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Culture et idées

Se libérer du nucléaire, l’espoir porté par le film de Jean-Paul Jaud

Des rives de la Gironde à Fukushima en passant par le Danemark, le cinéaste Jean-Paul Jaud montre des enfants, leurs rapports à la nature et à l’énergie électrique. Ce beau film, qui sort aujourd’hui et dont Reporterre est partenaire, est mis en musique par ses protagonistes, et suggère un lien mondial entre les nouvelles générations pour concevoir une autre gestion de l’énergie.

-  Libres !est projeté les 12 et 13 mars 2016 au Puy-en-Velay, et le 15 mars à Nice. Voir détails ici


Cela fait quatre ans, ce mercredi 11 mars 2015, que la centrale de Fukushima a subi un séisme et un tsunami entraînant une catastrophe sanitaire et écologique. Et c’est la date qu’a choisie Jean-Paul Jaud pour la sortie de son nouveau film, Libres !

« Libres ! » ? Quelle drôle d’exclamation en ce jour anniversaire, direz-vous. En matière d’énergie, le nucléaire évoque plutôt le contraire. Les accidents nucléaires sont une menace qui nous dépasse et que nous avons du mal à nous représenter. Invisible, imprévisible, incontrôlable.

-  Voir la bande-annonce du film

Qu’est-ce qui lui prend donc, à ce réalisateur, de nous faire voir des enfants beaux, souriants, bien portants, insouciants ? Eux pour qui liberté pourrait davantage sonner comme facilité d’accès à l’énergie électrique.

Cette bande d’enfants que filme Jean-Paul Jaud participe à un stage « nature et musique » dans le sud de la Charente-Maritime, tout près de la Gironde. « Apprendre à aimer la nature et à la protéger passe par une expérience sensible et émotionnelle, joyeuse et ludique au contact des éléments naturels ». Mais la voilà bientôt embarquée dans une sensibilisation aux dangers du nucléaire : regardez la centrale du Blayais qui est si proche, et prenez conscience de ce qu’il se passerait si un accident survenait. Une menace abstraite et imprécise.

Mais nous voilà emmené au Japon, dans la région de Fukushima, où les enfants ont appris de la pire des manières ce qu’est un accident nucléaire, contraints à fuir la zone contaminée par la radioactivité. « Dans ma vie, jusque-là, tout me semblait aller de soi, je n’avais pas eu besoin de réfléchir. Mais quand je me suis retrouvé dans le refuge, je me suis rendu compte combien auparavant ma vie avait été heureuse », raconte un de ces réfugiés.

Variation sur la liberté

Une des séquences fortes du film montre le quotidien du dernier habitant resté dans la zone contaminée, Naoto Matsumura : « On m’a dit que j’ai été irradié de l’intérieur, je suis le champion des irradiés », raconte-t-il. « Quand il y a eu le séisme et que tout le monde est parti se réfugier, ma mère se sentait déjà très faible. Elle voulait rester ici, on ne pouvait tout de même pas la laisser seule ici. Tout le monde est parti se réfugier en abandonnant les chiens sans même défaire leur laisse. Alors moi j’ai donné à manger aux chiens d’à côté. Et alors tous les autres chiens se sont mis à aboyer. Ils étaient encore tous attachés avec la laisse. J’ai dit : je vais rester ici tout seul pour les nourrir. Je ne pensais pas que ça pouvait durer trois ou cinq ans. »

Naoto Matsumura, le dernier homme de Fukushima

Que peut faire l’humain, à son échelle, face à ces monstres de technique, de science, de puissance et de dangerosité ? « Pour donner une idée des dégâts provoqués par un accident nucléaire, on ne peut que faire un rapprochement avec les dévastations causées par une grande guerre, vraiment c’est la seule comparaison pertinente », explique dans le film Naoto Kan, premier ministre du Japon au moment de la catastrophe (la totalité de son entretien avec Hervé Kempf, filmé par Jean-Paul Jaud, est disponible sur Reporterre).

Quelle place pour l’homme, la technique, et la nature ? Voilà la question que pose le film, en y apportant sa réponse : la liberté, notre liberté à tous les êtres humains.

D’Ellul à Bookchin, en passant par Castoriadis, Gorz ou Moscovici, la pensée écologiste n’a cessé de se demander comment développer la liberté humaine au sein de la nature. Et le constat a peu varié : la technique peut permettre la liberté, mais aussi devenir une chaîne. D’où la nécessité de débattre des choix technologiques, de politiser la technique.

Apprendre la liberté

« On a longtemps cru que la liberté était proportionnée à un affranchissement de la nature. Mais non, nous en devenons esclaves, nous sommes aliénés par ce que nous produisons », affirmait Nicolas Hulot à la sortie d’une projection presse du film.

Retrouver cette liberté perdue sur le plan technologique est à portée de main, comme le montre le film avec l’expérience de l’île de Samso au Danemark, devenue indépendante énergétiquement.

Mais la liberté s’apprend, comme la musique que jouent les enfants et qui rythme le film. « Jouer ensemble c’est apprendre à écouter et respecter l’autre dans le projet d’une œuvre commune, se sentir lié et interdépendant les uns avec les autres ».

Si ce beau film n’est ni un cours de musique ni un cours d’énergie, espérons qu’il donne l’envie d’apprendre, de pratiquer et de débattre de l’un comme de l’autre.

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