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Transports

« Un projet absurde » : dans le Sud-Ouest, les opposants aux LGV repartent au combat

TGV en France (photo d'illustration).

Les opposants au grand projet du Sud-Ouest (GPSO) reprennent la lutte, samedi 30 avril à Bordeaux, avec un grand meeting interrégional. Objectif : dénoncer ce « projet absurde » de deux LGV, qui détruirait plus de 6 000 hectares de terres.

Bayonne (Pyrénées-Atlantiques), correspondance

C’est un vieux dossier qui prenait la poussière dans les cartons des régions Nouvelle-Aquitaine et Occitanie. « Un zombi qui ressort de sa tombe », se désolé Philippe Barbedienne, directeur de la Sepanso, une fédération d’associations de protection de la nature et de l’environnement. Certains opposants historiques ont même cru à un abandon de ce grand projet du Sud-Ouest (GPSO), tant il n’avait pas refait surface ces dernières années. Mais tous ont appris avec effroi l’annonce du Premier ministre Jean Castex, quelques semaines avant les élections régionales de 2021, d’injecter 4,1 milliards d’euros de l’État dans ce projet, qui vise à créer deux lignes à grande vitesse (LGV) reliant Bordeaux à Toulouse et Bordeaux à l’Espagne. Afin de poser une première pierre dans la reprise de la lutte, un meeting est organisé le samedi 30 avril. Les participants en sont convaincus : les LGV ne passeront pas avec facilité.

Associations, collectifs et personnalités publiques venues de tous les territoires concernés par le passage des LGV se sont donné rendez-vous samedi 30 avril à 14 h 30 à Bordeaux, salle Athénée. Un meeting visant à « remobiliser les gens et montrer qu’il y a une mobilisation toujours vivante », selon Philippe Barbedienne.

« La lutte date de 1992 », précise Pierre Recarte, membre du Collectif des associations de défense de l’environnement du Pays basque et du sud des Landes (Cade), l’un des collectifs qui s’est dès le départ opposé au projet. De fortes mobilisations avaient émaillé la volonté de créer ces nouvelles lignes qui visent, selon ses soutiens, à faire gagner du temps de trajet entre les métropoles régionales. Avec la reprise du dossier, c’est actuellement le plan de financement qui est sur l’établi. Sa signature en février 2022 a suscité de vives critiques de la part des opposants, qui ont déposé des recours devant le tribunal administratif de Toulouse pour le contester. Le prix annoncé est de 14 milliards d’euros, un « coût à la hausse inconnue », selon les contestataires.

Pour faire ces LGV, 6 300 hectares de terres seront artificialisés

« En ce moment on fait des réunions publiques dans différentes communes pour expliquer pourquoi la LGV est un projet absurde, anti-écologique et antisocial », dit Thibaut Godin, membre de Bizi, une association altermondialiste au Pays basque.

Pour construire les LGV et les aménagements nécessaires, 6 300 hectares de terres seront artificialisés. « Dont 1 300 hectares de terres agricoles, 3 300 hectares de forêts, 370 hectares de zones humides... En tout, treize sites Natura 2000 sont traversés », précise Pierre Recarte. Les émissions de gaz à effet de serre (GES) qu’engendrerait le chantier sont également scrutées de près par les opposants : si le Réseau ferré de France (RFF) les estime à 2,4 millions de tonnes de CO2, les études menées par opposants, elles, tablent plutôt pour un chiffre total de près de 4,5 millions de tonnes de CO2.

« On va larguer une quantité énorme de CO2, en espérant peut-être économiser du CO2 à terme [avec les LGV], mais rien n’est moins sûr », dit Philippe Barbedienne. La fragmentation d’écosystèmes fragiles traversés par les nouvelles lignes serait également un coup porté à la biodiversité.

Rénover les lignes existantes

Rassemblés sous le nom Alternative LGV, les opposants défendent une seconde option : celle de la modernisation des lignes existantes et de la rénovation de petites lignes. L’appel a été signé par des centaines de représentants associatifs, dont des élus locaux. Ainsi, les partis Europe Écologie-Les Verts (EELV) et La France insoumise (LFI) militent pour la modernisation des lignes déjà en place et contre la création de nouvelles. Du côté des soutiens à la LGV, Alain Rousset, président de la région Nouvelle-Aquitaine, et Carole Delga, présidente de la région Occitanie, tous deux membres du Parti socialiste (PS).

À Bordeaux, une nouvelle association s’est nouvellement créée : Stop LGV, pour le développement des transports du quotidien. « Les petites lignes connaissent des conditions absolument désastreuses, explique Jean-Pierre Lefèvre, l’un de ses membres. Nous, on met en opposition les milliards d’euros qui vont servir à très peu d’usagers, seulement 5 % de la population utilise les LGV, et les lignes du quotidien qui sont laissées à l’abandon, mais qui sont très empruntées. »

Philippe Barbedienne, quant à lui, est convaincu d’une chose : « Je ne suis pas né opposant aux LGV, mais j’ai analysé le projet et il y a une autre réalité derrière cela : on veut donner des chantiers aux travaux publics pour continuer sur un modèle de croissance. Le BTP a besoin de chantiers et ils ont un lobby très efficace. Il vaudrait mieux donner les 14 milliards au BTP sans qu’il ne fasse rien, j’en suis rendu là ! »

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