Trousses cousues, cahiers recyclés... la rentrée version zéro déchet

Sophie, une mère de famille adepte du zéro déchet. - © Tiphaine Blot/Reporterre
Sophie, une mère de famille adepte du zéro déchet. - © Tiphaine Blot/Reporterre
Durée de lecture : 6 minutes
Avec un peu de temps, d’organisation — et une machine à coudre ! — on peut réduire l’empreinte écologique des courses de rentrée. Sophie, mère de famille, nous explique.
Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne)
Transformer un vieux jean en trousses, une chemise en couverture de cahier... Sophie, une quadragénaire francilienne adepte du zéro déchet, est devenue une as de la confection de fournitures scolaires à l’aide de matériaux recyclés pour ses garçons de 6 et 9 ans. Dans son salon de Saint-Maur-des-Fossés, dans le Val-de-Marne, elle a plaisir à raconter comment elle a procédé : « J’ai récupéré un pantalon tout troué de mon mari, et, ensuite, j’ai suivi un tuto sur Youtube : il ne faut pas être novice en couture, mais il n’y a pas non plus besoin d’avoir un niveau très élevé. » Avec sa machine à coudre achetée en seconde main, armée de fermetures éclair dénichées en brocante et de patchs choisis par ses enfants (un dinosaure faisant du snowboard pour l’aîné, un oiseau pour le cadet), elle a consacré environ trois heures à la fabrication de deux trousses. « Elles sont de très bonne qualité, beaucoup plus que si j’avais acheté la dernière trousse de marque à la mode. C’est sûr qu’ils feront encore plusieurs années avec », sourit la bénévole de Zero Waste Paris, engagée depuis cinq ans dans une démarche zéro déchet. Pour cette association, elle a consacré un petit guide où elle liste les « règles d’or » pour la rentrée scolaire : réutilisation, achat en seconde main et fabrication maison. Le site « Profs en transition » regorge aussi d’astuces.
Le marché des fournitures scolaires pèse lourd : d’après l’Association des industriels de la papeterie et du bureau (AIPB), entre juin et fin août 2021, 76 % des fournitures scolaires ont été achetées en super et hypermarchés, pour un chiffre d’affaires de 259 millions d’euros.

Elle souhaite montrer qu’il suffit d’un peu de temps et d’organisation pour réduire l’empreinte écologique des courses de rentrée, soit en les fabriquant, soit via la récup’. Les feutres de son aîné sont ainsi ceux qu’elle utilisait elle-même à l’université : Sophie n’a racheté que les couleurs manquantes, à l’unité. Elle a retrouvé chez sa grand-mère tout un tas de crayons qu’elle a aussi glissé dans leurs cartables — achetés en seconde main sur Vinted. Pour les protège-cahiers, elle a utilisé le tissu d’une vieille chemise de son époux. Temps de fabrication : une demi-heure. Sophie nous montre aussi un cahier. Celui-ci, immaculé, semble neuf. Il n’en est rien : elle a soigneusement découpé toutes les pages vierges des anciens cahiers de ses fils et les a ensuite fait relier dans une grande enseigne de papeterie.
« Le fait de faire par soi-même, c’est super agréable »
« Le fait de faire par soi-même, c’est super agréable : il y a déjà la satisfaction de générer beaucoup moins de déchets, d’utiliser des produits qui durent davantage, et qui en plus sont souvent moins dangereux pour la santé (cf les études récentes sur les substances chimiques retrouvées dans des fournitures scolaires, ndlr). Mais il y a aussi la joie de passer un moment sympa avec mes enfants : par exemple, le plus jeune m’a aidé pour fabriquer sa trousse », explique Sophie.

Si ses garçons sont « hyper fiers de faire partie d’une famille zéro déchet », ils ont parfois envie d’avoir les mêmes affaires que leurs copains. « À ce moment-là, je leur explique pourquoi la démarche zéro déchet est importante pour la planète », dit Sophie qui, dans le cadre de ses missions de bénévolat, intervient régulièrement dans des classes pour faire de la sensibilisation sur cet enjeu. Elle a par ailleurs plus d’un tour dans son sac pour contenter sa progéniture : « Par exemple, il est obligatoire de racheter un agenda neuf tous les ans. J’ai acheté un agenda personnalisable, et j’ai dit à mon grand qu’on allait pouvoir le customiser ensemble : plutôt que d’aller lui acheter un sac à dos de mauvaise qualité à l’effigie de tel super héros, il va pouvoir coller des images de ce super héro sur son agenda. »

« Il faut que l’on réussisse à rendre la surconsommation absolument pas désirable »
Sophie le sait, une telle démarche demande de la pédagogie : « Il faut que l’on réussisse à rendre la surconsommation absolument pas désirable et que la seconde main et le DIY (do it yourself, le faire soi-même) soient assimilés à des choses chouettes. » À la rentrée, un guide intitulé « Mon école zéro-déchet », sur lequel elle a travaillé avec Zero Waste Paris, sera d’ailleurs distribué dans les classes où elle est déjà intervenue.
Sophie, qui n’a pas d’emploi, a bien conscience qu’une telle façon de faire nécessite d’avoir un peu de temps libre, ce qui est loin d’être un acquis pour toutes les familles. Sans compter le fait que, au-delà des enjeux écologiques, la récup’ relève souvent de la pure nécessité financière pour les plus pauvres… qui sont aussi contraints, quand ils achètent des produits neufs, de se tourner vers les fournitures les moins chères et souvent les plus polluantes. « Le peu de choses neuves que j’achète à mes enfants représentent un investissement un peu plus élevé : même s’il va durer bien plus longtemps qu’un crayon classique, le ‘crayon ardoise’ de mon fils coûte un peu plus cher. À la longue, ma dépense va être largement amortie, encore faut-il avoir les fonds pour acheter un tel accessoire au départ, ce qui n’est pas le cas de tous les parents. »
D’après un sondage de l’institut YouGov réalisé en août 2021, plus de 6 personnes sur 10 (61 %) ont tendance à réutiliser un maximum de fournitures de l’année passée, 15 % ont tendance à tout racheter, et 21 % combinent fournitures anciennes et fournitures neuves.

Dernière astuce : la bénévole du collectif zéro déchet Saint-Maur appelle tout le monde à ouvrir grand les yeux. « L’autre jour, par hasard, j’ai vu dans les poubelles de notre résidence plein de cours qui étaient encore dans leurs pochettes plastiques. Il y en avait une cinquantaine, elles étaient comme neuves. En soi, j’ai les moyens de les acheter, mais si c’est possible, pourquoi ne pas les récupérer et ainsi produire moins de déchets ? » En fait, être dans une démarche zéro déchet demande d’avoir toujours « un coup d’avance ». La preuve : Sophie a déjà acheté, pour un euro dans une brocante, la calculette de son fils aîné pour son entrée en CM2… qui aura lieu en 2023.