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Notre-Dame-des-Landes

Trois médiateurs pour étudier le dossier de Notre-Dame-des-Landes

Le Premier ministre a annoncé les noms des trois médiateurs chargés de reexaminer le projet d’aéroport : MM. Badré et Feldzer et Mme Boquet. Cette annonce soulève des doutes chez les opposants et des commentaires furieux chez les promoteurs du projet.

-  Nantes, correspondance

Et un, et deux, et trois médiateurs. Le trio d’experts nommé hier est censé s’atteler à une mission supposée débrouiller le dossier Notre-Dame-des-Landes. Il s’agit de Mme Anne Boquet, ancienne préfète de région Bourgogne, M. Michel Badré, ancien président de l’Autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable, et de M. Gérard Feldzer, ancien pilote de ligne et ami très proche de Nicolas Hulot.

  • Sur la photo, de gauche à droite : Edouard Philippe (Premier ministre), Michel Badré, Gérard Feldzer et Anne Boquet, Elisabeth Borne (ministre des Transports) et Nicolas Hulot (ministre de la Transition écologique).

Mais les règles du jeu ne sont pas encore connues. Leur feuille de route est assez floue : « Envisager les solutions permettant de répondre aux impératifs d’aménagement, dans un dialogue apaisé avec les acteurs et dans le respect de l’ordre public », selon le communiqué de Matignon. En revanche, leur rapport devra être rendu le 1 décembre 2017 au plus tard.

Parmi les opposants au projet, déjà rompus à l’exercice et qui ont participé à de nombreuses commissions, auditions et consultations, l’accueil est dubitatif.

Les commissions et procédures d’écoute et d’expertise se sont succédées depuis la commission du dialogue mise en place en novembre 2012 par Jean-Marc Ayrault, alors Premier ministre et qui était déjà composée de trois experts. La dernière en date, le rapport de trois experts missionnés par Ségolène Royal ministre de l’Environnement avait été très affaiblie par l’initiative de la consultation en juin 2016 lancée par Manuel Valls.

Les profils choisis pour le dernier trio ne paraissent pas suspects aux opposants, mais quelle sera l’étendue de la mission ? Pour Thierry Masson, membre du Collectif des pilotes de lignes opposés à Notre-Dame-des-Landes, Gérard Feldzer inspire le respect : « Il a une très grosse sensibilité environnementale et du coté aéronautique une compétence reconnue. C’est un Monsieur. Autodidacte et brillant. Mais quand à la mission des médiateurs, je n’ai aucun avis tranché. Ces processus-là sont toujours capables de nous surprendre... On a déjà pas mal donné dans le genre. »

Du côté du collectif CéDpa (Collectif des élus doutant de la pertinence du projet d’aéroport), Françoise Verchère veut bien voir et rejouer le jeu, mais pas tout gober : « Avec la commission du dialogue, on nous a écouté, et on a voulu nous expliquer ce qu’on n’aurait pas compris et ce qu’il faut penser. Nous avons soulevé le besoin d’études complémentaires indépendantes, qui sont passées à la trappe. On a été échaudés. Avec ces médiateurs, on ne saute pas de joie, mais c’est toujours mieux qu’une évacuation musclée... Mais je ne veux plus être écoutée. Il faut qu’on prenne les points un par un, qu’on les soumette à l’épreuve de vérité, et qu’on travaille sérieusement pour qu’il y ait des consensus. Cette fois, on voudrait savoir quel est le cadre de la mission et être associé à la méthode. On va refaire la liste des questions à approfondir. Qu’on regarde ce qui est possible, ce que ça coûte vraiment. On ne peut pas échapper à des études, sur le plan d’exposition au bruit, sur le coût réel du maintien de l’actuel aérport, et sur la faisabilité de construire sur les sols de Notre Dame des Landes où de très sérieux doutes techniques ont surgi. »

Le tout avec des études indépendantes, fiables, pas menées par la DGAC, Direction générale de l’aviation civile, dont les contre-expertises des opposants ont démontré qu’elles étaient pipées.

La DGAC a commis de stupéfiantes erreurs, sa crédibilité est mise en doute.

« Si ça semble pouvoir aboutir, on participera encore, mais il faut des garanties, sur la méthodologie et sur le contenu », dit Mme Verchère.

Dans un rapport de 44 pages, les élus du CéDpa avaient déjà commenté la consultation du 26 juin 2016. Au delà de l’analyse critique sur cette initiative du gouvernement Hollande, ils et elles dessinaient les contours d’une méthode qui leur paraitrait pragmatique et fiable : « Il y avait d’autres solutions que la consultation telle qu’elle a été menée. Par exemple celle de la convention de citoyens. Une convention est mise en place sur un sujet précis et ponctuel qui fait controverse ; les citoyens tirés au sort qui la composent, reçoivent une information complète et contradictoire, selon un protocole rigoureux. La convention est dissoute dès le rendu de son avis. Ses travaux sont protégés des influences des lobbies et doivent être sérieusement étudiés par les décideurs.

Voilà qui serait digne d’une démocratie moderne et continue. Comme nous l’avions écrit dès 2015, seules la loyauté des débats, la transparence et l’honnêteté, dans toutes ses acceptions, peuvent permettre de sortir de l’impasse. Il est encore temps. Il faut enfin mener les études INDEPENDANTES sur le coût réel de la rénovation de Nantes-Atlantique et sur le bruit. Comment s’assurer de cette indépendance ? Nous voyons à ce stade trois conditions à remplir :
. les deux parties, pro-NDDL et anti-NDDL, co-rédigent le cahier des charges ;
. chaque partie choisit son (ses) expert(s) et ceux-ci travaillent ensemble ;
. le suivi de l’étude est fait conjointement par les deux parties. Le résultat sera, nous en sommes convaincus, bien différent de ce que l’on a présenté aux électeurs de Loire-Atlantique en juin 2016. »

Les profils des trois médiateurs

Gérard Feldzer, aviateur, est un proche de Nicolas Hulot.

Le trio des médiateurs chargé d’une mission de six mois affiche un âge de comité de sages. Gérard Feldzer, 73 ans, est ancien pilote proche de Nicolas Hulot et ancien conseiller régional d’Ile de France sous l’étiquette EELV.
Michel Badré, 69 ans, ancien ingénieur à l’Office national des forêts, est membre depuis 2015 du Conseil économique social et environnemental en tant que représentant des associations de défense de la nature et administrateur de l’association Humanité et Biodiversité, association qui a pris ses distances avec le résutat de la consultation de Notre-Dame-des-Landes, et rejoint les opposants sur la nécessité d’études indépendantes.

Anne Boquet, 65 ans, a été préfète dans l’Indre, des Yvelines, de Bourgogne et de Côte d’Or, a aussi été haut commissaire en Polynésie, directrice générale des services de la communauté urbaine Nice-Côte d’Azur et dernièrement inspectrice générale aux finances. Enarque et haute fonctionnaire bon teint, elle est la seule des trois à ne pas avoir laisser filtrer publiquement de position sur le projet d’aéroport nantais.

Les partisans du projet stupéfaits

Pour les pro aéroport, les personnalités choisies pour mener la mission ne sont pas de bons missionnaires.

Le président socialiste du département de Loire-Atlantique boude : « Sans éclairage du Premier ministre d’ici là, je ne me rendrai pas au rendez-vous organisé sur le sujet mardi prochain à Matignon. La feuille de route ne correspond pas aux engagements pris jusqu’à présent sur ce dossier par le nouveau Président de la République, qui avait dit vouloir "respecter le résultat du référendum et faire cet aéroport" » s’agace Philippe Grosvalet, méfiant à la découverte du casting des experts mandatés : « Les profils des trois médiateurs nommés ce jeudi 1er juin par le Premier ministre ne garantissent ni l’impartialité, ni l’indépendance de leur mission. Là encore, c’est contraire aux engagements du Président de la République. »

A la tête de la Région des Pays de la Loire, le toujours très remonté Bruno Retailleau, LR, tonne : « J’apprends avec stupéfaction que l’expert aéronautique nommé par le Gouvernement pour la médiation à Notre-Dame-des-Landes n’est autre que Gérard Feldzer, opposant notoire à l’aéroport du Grand Ouest, ancien directeur de campagne de Nicolas Hulot en 2006-2007 et ancien Conseiller régional d’Île-de-France sur la liste Europe Écologie entre 2010 et 2015. Je rappelle que ce parti soutient officiellement l’occupation illégale de la ZAD et a remis en cause le résultat de la consultation démocratique du mois de juin dernier. »

La principale association pro-NDL, Des ailes pour l’Ouest, refuse mordicus de participer à « une parodie de conciliation », tout en fustigeant la nomination de « deux opposants notoires comme médiateurs ».

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