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Mines et métaux

Un projet de mine d’or suscite l’inquiétude dans le Pays basque

Après près d’un an et demi sans nouvelles, associations et élus locaux pensaient le projet enterré. Mais sans crier gare, le gouvernement a lancé une consultation publique sur la question fin janvier.

Des centaines de pages de documents indéchiffrables par des citoyens lambdas et seulement 19 jours pour poser ses questions, uniquement par voie électronique. Voilà comment s’organise la consultation publique sur le « Permis Kanbo », une demande de permis de recherche de mines déposée par la société Sudmine. Le projet a été contesté dès l’été 2015 par des associations et des élus locaux, en raison de son impact sur l’environnement.

« Nous n’avions aucune nouvelle du dossier, et tout à coup voilà que la consultation publique est apparue sur Minéral Info, un site que personne ne connaît, sans annonce préalable », soupire au téléphone Martine Bouchet, présidente du Collectif d’associations de défense de l’environnement (CADE) du Pays Basque et du sud des Landes. « En plus, la consultation démarre le jour même où tout est mis en ligne [la consultation court du 30 janvier au 17 février, ndlr], il n’y a même pas de préavis. On a presque l’impression qu’ils essayent de se dépêcher avant l’adoption de la modernisation du code minier. » Même si la proposition a peu de chance d’être adoptée avant la fin de la législature.

Le permis exclusif de recherche de mine dit de « Kanbo », couvrirait 126 km2 dans les Pyrénées-Atlantiques.

La militante pensait le dossier enterré : à l’été 2015, les maires des 11 communes concernées par le périmètre avaient émis un avis défavorable auprès du préfet. Le dossier, renvoyé ensuite au ministère de l’Environnement, ne semblait pas relever d’un intérêt prioritaire. Et pourtant, revoilà le projet de Sudmine. « Notre mobilisation porte déjà sur cette absence de débat. La consultation ne se fait que sur internet, tout le monde n’en a pas l’habitude. Il n’y a pas de réunion, pas d’explication du projet, sachant que l’on ne comprend pas une partie du dossier si l’on ne s’y connaît pas en géologie. »

Le projet est opaque depuis le début : la CADE avait découvert son existence du projet en 2015, par le biais d’une veille attentive des publications du Journal Officiel, effectuée par une association bretonne. Mais au-delà du manque de transparence, les inquiétudes se concentrent surtout sur l’impact environnemental du projet.

Les AOP menacées ?

Le piment d’espelette : son appellation d’origine protégée mise en cause par la mine ?

De nouvelles mines sur le territoire concerné pourraient porter atteinte aux deux AOP (Appellation d’origine protégée) présentes sur le périmètre. Le territoire du fromage Ossau-Iraty le recoupe en partie et celui du piment d’Espelette se confond pratiquement avec lui en totalité. « On n’a déjà pas beaucoup de terres agricoles parce que la pression foncière est forte... et en plus, ces terres risquent d’être détruites et polluées sur du long terme », résume Benjamin Charron, producteur de piment d’Espelette.

Pour saisir la pleine mesure des conséquences environnementales déplorables de l’exploitation aurifère, Martine Bouchet cite l’exemple de la mine de Salsigne, fermée en 2004. Les déchets de l’exploitation ont conduit à la pollution à l’arsenic de toute la vallée de l’Orbiel, dans l’Aude. Depuis, chaque année, la préfecture interdit la vente des légumes produits dans la vallée. Benjamin Charron, lui, cultive ses piments d’espelette directement sur les berges de la Nive. « L’eau qui irrigue les cultures pourrait être polluée puisque le projet se situe en amont de mon exploitation. »

L’impact négatif sur les AOP avait d’ailleurs été mis en avant par Sylviane Allaux, députée de la 6e circonscription des Pyrénées-Atlantiques, lors de son intervention auprès du ministre de l’Economie : « À Bercy, comme ils s’intéressent surtout à l’impact économique du projet, j’avais voulu montrer que ça faisait sauter beaucoup d’emplois, étant donné qu’on a beaucoup d’AOP, explique-t-elle, et que ça allait mettre en péril toute une économie basée sur une agriculture raisonnée de qualité. » Malgré cela, la procédure a poursuivi son chemin.

Selon le rapport mis à disposition par la société à l’occasion de la consultation, l’impact environnemental de l’activité aurifère sera « nulle ou quasi-nulle ». « On n’y croit pas, à ce document, surtout qu’il est rédigé par une filiale de la société », fulmine le producteur de piment. Le rapport provient en effet de GéoPlusEnvironnement, un bureau d’études dont le directeur n’est autre que Christian Vallier, directeur de... Sudmine, la compagnie qui sollicite le permis de recherche. Une pratique légale, mais moralement questionnable. Sollicité, Christian Vallier n’a pas répondu à nos questions.

Le rapport ne prend pas non plus en compte l’impact de l’activité minière sur les thermes de Cambo et sur le tourisme en général. « Le tourisme, c’est l’autre poumon de l’activité économique du pays basque avec l’agriculture. L’image véhiculée sera négative, alors qu’on a pour l’instant cette image de région nature, avec la montagne, l’océan, des eaux fraîches et pures », abonde Benjamin Charron. Le collectif constitué pour l’occasion, Stop-Mines-Eh, compte bien continuer à se battre pour faire échouer le permis Kanbo. Déjà, en appelant à massivement répondre à la consultation publique par la négative. Ensuite, en organisant un rassemblement samedi 11 février à Espelette, symbole de l’AOP qui risque d’être polluée par le permis.

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