley, « les comportements de certaines espèces sont mal représentés, tels que les loups qui apparaissent comme très agressifs », pour servir la narration. Mais, même si les auteurs s’accordent sur le fait que RDR2 « n’est pas voué à être un jeu éducatif », « nos questions ouvertes ont montré que certaines personnes s’étaient engagées dans des activités réelles liées à la nature, comme la conservation ou la photographie, après avoir joué à RDR2 », assure Edward Crowley.
« Le jeu vidéo ne peut pas être vert, il sera toujours gris ou noir », affirmait Frédéric Bordage, créateur du groupe de réflexion GreenIT, dans un article publié en décembre 2020 par Reporterre, portant sur la course effrénée aux nouvelles consoles. Edward Crowley concède qu’il ne se verrait pas affirmer « que les jeux vidéos sont des alliés de l’écologie », mais il estime qu’« ils sont si populaires qu’ils devraient être pris au sérieux par les écologistes pour communiquer, par exemple sur la disparition des espèces ». Les « expériences virtuelles » de la nature pourraient également, selon lui, « soulager la pression exercée sur les sites naturels en offrant aux gens un moyen d’accès alternatif ».