À Grenoble, le retour théâtral des cabines téléphoniques

L'Observatoire international pour la réinstallation des cabines téléphoniques avait déjà organisé un «concert de téléphone» le 30 avril passé. - © Florian Espalieu / Reporterre
L'Observatoire international pour la réinstallation des cabines téléphoniques avait déjà organisé un «concert de téléphone» le 30 avril passé. - © Florian Espalieu / Reporterre
Durée de lecture : 3 minutes
Quotidien NumériqueÀ Grenoble, un collectif a inauguré une nouvelle cabine téléphonique publique. Il s’agit d’« une première mondiale ». Un geste pour rire, mais aussi pour interroger la place que prennent les téléphones portables dans notre société.
Grenoble (Isère), reportage
« Vous pouvez maintenant dire adieu à vos téléphones portables ! Vous n’en avez plus besoin. » Invitation accueillie par un éclat de rire général. Vendredi 25 mars, dans un parc de Grenoble, était inaugurée une nouvelle cabine téléphonique publique. « Une première mondiale », d’après l’OIRCT — comprendre l’Observatoire international pour la réinstallation des cabines téléphoniques.
Le rassemblement d’une cinquantaine de personnes tenait plus de la blague de potache que de l’événement officiel. Bien que précédé d’un discours prononcé au nom de la région Auvergne-Rhône-Alpes « qui a débloqué une subvention exceptionnelle de 74 euros », selon un hypothétique vice-président à la réinstallation des cabines téléphoniques, qui a demandé à son auditoire d’excuser « Laurent Wauquiez [qui] n’a pu se déplacer ».

« L’OIRCT est — pour l’instant — un collectif, qui compte une centaine d’adhérents et une dizaine de membres actifs », détaille Vincent Peyret. Ce dernier est le directeur de publication du Postillon, journal satirique local, qui a lancé en février 2021 un « cri de la cabine ». L’équipe rédactionnelle se retrouve d’ailleurs en partie au sein de l’OIRCT. « Mais le collectif va au-delà avec des personnes qui ne font pas partie de la rédaction », ajoute le journaliste.
Le téléphone n’a pas non plus tout à fait un aspect officiel : il est posé sur une tablette de bois contre les toilettes sèches du parc et protégé par une boite en plexiglas recouverte d’une plaque bleue sur laquelle on peut lire : « Ici la Région Auvergne-Rhône-Alpes investit pour les cabines ». Il est néanmoins bel et bien fonctionnel, comme l’ont attesté les premiers utilisateurs.

« Il marche en fait sur batterie et avec une carte SIM prépayée, une solution technique qui ne nous convient pas vraiment », concède Vincent Peyret. « Mais c’est un prétexte. […] Nous revendiquons le droit de vivre sans téléphone portable. » Car si l’événement tend à faire sourire, il veut aussi donner à réfléchir : « Les cabines téléphoniques sont à l’image du service public », complète Alice, autre membre du collectif. « La cabine est à l’opposé des téléphones portables et de l’individualisation de notre société. Et un coup de fil passé d’une cabine ne peut pas être tracé. Nous voulons avoir la liberté de ne pas être pistés, numérisés, flashcodé ou QRcodisés. » Une lutte « indispensable autant que dérisoire », revendique le manifeste de l’OIRCT.

Ce n’est pas le premier événement de ce collectif. Peu après sa fondation, un « concert de téléphone » avait été organisé le 30 avril 2021 à proximité de la dernière cabine existante de l’agglomération. Le 22 octobre, une cabine téléphonique mobile avait été déplacée sur plusieurs places de la ville. Depuis, un site internet a été créé avec la vocation de devenir « un site ressource » qui recense l’actualité des cabines téléphoniques : « En Australie, par exemple, il y a 15 000 cabines publiques et elles sont désormais gratuites. Preuve qu’elles ont encore un rôle à jouer. » dit Vincent Peyret. « On a aussi recensé 400 endroits dans l’agglomération où étaient situées d’anciennes cabines. On donne des pochoirs aux personnes qui veulent les matérialiser. »
Mais le public du jour était surtout incité à aller voter le lendemain : un projet d’installation de 22 cabines était en lice dans le budget participatif de la ville. Un appel visiblement bien reçu puisque le projet a été retenu parmi les 32 présélectionnés suite à la délibération. Avant cela, les futurs électeurs étaient invités à prendre un verre… un peu plus loin. Le parc ayant été fermé quelques minutes auparavant par la police municipale, les militants ont su une nouvelle fois faire face à l’adversité.
