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Animaux

Blessés, désorientés... Les oiseaux ont souffert des tempêtes

Un goeland à Biarritz (Pyrénées-Atlantiques) lors de la tempête Ciarán, le 3 novembre 2023.

Les tempêtes Ciarán et Domingos ont été éprouvantes pour les oiseaux : nombre d’entre eux ont succombé à leurs blessures ou ont été emportés loin et sont désorientés.

Pattes brisées, ailes cassées, esprits désorientés… Les oiseaux ont payé un lourd tribut aux tempêtes Ciarán et Domingos, qui ont balayé les côtes françaises entre le 2 et 6 novembre. Quelques jours après leur passage, les centres de soin des zones touchées sont en mesure de faire de premiers bilans de leurs conséquences. Ils sont pour le moins sombres.

Romain Morinière, directeur de la station de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) de l’Île-Grande (Côtes-d’Armor), raconte à Reporterre avoir reçu, dans la foulée de la tempête Ciarán, « plus d’une centaine » d’appels de particuliers signalant des oiseaux en détresse. « C’est le double de ce que l’on reçoit habituellement à cette période de l’année », dit-il. « Tous les centres de soin en Bretagne sont sous l’eau depuis jeudi dernier [2 novembre] », confirme Solène Dulac, médiatrice faune en détresse à la LPO Bretagne.

Des oiseaux de 20 grammes à peine

Au centre de soin ornithologique de l’Île-Grande, une trentaine d’oiseaux ont été accueillis, « principalement des océanites tempêtes ». Reconnaissable à son plumage brun, cet habitué du grand large ne pèse qu’une vingtaine de grammes. Son petit gabarit le rend « très vulnérable aux bourrasques », explique Romain Morinière.

Lorsque les vents s’emballent — comme ce fut le cas ces derniers jours, avec des rafales à 207 km/h enregistrées dans le Finistère —, ces oiseaux marins peuvent être « embarqués » vers les terres, où ils sont incapables de s’alimenter. « Ils sont très fatigués par ce qu’ils viennent de vivre, et finissent par tomber. » La tempête Ciarán a été fatale à un grand nombre d’entre eux : « Quasiment tous ceux que nous avons recueillis sont morts. »

Pourtant plus lourds, les fous de Bassan bretons ont également souffert. La violence des vents a empêché certains de s’alimenter correctement en mer. En temps normal, les fous de Bassan plongent à pic dans l’eau salée pour capturer des poissons. Une tâche difficile lorsque les vents rugissent à plus de 100 km/h autour de soi. Cinq individus « très amaigris » ont été recueillis par la station LPO de l’Île-Grande.

Sea Shepherd France a également pris son aile treize fous de Bassan « épuisés » par la tempête dans son centre de soin de Kernascléden (Morbihan). « Quand ils affrontent des tempêtes successives, ils ont une dépense énergétique beaucoup plus élevée que leurs apports. Ils s’épuisent et finissent anémiés, en hypothermie sur la plage », explique Enrique Petit, soigneur-animalier du centre.

Des espèces emportées à plus de 700 km

Selon Romain Morinière, il ne pourrait s’agir que de la partie émergée de l’iceberg : « Une partie des oiseaux tués ou affaiblis par les tempêtes sont emportés vers le large, coulent, ou sont consommés par la faune nécrophage, dit-il. Pour un oiseau retrouvé mort à terre, « on estime qu’il y a dix cadavres en mer ». En 2014, à la suite d’une succession de tempêtes, plus de 21 000 oiseaux marins avaient péri sur les plages du littoral atlantique.

Lorsque les oiseaux ne sont pas tués ou blessés, ils dérivent parfois très loin de leur lieu de vie vers des endroits, où ils n’ont aucun repère. Des océanites tempêtes ont été retrouvés jusqu’en Champagne-Ardenne, indique Solène Dulac. Ont également été aperçus sur nos côtes des mouettes de Sabine — qui migrent habituellement en pleine mer dans le Golfe de Gascogne —, quatre espèces de labbes — que l’on trouve souvent bien plus au large également —, et même un albatros à sourcils noirs, observé par l’ornithologue Philippe Dubois près de Quiberon (Morbihan) au matin du 4 novembre. « Retourner à leur milieu d’origine leur demande énormément d’énergie, ça les affaiblit fortement », dit Solène Dulac.

Les oiseaux terrestres ont eux aussi été éprouvés. Dans les Côtes-d’Armor, des pies et des troglodytes mignons ont été retrouvés morts, ou avec des pattes ou des ailes fracturées suite à des chutes de branches. « On a aussi pris en charge quelques pigeons ramiers juvéniles dont les nids ont été détruits, ou dont l’arbre est tombé », relate Romain Morinière.

Pour ces espèces, les conséquences de la tempête pourraient perdurer dans le temps : « Énormément d’arbres ont été arrachés sur la côte. Il risque d’y avoir une petite perte d’habitat, notamment de feuillus comme le chêne, qui offre le gîte et le couvert à pas mal d’espèces. »

Le risque est d’autant plus grand que beaucoup de particuliers pourraient avoir envie, suite aux tempêtes, de faire des coupes préventives dans leur jardin. « Il ne faut le faire que si l’arbre présente un réel risque pour les habitations, après l’avoir fait diagnostiquer par un professionnel », recommande Romain Morinière. Sans cela, les oiseaux pourraient se retrouver durablement dans la tourmente.

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