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Forêts tropicales

Taxe Nutella : l’huile de palme est d’abord un enjeu de déforestation


Eco Sapiens

La taxe Nutella

L’huile de palme a hélas envahi notre quotidien de consommateur. La graisse la moins chère du marché est dans tous les biscuits et autres plats préparés. Sous couvert de lutte contre l’obésité, une taxe « Nutella » devrait permettre aussi de réduire nos importations de cette huile dévastatrice.

Tout le monde sait désormais que la culture de l’huile de palme contribue à la déforestation dans les pays du Sud-Est asiatique, et notamment l’Indonésie. Symbolisée par la disparition de l’orang-outan, représentée par ces paysages de monoculture à perte de vue, elle est devenue l’ingrédient à bannir pour quiconque essaie d’être consom’acteur.

Puis est venue la polémique sur la table ronde sur l’huile de palme (RSPO). Les ONG environnementales n’étaient-elles pas en train de cautionner ce qui s’apparente à du greenwashing ?

Ensuite est venu le débat sur l’huile de palme bio. A eco-SAPIENS, nous avons largement évoqué cette autre filière, colombienne en l’occurrence,

Et toujours en bruit de fond, la question sanitaire n’est pas définitivement tranchée. L’huile de palme est-elle dangereuse pour la santé ? Certes elle est riche en acide gras saturés dont la consommation en excès induit des risques d’obésité et de maladie cardio-vasculaires, mais il semble aussi qu’en quantité modérée, cette huile ne soit pas plus dangereuse qu’une autre.

Concrètement, il s’agit d’augmenter de 300% (de 98€ la tonne à 300 € la tonne) l’actuelle taxe sur les huiles de palme, de palmiste et de coprah. Cela signifie une hausse de six centimes le prix du pot de Nutella... et cela rapporterait près de 40 millions à la Sécurité sociale.

En tout cas, c’est bien l’aspect santé et non l’aspect environnemental qui prime dans cette idée d’instaurer une taxe « Nutella », plus exactement un amendement proposé par le sénateur PS Yves Daudigny.

« Cette taxe doit constituer un signal, non à destination des consommateurs, mais à destination des industries agroalimentaires pour qu’elles substituent à ces huiles de nouvelles compositions plus respectueuses de la santé humaine. »

Coïncidence ? Le groupe Casino communique allègrement sur une pâte à tartiner sans huile de palme. Casino prétend proposer la première pâte à tartiner sans huile de palme... mais détrompez-vous, des marques engagées dans la bio en proposent depuis bien longtemps...


Sur la Toile

Les forêts tropicales de Bornéo détruites par l’huile de palme

L’huile de palme est au centre des préoccupations de ceux qui s’intéressent à la nutrition et aux conséquences sur la santé des hommes. Si l’huile de palme pose question sur sa consommation, sa production elle non plus n’est pas anodine.

Elle est la cause d’une destruction importante de la forêt tropicale de Bornéo, une des îles les plus importantes de l’Indonésie. La preuve est apportée par des chercheurs de Stanford.

L’Indonésie est le premier producteur d’huile de palme au monde. C’est une ressource importante pour les industriels de tout poil. L’huile de palme représente 30 % de la consommation mondiale d’huile végétale, elle est même une candidate pour fabriquer du biodiesel.

L’huile de palme d’Indonésie vient essentiellement de l’île de Bornéo, une île dont les 4/5 sont administrés par le gouvernement indonésien. Sa superficie est proche de celle de la France, pour 20 millions d’habitants.

Les cultures liées à l’huile de palme représentent le tiers des plaines de l’île, en dehors des zones protégées. Le problème est que pour planter les palmiers à huile, il faut commencer par nettoyer le sol et la végétation existante. En 2010, ce nettoyage par le feu a émis 140 millions de tonnes cubes de CO2 dans l’atmosphère. Cela représente les émissions de 28 millions de véhicules pendant un an.

Il se trouve que l’Indonésie est aussi un des poumons verts de la planète, grâce à ses forêts tropicales. Il s’agit là de la troisième plus grande surface de la planète.

Alors d’un côté nous avons une ressource indispensable pour la planète et de l’autre une ressource importante pour les industriels. Pourtant, c’est bien la seconde qui se développe au détriment de la première. Depuis 1990, 16.000 km2 ont basculé au profit de la culture des palmiers à huile.

L’étude de Stanford a travaillé avec des images satellites haute définition et des mesures faites sur le terrain. Elle a ciblé les terrains utilisés pour la culture des palmiers et les émissions en CO2 consécutives. Les chercheurs ont ainsi obtenu des cartes de l’expansion des cultures de 1990 à 2010.

En utilisant des méthodes de classifications mises au point par l’université Carnegie Mellon, ils ont pu obtenir le type de terre qui a été utilisé pour faire les nouvelles plantations, mais aussi le volume des émissions de carbone et les volumes de captation par la végétation environnante.

L’intérêt essentiel de cette étude est de faire la différence entre les types de terrains utilisés. Les chercheurs ont pu faire la différence entre les forêts, les champs de riz, les cultures de caoutchouc, les forêts secondaires, les cultures des petits exploitants. Grâce à toutes ces nouvelles données, ils ont pu tenir un décompte fidèle des émissions de carbone imputables aux seules cultures nécessaires à la production de l’huile de palme.

Les chercheurs ont interrogé les autorités locales et régionales. Le recensement des autorisations de cultures légales a été effectué. Cela représente 120.000 km2, l’équivalent de la surface d’un pays comme la Grèce. La plupart des surfaces unitaires dépassent les 100 km2. Beaucoup de ces autorisations ne sont pas encore utilisées. Si elles le sont, un tiers des terres de Kalimantan, la partie indonésienne de Bornéo, sera planté de palmier à huile d’ici 2020.

Sur place, l’habitant lambda de Kalimantan n’a aucune idée des enjeux des transformations en cours. Pour les scientifiques, c’est une expérience à échelle planétaire : remplacer la forêt par une monoculture sur une surface gigantesque. Une chose est sûre, la nature de l’île de Bornéo s’en trouve fragilisée, en proie aux feux, aux sécheresses et aux inondations.


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