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ReportageNotre-Dame-des-Landes

À Notre-Dame-des-Landes, calmes et déterminés, les occupants de la Zad se préparent à une éventuelle expulsion

Une expulsion des paysans et habitants de la Zad de Notre-Dame-des-Landes semble maintenant juridiquement possible. Ils se préparent activement à toute éventualité, et préparent le grand rasssemblement du 8 octobre.

-  Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique), reportage

« Oui, on est stressé, en ce moment.  » Aucun zadiste de Notre-Dame-des-Landes ne dissimule ces jours-ci son inquiétude. Depuis que le préfet a publié un arrêté de destruction des campagnols amphibies, le 14 septembre, les rumeurs d’expulsion de la Zad par la police se multiplient dans les journaux, sur internet et dans les conversations. Et on entend presque les mêmes mots d’un zadiste à l’autre : « Ça serait terrible, une expulsion, ça casserait la vie qu’on a faite ici, et ça casserait une magnifique expérience collective qui se poursuit depuis des années », dit par exemple Camille (prénom changé), aux Cent Noms. Mais l’inquiétude palpable chez tous — alors qu’un hélicoptère de la gendarmerie vient régulièrement faire entendre son vrombissement sur le bocage — ne paralyse pas, bien au contraire, la formidable énergie collective qui se déploie ici. « Les relations entre les gens sont particulières, dit Joan (prénom changé), à La Rolandière, ils se donnent de l’énergie les uns aux autres, c’est comme quand on souffle sur le feu, ça ranime les flammes. »

L’activité est intense d’un bout à l’autre des 1.650 hectares occupés par près de 60 cabanes ou maisons et par quatre exploitations paysannes : ici, on peaufine les pièces d’un grand hangar en bois prêt à être monté, là on installe boîtes de livres et de semences chez des habitants amis vivant au pourtour de la zone, plus loin, on inspecte les lieux possibles de repli ou de refuge, dans cette maison, on stocke du matériel médical. Partout, des réunions se tiennent, pour préparer tel ou tel aspect logistique (hébergement, restauration, communication, coordination…) à mettre en place si gendarmes et CRS tentaient d’envahir la zone. Et mardi 20 septembre, tout le monde est sorti ragaillardi de l’assemblée générale, tenue le soir à La Vache Rit, le centre géographique et moral de la ZAD. Elle rassemblait les zadistes, mais aussi les paysans de Copain 44 et les opposants de l’Acipa, l’association historique de résistance : « C’était très beau, l’unité de toutes les composantes du mouvement », dit un zadiste. « On a reconfirmé l’accord pour le respect mutuel de toutes les pratiques de lutte », dit une autre.

Peinture sur le portail de La Vache Rit, le lieu central de la Zad

Tout ceci n’empêche pas les activités normales de se poursuivre sous un soleil qui baigne ces jours de fin septembre d’une tonalité paradisiaque : achever ici un chantier de rénovation en terre et paille, donner là à manger aux moutons, réparer les vélos, préparer le pain, consulter internet, accueillir les uns pendant que d’autres partent à Nantes, à Paris ou ailleurs participer à des soirées de popularisation de la lutte.

Un chantier terre et paille pour rénover une maison de la Zad

Pour les paysans installés sur ces terres, pas question non plus de flancher sous la menace : « On est jusqu’au-boutistes, dit Sylvain Fresneau, dont l’exploitation de 85 vaches est aussi sous le coup d’une expulsion. On ira jusqu’au bout, parce qu’on a raison et parce qu’il y a du monde derrière pour nous soutenir. » « Nous, on défend nos tripes, dit son épouse, Brigitte. Eux, les promoteurs de l’aéroport, que défendent-ils ? Les intérêts d’une société privée. » Et Sylvain de rebondir : « Il y a autre chose à faire aujourd’hui qu’expulser des paysans alors qu’il y a la menace djihadiste. »

Des éleveurs laitiers qui, sur cette zone humide, pratiquent une agriculture environnementale et efficace ; ils n’ont pas souffert de la crise laitière : « On pratique un système herbager qui nous permet de limiter les intrants et de ne pas dépendre de l’extérieur. » La sécheresse aussi a été surmontée : les agriculteurs de la Zad prévoient d’envoyer du foin en solidarité à des collègues de la Manche. Une preuve que détruire les terres de Notre-Dame-des-Landes serait un vrai gâchis.

Sylvain et Brigitte : « Nous, on défend nos tripes, eux, les intérêts privés »

Une des parts de l’inquiétude tient à toutes les rumeurs qui circulent. Mais tous les textos reçus, les courriels alarmés, les coups de téléphone préoccupés confirment aussi une chose : les habitants de la Zad ne sont pas seuls, partout en France des dizaines de milliers de personnes s’inquiètent de ce qui pourrait arriver ici et sont prêtes à agir.

Parmi les rumeurs les plus vives : les écoles publiques des communes du secteur auraient reçu l’ordre de fermer dans les jours prochains. Vérification faite, il n’en est rien. Autre bruit alarmiste : tous les hôtels de Nantes seraient pleins en début de semaine prochaine. Pour loger les gendarmes ? Mais deux grands événements ont lieu dans le chef-lieu de Loire-Atlantique lundi et mardi : un sommet sur le climat, « Climate chance », et le congrès des HLM, auquel doit venir participer Manuel Valls mardi 27 septembre. De quoi remplir les hôtels. Imagine-t-on que le gouvernement lancerait une opération militaire anti-écologie le jour même de la tenue d’une conférence sur le climat à laquelle doivent participer des dignitaires internationaux ?

Plus tard, alors ? Nul ne le sait. Mais un grand rassemblement est prévu sur la Zad le 8 octobre, et la mobilisation a commencé partout en France pour se préparer. Lancer une opération de police avant serait périlleux pour les forces de l’ordre. Plus tard encore ?

Tout est possible. Et tout le monde se prépare, sur la Zad, à Nantes, et partout en France où les dizaines de collectifs Notre-Dame-des-Landes se sont réactivés. Tout est possible : et même que l’expulsion n’ait pas lieu. Pour Jean-Paul Naud, le maire de Notre-Dame-des-Landes, opposé au projet d’aéroport, « on arrive en période préélectorale, et avec les primaires socialistes, ce n’est vraiment pas le moment de lancer une telle opération. Imaginez qu’il y ait un attentat en pleine intervention, celle-ci ferait vraiment mauvais effet… »

La réponse, en fait, se trouve dans le cerveau de François Hollande, et découlera de ses calculs politiques : que risque-t-il, que gagne-t-il ? Mais sur la Zad et ailleurs, on se prépare. Pour que le risque d’une intervention soit très lourd pour le gouvernement.

Expulsion ? Quand ? La réponse se trouve dans le cerveau de François Hollande.

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