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EnquêteGrands projets inutiles

A Toulouse, l’opposition au centre commercial Val Tolosa ne désarme pas

Près de Toulouse, le projet de centre commercial Val Tolosa est à l’arrêt depuis des décisions de justice défavorables. Pourtant, la route menant au site en projet est en pleine construction. Les opposants imaginent de nouveaux moyens de protestation.

-  Toulouse, correspondance

Val Tolosa est un projet de « centre commercial multiactivités » sur la commune de Plaisance-du-Touch (Haute-Garonne), sur le dernier plateau non urbanisé de l’Ouest toulousain. Un projet qui « réconcilie nature, loisirs et commerces » dans un « centre de loisirs et de shopping », selon les mots de la communication officielle. Le tout pour 350 millions d’euros d’investissements dans l’agglomération toulousaine, qui compte déjà des hypermarchés à ses quatre points cardinaux. À l’ouvrage, une entreprise déjà propriétaire de 72 centres commerciaux : Unibail-Rodamco, premier groupe d’immobilier commercial en Europe.

Si le gigantisme d’Unibail s’élève souvent dans les airs avec le projet de la tour Triangle à Paris près de la porte de Versailles, c’est par sa superficie que Val Tolosa se démarque : 114.000 m², dont 90.000 m² de surface bâtie. Cette démesure suscite depuis des années la contestation d’un collectif hétéroclite d’opposants, Gardarem La Menude, qui réunit riverains, petits commerçants, écologistes et désormais militants contre les grands projets inutiles. En juin 2016, trois ans après avoir déposé un recours, les opposants ont obtenu que la cour d’appel de Bordeaux annule le permis de construire du projet.

Motifs : non-conformité du projet au plan d’urbanisme en vigueur et absence d’étude d’impact environnemental au moment du dépôt de la demande, en 2009. Mais, dès cette décision du tribunal prononcée, un nouveau permis de construire était déposé et accepté par une municipalité accueillante. « On continue à accompagner le projet, qui est porteur d’emplois pour la commune et de ressources pour la collectivité », dit Marc Fischer, directeur de cabinet du maire de Plaisance-du-Touch. L’emploi, encore et toujours argument inébranlable pour la défense par les pouvoirs publics de projets privés. Et ce, alors que les expériences similaires montrent que ce sont surtout des emplois précaires et de court terme qui sont créés, accompagnés le plus souvent de destructions équivalentes dans les commerces de taille inférieure.

« Ils utilisent nos arguments contre Val Tolosa pour s’opposer à leurs concurrents d’Europacity » 

De surcroît, les résultats de la grande distribution en 2016 montrent que les hypermarchés vivent la fin d’une époque, avec une réduction des surfaces non alimentaires et la concurrence montante de l’e-commerce.

Quant au vernis « environnemental » de Val Tolosa, il reste un élément de façade : si 44 hectares d’espaces naturels seront aménagés et 2.000 arbres plantés, on détruira en même temps une forêt de deux hectares et construira 4.200 places de parking.

« Le plus étonnant, c’est qu’Unibail lui-même confirme nos arguments, en les reprenant en région parisienne contre le projet EuropaCity, qui menace leurs propres intérêts, s’amuse Pascal Barbier, coprésident du collectif des opposants. Ils utilisent nos arguments contre Val Tolosa pour s’opposer à leurs concurrents. » Car, inauguré en 2013, le centre commercial d’Aéroville, sur la commune de Roissy, serait en effet directement menacé par l’implantation EuropaCity, porté par Auchan.

La devanture d’un des commerçants opposés au projet de centre commercial.

Bref, tous les signaux semblent au rouge pour ce projet. Le promoteur garantit que « le projet n’est ni suspendu ni annulé », mais se refuse à tout autre commentaire. Même silence de la part de la préfecture, du fait de la réserve électorale. C’est pourtant sur les épaules du préfet de Haute-Garonne que repose aujourd’hui l’avenir du projet. Depuis l’annulation en avril dernier de l’arrêté de dérogation sur la destruction d’espèces protégées, le chantier du centre commercial est au point mort et en attente d’un nouvel arrêté, plus conforme à la loi.

Une « marche nuptiale » pour célébrer le « mariage du maire et le promoteur »

Les pelleteuses sont pourtant à l’œuvre depuis six mois pour réaliser un élément annexe du projet : l’aménagement d’une route d’accès par le conseil départemental. Car, que serait un centre commercial sans les défilés de voitures pour s’y rendre ? L’ancien locataire du département, Pierre Izard, notable socialiste, avait maintenu une neutralité constante jusqu’en 2015, où il cédé sa place à Georges Méric. Cet autre socialiste, qui s’était déclaré opposé au projet pendant sa campagne, a changé sa perspective une fois élu et a autorisé en juin 2016 la construction de cet embranchement routier en liaison directe avec la voie rapide Auch-Toulouse. Bonne pâte, la municipalité de Plaisance-du-Touch a accepté de prendre à sa charge des travaux dont s’est défait le département. « On nous fait miroiter la manne future que rapporterait à la commune Val Tolosa, mais pour l’heure, on n’a aucune marge de manœuvre pour les autres projets », s’indigne Pascal Barbier, élu au conseil municipal. Après une confrontation musclée à l’automne avec des vigiles privés, le collectif Gardarem La Menude a voulu à tout prix éviter un durcissement, avec la hantise d’un nouveau Sivens. « On cherche d’autres biais de mobilisation, qui donnent plus envie, qui passent par le sourire », raconte Pascal Barbier.

Et les manifestations d’humour se multiplient. En décembre dernier, une « marche nuptiale » pour célébrer le « mariage du maire et le promoteur » entre Plaisance-du-Touch et Toulouse [1] avait réuni plusieurs centaines de manifestants. Début mars, c’était une pièce de théâtre qui critiquait le projet. Et le 1er avril, les opposants ont lancé un poisson d’avril qui a bien marché, annonçant par un « communiqué officiel » et une « fuite » du quotidien local l’abandon du projet, que confirmait la vidéo d’un homme en costume cravate plus vrai que nature. Plusieurs s’y sont laissés prendre, dont… Reporterre, qui aime bien les bonnes nouvelles.


Val Tolosa : abandon du projet ! par gardaremlamenude

« On est en tout cas passé d’une opposition locale seule à une contestation présente dans toute la métropole toulousaine », insiste Pascal Barbier. Fait nouveau : le collectif tente aussi de se relier à d’autres luttes similaires avec le collectif Des terres, pas d’hyper, qui regroupe une quinzaine de collectifs luttant contre de grands projets similaires : Portes du Tarn, au nord-est de Toulouse, EuropaCity en Ile-de-France ou Oxylane, à Montpellier. Une même mécanique absurde, à Toulouse comme ailleurs, dont le fin mot sera rendu dans les prochains mois par la préfecture de Haute-Garonne pour la reprise des travaux et par le tribunal de Bordeaux qui se prononcera bientôt sur la légalité du nouveau permis de construire. À moins que le promoteur ne décide de passer en force et de débuter sans attendre, comme le craignent les opposants, la construction de son centre commercial. Car, depuis la loi Macron et son projet de loi de juin 2015, il est désormais impossible de détruire une construction illégale, sauf si celle-ci se trouve sur une zone protégée. Non, ce n’est pas une blague.

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