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Grands projets inutiles

Sivens : projet initial abandonné, mais rien n’est fini

Ce lundi 19, écologistes et partisans d’un barrage à Sivens se réunissent à Albi, dans le Tarn. Vendredi, la ministre de l’Ecologie, Ségolène Royal, avait annoncé que « la réalisation du projet initial de barrage à Sivens n’est plus d’actualité. » Mais l’idée d’infrastructure n’est pas abandonnée.

Après deux mois de tergiversations, de tentatives de conciliations de points de vues contradictoires, de pressions de la part des tenants du projet de barrage, le ministère de l’Ecologie a donc fini par trancher a minima. La situation était pourtant bloquée depuis le 19 décembre dernier, lorsque les responsables agricoles locaux avaient quitté la table des négociations arguant que « seul le projet initial pourra répondre à tous les besoins ».

Mais ce 16 janvier 2015, c’est désormais acté : le projet initial de barrage de 1,5 millions de mètres cube d’eau et d’un coût de 8,4 million d’euros « n’est plus d’actualité ». Ce communiqué du ministère de l’Ecologie fait suite à la remise, le 16 janvier, d’un second rapport d’expertise sur le « projet de territoire du bassin du Tescou ».

Ce rapport propose deux scénarii alternatifs au projet initial :

-  soit « un réservoir réduit sur le site de Sivens, de préférence celui situé 330 m en amont du projet initial » d’un volume de 750 000 m3 (à 10% près), soit la moitié du volume prévu à l’origine ;

-  soit un assemblage entre plusieurs retenues latérales dont une en amont du site de Sivens, toujours sur le Tescou, et une retenue collinaire sur le ruisseau de Bayssière, en aval (page 56-57 du rapport).

- La retenue envisagée ne limiterait que modérément l’emprise sur le milieu -

Les experts ont pris leurs précautions en soulignant que « les impacts [d’un nouvel ouvrage] sur l’hydrologie, les milieux aquatiques et naturels ont été étudiés, semblent localisés et réduits, mais doivent être développés dans une étude d’impact complète ».

Seulement vingt-deux agriculteurs intéressés par le barrage

Ce rapport permet également d’en savoir plus sur les potentiels bénéficiaires du projet. Sur 180 lettres envoyées à des exploitants locaux, les experts n’ont eu qu’une trentaine de réponses. Parmi elles, seuls 22 exploitants, qu’ils soient ou non déjà équipés d’une retenue collinaire, se déclarent demandeurs d’une allocation de ressource supplémentaire.

Dans son communiqué, la ministre a indiqué avoir «  examiné ces propositions avec le président du Conseil général du Tarn, Thierry Carcenac, et les ai validées. » Elle ajoute : « Le président du conseil général m’a fait part de son intérêt pour ces nouveaux projets qui reconnaissent le besoin d’eau pour l’irrigation dans le bassin et m’a indiqué sa volonté d’organiser un débat dès la prochaine session de l’assemblée départementale sur la base de ces deux scénarios. La réalisation du projet initial n’est de ce fait plus d’actualité. »

À cette annonce, la FDSEA du Tarn a réagi par la voix de Philippe Jougla : « Rayer d’un trait de plume le projet pose des soucis : qui va payer les entreprises contractées ? Et ça veut dire qu’on est reparti pour quatre ou huit ans d’études, sans aucune garantie qu’il n’y ait pas encore une fois des zadistes ».

Le Conseil général du Tarn, fidèle à son analyse, n’a vu dans le rapport qu’une « reconnaissance sans ambiguïté d’un réel besoin en eau dans la vallée du Tescou » et une confirmation qu’« un ouvrage sur le site de Sivens est nécessaire ».

Chez les opposants, on se garde bien de crier victoire. « D’abord parce qu’après tout ce qui s’est passé et la mort de Rémi Fraisse, ça ne pourra jamais être une réelle victoire », explique Ben Lefetey, porte parole du collectif Testet. Ensuite, parce que pour l’heure rien n’est assuré en ce qui concerne la suite des évènements : « Tout dépendra de la capacité des promoteurs du barrage à jouer le jeu du dialogue ».

Néanmoins, il se déclare « satisfait que l’abandon du projet soit enfin annoncé publiquement ». Si « les experts ont réalisé un travail sérieux et entamé une vraie démarche de compréhension du territoire dans son ensemble », il estime que ceux-ci « sont allés un peu vite en besogne » avec leurs deux scénarii, qui « sous-estiment fortement le potentiel des réserves en eau dans les retenues collinaires existantes », selon lui.

Sur la zone et dans la ZAD, cette annonce va certainement susciter de nombreux questionnements. L’éventualité d’une digue, même réduite, à 330 mètres de la zone actuelle du chantier, semble difficilement acceptable compte tenu de l’installation massive et durable des zadistes. Certains voient déjà là une « entourloupe de plus » ou une « tentative de faire passer le projet en force dans quelques mois ». Moins nombreux, mais toujours aussi déterminés, les zadistes appellent à nouveau ce samedi à une nouvelle journée de consolidation des campements existants et de construction de nouvelles cabanes.

Huit mois d’étude puis huit mois d’enquête publique

Pour eux, le péril du chantier s’éloigne désormais considérablement. Quelle que soit la solution envisagée, les experts préconisent huit mois de travail pour les études puis la même durée pour une éventuelle nouvelle enquête publique en cas de construction d’un nouvel ouvrage.

Par ailleurs, des travaux de réhabilitation de la zone humide sont prévus sur les portions qui n’ont pas été les plus endommagées, même si, comme le fait remarquer Camille, « sur toute la longueur de la digue, tant qu’il y aura un mètre d’argile tassée sur le sol, plus rien ne pourra repousser pendant des années ».

La crainte majeure des occupants demeure toujours et encore l’expulsion des lieux, demandée sans cesse par les organisations agricoles pro-barrage et par le Conseil Général du Tarn. Comme à Notre Dame des Landes, la bataille pour la sauvegarde de la zone humide du Testet n’est pas terminée. Mais un chapitre de son histoire s’est achevé.

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