Alpes : contre une retenue d’eau, des zadistes iront « jusqu’au bout »

Campement des activistes opposés à la retenue d'eau de La Clusaz, le 27 septembre 2022. - © Léo Pierre/Reporterre
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Luttes Eau et rivièresDans les Alpes, à La Clusaz, des activistes occupent une nouvelle zad depuis le 24 septembre. Ils s’opposent à la destruction d’un bois qui devrait être remplacé par une retenue d’eau, destinée à la neige artificielle.
La Clusaz (Haute-Savoie), reportage
Depuis le 24 septembre, plusieurs collectifs d’activistes occupent le bois de la Colombière situé sur le plateau de Beauregard, au-dessus de la station de La Clusaz (Haute-Savoie). Ils s’opposent à la destruction imminente du bois et de la tourbière. Cette destruction vise créer une retenue collinaire, qui fournira l’eau servant à la neige artificielle pour le ski. Ils dénoncent la non prise en compte des avis négatifs recueillis lors de l’enquête publique. Reportage en images.

Il est 8 heures du matin, ce mardi 27 septembre, sur le plateau de Beauregard, à La Clusaz. Les volutes de brouillard laissent entrevoir la neige qui recouvre les sommets environnants. La nuit a été froide, mais cela n’a pas arrêté les activistes qui occupent le bois de la Colombière depuis quatre jours. Leur but : empêcher l’arrachage des arbres, prélude au lancement de la construction d’une nouvelle retenue collinaire. Il s’agit de la cinquième retenue d’eau de la station. Officiellement, elle servira à assurer l’alimentation en eau potable de la commune, à fabriquer de la neige de culture en hiver et à pérenniser les activités agropastorales. Les collectifs d’opposants dénoncent la destruction du patrimoine naturel, ainsi que l’accaparement de la ressource hydrique.

Sur le bord du sentier carrossable qui mène en haut du plateau, une grande banderole barre un chemin forestier. « Retenue collinaire, tout schuss dans le mur. » Ce slogan indique l’entrée de la nouvelle zone à défendre (zad) installée en réaction à l’avis d’utilité publique accordé par le préfet de Haute-Savoie le 19 septembre dernier. Pour la deuxième fois et sous l’impulsion d’Extinction Rebellion, cette forêt est le théâtre d’une occupation illégale menée par différents collectifs réunis sous la bannière Sauvons Beauregard.

Derrière la banderole, un chemin forestier s’enfonce dans le bois de la Colombière où les militants ont établi leur campement composé de tentes, de plateformes de bois accrochées aux arbres et de bâches tendues pour se protéger de la pluie.

« On compte rester jusqu’au bout »
Depuis le début de l’occupation, quelques dizaines de personnes se relaient pour y passer la nuit. Ils ont installé une cuisine sommaire afin de pouvoir tenir jusqu’au 30 novembre. Car après cette date, les bulldozers ne pourront plus défricher ce bois où nichent notamment des chauves-souris. Un arrêté de préservation de cinquante-huit espèces protégées empêche tous travaux après cette date. « On compte rester jusqu’au bout », dit une militante.

Autour du feu, les affaires sèchent et les corps se réchauffent. Parmi les activistes, beaucoup comptent rester le temps qu’il faudra, mais d’autres préfèrent s’économiser et viennent donner des coups de main à la journée.

Derrière le camp, la forêt continue jusqu’à l’emplacement prévu de la retenue collinaire : un vaste réservoir de 148 000 m3, soit le volume d’une quarantaine de piscines olympiques. « L’eau sera pompée trois kilomètres plus bas dans une source potable pour être stockée dans un bassin à ciel ouvert. Une fois stagnante, elle ne sera plus propre à la consommation et elle pourra être soumise à près de 50 % d’évaporation, souligne une militante. Sans compter le dérangement des cinquante-huit espèces protégées qui vivent sur le site. »

De retour au camp, les militants s’affairent à développer la zad. À l’ordre du jour, la construction d’une « maison collective » avec un toit en dur grâce au matériel amené par les soutiens à l’occupation. « Au-delà du désastre écologique et de l’impact environnemental de ce projet, nous sommes surtout face à un problème d’ordre démocratique. L’enquête publique auprès de la population a révélé plus de 76 % d’avis défavorables à ce projet. Ça nous donne la légitimité d’occuper cet endroit », explique une militante.

Avant de quitter le campement, il faut enjamber une barricade mise en place pour bloquer les engins de chantier. Ingrid, militante d’Extinction Rebellion insiste : « Notre but est vraiment de remettre les citoyens au cœur des décisions du territoire. Pour l’instant il n’y a pas de discussions avec les collectifs pour trouver des alternatives. » « L’action d’occupation illégale est le dernier recours que l’on a, ajoute un autre militant. Avec ces températures, vous pensez bien que l’on aurait aimé faire autrement. »