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Agriculture

Victoire pour Lactalis : il n’est plus obligatoire d’indiquer l’origine géographique du lait

Le Conseil d’État a donné raison à Lactalis qui souhaitait qu’indiquer l’origine du lait ne soit plus obligatoire. Le géant laitier voulait défendre « la libre circulation des marchandises » ; la Confédération paysanne dénonce « une décision favorable à ceux qui exportent mais pas à ceux qui privilégient la relocalisation ».

Victoire pour Lactalis. Le géant laitier a remporté une bataille juridique décisive : le 11 mars, le Conseil d’État a, à la demande du groupe, annulé un décret gouvernemental qui imposait l’étiquetage de l’origine géographique du lait. Cela concerne aussi l’utilisation du lait « en tant qu’ingrédient » dans les produits transformés. La décision de la plus haute juridiction administrative française s’appuie sur la législation européenne, qui stipule que les États de l’Union ne peuvent prendre de mesures pouvant « donner lieu à une discrimination à l’encontre des denrées alimentaires provenant d’autres États membres ». Les fabricants peuvent continuer à indiquer l’origine de leurs produits s’ils le souhaitent mais n’y sont plus contraints. L’État français, lui, est condamné à verser six mille euros au groupe Lactalis pour le dédommager de ses frais d’avocats.

En 2016, la France avait lancé une expérimentation — jusqu’au 31 décembre 2021 — demandant aux producteurs et aux industriels d’indiquer la provenance du lait, « y compris lorsqu’il est employé en tant qu’ingrédient dans des aliments préemballés », comme le rappelle le Conseil d’État dans un communiqué du 12 mars. Ce dispositif avait été mis en place à la suite du scandale de la viande de cheval vendue comme du bœuf : le ministère de l’Agriculture avait alors souhaité « améliorer l’information donnée aux citoyens et permettre aux producteurs de lait et de viande de voir la qualité de leurs produits pleinement reconnue ».

Les décrets français ne se conforment pas aux conditions de la loi européenne

Le hic : la loi européenne indique que l’indication du pays d’origine ou du lieu de provenance des denrées est obligatoire uniquement « dans le cas où son omission serait susceptible d’induire en erreur le consommateur ». Les États membres peuvent adopter des mesures complémentaires à condition qu’elles « n’entravent pas la circulation des marchandises » et ne donnent pas lieu « à une discrimination à l’encontre de denrées alimentaires provenant d’autres États membres ». Ainsi, pour prendre des dispositions plus strictes, les États doivent « apporter la preuve que la majorité des consommateurs attachent une importance significative à cette information » mais aussi, « qu’il existe un lien avéré entre certaines propriétés de la denrée et son origine ». Le lait allemand est-il différent du lait français ?

Dans son contentieux contre Lactalis, l’administration française a produit des sondages montrant l’importance de la traçabilité et de la transparence aux yeux du consommateur. En revanche, elle a indiqué « qu’il n’y a pas, objectivement, de propriété du lait qui puisse être reliée à son origine géographique ». De ce fait, les décrets français ne se conforment pas aux conditions de la loi européenne et « doivent être annulés ».

Contacté par Reporterre, Lactalis précise que « sa démarche […] était motivée par son attachement à ce qu’il ne soit pas porté atteinte à la libre circulation des marchandises via une multiplication de décrets “origine” en Europe. Le marché européen doit rester un marché unique afin de préserver les exportations de produits laitiers français, la France exportant 50 % de sa production laitière ».

Nicolas Girod, porte-parole de la Confédération paysanne, joint par Reporterre, n’est pas surpris : « Ce n’est pas étonnant que Lactalis se soit tourné vers l’Union européenne pour maintenir sa logique de concurrence et de baisse des prix. C’est une décision favorable à ceux qui exportent mais pas à ceux qui privilégient la relocalisation et la montée en gamme. »

« Chaque année en France, Lactalis transforme cinq milliards de litres de lait en produits qui inondent les rayons des supermarchés », rappelait le média d’investigation Disclose dans son enquête Lactalis, l’ogre du lait. Le groupe « détient pas moins de soixante-dix usines disséminées sur l’ensemble du territoire — près de 270 dans le monde. »

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