Après la tempête en Normandie, des centaines de milliers d’huîtres échouées

Les poches à huitres échouées suite à la tempête sont collectées par les employés et mêmes les filles de l'ostréïculteur. - © Guy Pichard / Reporterre
Les poches à huitres échouées suite à la tempête sont collectées par les employés et mêmes les filles de l'ostréïculteur. - © Guy Pichard / Reporterre
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En Normandie, la tempête Ciaran a aussi fait des dégâts dans les parcs ostréicoles. Les éleveurs d’huîtres sont à pied d’œuvre pour récupérer les cages échouées et sauver leurs mollusques.
Gouville-sur-Mer (Manche), reportage
Après la tempête Ciaran, le littoral normand panse ses plaies, à terre mais aussi en mer où les dégâts sont plus insidieux. « En deux journées, ce sont entre 300 et 400 poches d’huîtres [des sacs grillagés où sont élevées les huîtres] de mon exploitation que nous avons ramassées », dit Patrice Rodes, depuis son tracteur. L’ostréiculteur de 54 ans, sur le terrain malgré son pied cassé, a dû faire appel à tous ses employés, saisonniers comme permanents, pour tenter de sauver ce qui peut encore l’être.
Acquise en 1996, son exploitation ostréicole s’étend sur près de huit hectares, principalement sur la commune de Gouville-sur-Mer. « Seules les poches ramassées dans les premiers jours vont être remises en parc afin qu’elles se dégagent du sable accumulé et que les huîtres se refassent une santé. Elles seront à nouveau consommables dans un mois environ, contrairement aux autres », explique-t-il.

Avec environ 6 000 poches à huîtres par hectare sur la côte ouest de la Normandie, les rafales de vent mesurées à près de 170 km/h à Granville ont endommagé les exploitations conchylicoles de la zone.
Un bilan difficile à établir
« Difficile d’établir un bilan précis pour l’instant et même dans les prochaines semaines car il n’y aura pas de marée à coefficient au-dessus de 90 d’ici la fin de l’année… les parcs à huîtres ne seront donc pas suffisamment découverts d’ici là pour tout répertorier », dit Jean-Louis Blin, ingénieur territorial et responsable du pôle conchyliculture au syndicat Synergie mer et littoral.
Ce samedi 4 novembre vers 15 h, les employés de Patrice Rodes se racontent leurs galères de tempête. Réunis dans le hangar et en tenue, les équipes sont prêtes. Après le ramassage la veille des poches à huîtres sur la plage, cap cette fois-ci sur une zone plus reculée où bon nombre d’entre elles ont atterri. « Comme les poches sont équipées de flotteurs, elles ont été canalisées et dirigées vers le havre, plus dans les terres », détaille Patrice Rodes.

C’est à pied et même avec une petite embarcation qu’il faut récupérer les poches, une à une. Pesant environ huit kilos sans compter le sable qui les piège, certains ouvriers arrivent à en porter trois à la fois, d’autres qu’une seule. « À cette période, mon équipe était normalement en repos mais tout le monde a répondu présent pour aider », continue l’ostréiculteur, qui peine parfois à diriger son tracteur avec son plâtre. « Ils voient que je n’ai pas le moral. Mes deux filles ne sont pas dans le métier mais ont tenu à venir filer un coup de main. »
Une pollution à résorber
Bien qu’avertis, les pouvoirs publics ont tant à faire dans cette partie de la Normandie que les conchyliculteurs ne peuvent — presque — compter que sur eux-mêmes. À Gouville-sur-Mer, dès le lendemain de la tempête, des promeneurs ramassaient des poches ici et là. Bien qu’un arrêté préfectoral interdise de ramasser les huîtres, certains tentent le coup ou alors emportent les poches vides chez eux, ou les entassent, pour aider.

Malgré les efforts des professionnels, certaines zones vont voir ces poches subsister, chaque marée amenant son lot de déchets… « Nous nous sommes mis en rapport avec les services de l’État pour savoir comment aller dans les zones sensibles, notamment celles protégées », dit Thierry Hélie, lui-même ostréiculteur et président du comité régional de la conchyliculture. « Toutes ces matières plastiques vont devoir être ramassées et jusqu’à fin janvier, nous allons donc avoir momentanément des portions d’estran dégradées », déplore-t-il.
Généralement non assurées — cela coûterait bien trop cher —, les exploitations normandes vont guetter les réponses éventuelles de l’État une fois l’ampleur des pertes mesurée. Les prochaines semaines vont donc être longues pour la profession, d’autant que la période des fêtes arrive, et avec elle l’arrivée de beaucoup d’huîtres sur les tables françaises… « Il faut regarder devant et faire de cela qu’un mauvais souvenir pour vendre nos huîtres à Noël », dit Patrice Rodes, déterminé. En attendant de connaître l’étendue des dégâts, dans environ un mois.