Soulèvements de la Terre : la zad en colère après 6 arrestations

Une quinzaine de personnes, notamment basées à Notre-Dame-des-Landes, ont été placées en garde à vue le 20 juin 2023. - © Jérémie Lusseau / Hans Lucas via AFP
Une quinzaine de personnes, notamment basées à Notre-Dame-des-Landes, ont été placées en garde à vue le 20 juin 2023. - © Jérémie Lusseau / Hans Lucas via AFP
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Luttes Notre-Dame-des-Landes Soulèvements de la TerreLa répression contre les Soulèvements de la Terre se poursuit. Six personnes ont été arrêtées à Notre-Dame-des-Landes. Les zadistes l’assurent : ils vont poursuivre la lutte contre les « logiques mortifères » du gouvernement.
Notre-dame-des-Landes (Loire-Atlantique), reportage
« Je crois qu’ils ne connaissent pas le principe de la poignée. » Chloé [*] prononce ses mots avec ironie : la veille, mardi 20 juin, cette habitante de la zad de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique) a subi une perquisition à son domicile. Selon son récit, vers 6 heures du matin, une douzaine de policiers cagoulés ont défoncé sa porte d’entrée, qui « était pourtant ouverte », à coups de béliers – un trou béant dans le bas de cette structure en bois est en effet visible. Chloé, « complètement aveuglée et sans qu’on [lui] signifie pourquoi elle était perquisitionnée », raconte avoir ensuite été plaquée au sol et frappée au visage, tandis que sa fille de cinq ans dormait dans la chambre d’à côté. Elle n’a finalement pas été interpellée. « Ils m’ont demandé mon identité, avant de dire “Ah, ce n’est pas elle qu’on cherche”. » Six personnes résidant dans ce territoire emblématique des luttes écologistes ont été embarquées.
Une porte d’entrée, pourtant ouverte, défoncée par la police
Elles ont été placées en garde à vue mardi 20 juin. Ce ne sont pas les seules : entre 14 et 18 personnes basées un peu partout en France (Notre-Dame-des-Landes, Marseille, Tours, Bure) ont été arrêtées et placées en garde à vue ce même jour. Elles sont soupçonnées de « dégradation en bande organisée par moyen dangereux », « dégradation en réunion » et « association de malfaiteurs » dans le cadre de l’enquête portant sur le « désarmement » de la cimenterie Lafarge, à Bouc-Bel-Air (Bouches-du-Rhône), comme l’a indiqué à l’AFP le parquet d’Aix-en-Provence. Ce dernier n’a pas répondu aux sollicitations de Reporterre. Les Soulèvements de la Terre avaient relayé le communiqué des militants.
Ces interpellations ont eu lieu la veille de la dissolution des Soulèvements de la Terre (SLT), qui vient d’être prononcée par le gouvernement. Elles font suite à une première vague d’arrestations de militants écologistes par la police antiterroriste dans le cadre de la même enquête, le 5 juin dernier.
« Cette criminalisation des mouvements écologistes est choquante »
« Il y a une accélération de la répression, une espèce de fuite en avant de la part du gouvernement, avec la volonté de terroriser et de taper fort sur celles et ceux qui relèvent la tête. Cette criminalisation des mouvements écologistes mais aussi sociaux est choquante. Elle signale la fébrilité de l’État », dit Louise. On rencontre cette habitante de la zad, où a eu lieu le premier appel des Soulèvements de la Terre (SLT) en janvier 2021, quelques heures après l’intervention de la police. Soixante policiers de la brigade de recherche et d’intervention (BRI) ont été mobilisés selon Mediapart. Ouest-France parle de son côté de gendarmes et de policiers de la Sous-direction antiterroriste (Sdat).
Mercredi 21 juin, le calme est revenu sur la zone. On entend le chant des oiseaux et des chats se promènent d’un air dilettante. Les habitants, eux, bouillent de colère. « La colère ne se dissout pas : elle s’acidifie. Cette nouvelle série d’interpellations et la dissolution des SLT va renforcer la lutte plutôt que l’atténuer », assure Daria, qui rappelle comment, en tant qu’habitante de la zad, elle « voit tous les jours à quel point l’inaction climatique de l’État a des effets sur les champs, les pâturages, les forêts. Tout cela est incarné, pas idéologique : nous faisons partie du vivant, et cela se ressent dans nos corps au-delà de nos têtes ».
« Ils étaient menottés, entourés d’une quinzaine de policiers cagoulés »
Le 20 juin, cette femme a assisté aux aurores à l’interpellation de deux « co-habitants et amis », dont Benoît Feuillu, l’un des porte-parole des SLT. « Ils étaient menottés, l’un à genoux et l’autre assis sur le sol. Ils étaient entourés d’une quinzaine de policiers cagoulés », raconte Daria à Reporterre. Selon elle, ce dispositif « totalement disproportionné » montre « l’acharnement de l’État à construire de toutes pièces la figure de l’"écoterroriste" ». Elle ajoute que le fait d’interpeller Benoît Feuillu contribue à « construire des figures de dirigeants au sein d’un mouvement qui n’a pourtant pas de hiérarchie ».
Toutes les personnes rencontrées par Reporterre le répètent avec vigueur : ce mouvement composé de 200 comités locaux, qui s’élève notamment contre les ravages de l’agro-industrie, est extrêmement divers. « Il y a une immense adhésion aux SLT, avec une volonté forte de se battre face à des gens qui sont en train de détruire les ressources et la planète », abonde Adèle. Cette habitante de la zad tient à rappeler, au passage, les liens entre Lafarge et Daesh.
« C’est notre force qui nourrit la répression de l’État », abonde Brieuc, un autre habitant de la Zad, dont l’état d’esprit se résume en trois mots : « Colère, détermination, ténacité. » Louise, elle, parle de « colère mêlée d’anxiété et de joie à se mobiliser ensemble ». « Les SLT démontrent qu’il est possible de vivre vivants et dignes et ça, le gouvernement ne le supporte pas. Alors oui, cette dissolution, quand bien même on ne peut pas dissoudre un mouvement, est grave. Mais nous restons déterminés à ne pas nous laisser sidérer et domestiquer, à rester solidaires et, a contrario de leurs logiques mortifères, de faire le pari de la joie. » Et d’ajouter :« On est du côté du vivant, et le vivant est de notre côté. » Dehors, les oiseaux continuent de chanter.