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Monde

Au Mexique, des raies mutilées pour le confort des touristes

Début avril, la municipalité de Huatabampo a commencé une opération d’extraction des dards des raies afin de protéger les baigneurs.

Une mairie de la côte ouest du Mexique a entrepris de retirer le dard des raies pour épargner aux touristes le risque de piqûre. Le parquet chargé des délits environnementaux a été saisi.

Mexico (Mexique), correspondance

Près de 2 000 raies mutilées. Dans le golfe de Californie, une véritable campagne écocidaire a été menée pour protéger les touristes. Début avril, la municipalité de Huatabampo, dans l’État du Sonora (nord du Mexique), a commencé une opération d’extraction des dards des raies, avant de les relâcher en mer. L’initiative a été justifiée pour prévenir les accidents à l’approche des vacances de la Semaine sainte.

Dans une vidéo partagée par les autorités de Huatabampo, un agent municipal explique le processus étape par étape. Tout en relâchant une raie dépourvue de dard, il rassure les touristes : « Vous pouvez vous baigner et vous amuser dans l’eau sans craindre le moindre incident. »

Alejandro Olivera, représentant de l’ONG Centre pour la biodiversité au Mexique, dénonce des « méthodes cruelles ». Si la municipalité affirme que les individus ne souffrent pas et que les dards se régénèrent, les biologistes mettent en avant la méconnaissance d’une espèce complexe. « Pour ces raies rondes, le dard représente l’unique système de défense, explique Alejandro Olivera, Elles en ont particulièrement besoin pendant leur période de reproduction, qui tombe pendant la Semaine sainte. » Les spécialistes déplorent également l’absence de transparence sur les méthodes utilisées.

Dans une vidéo partagée par les autorités de Huatabampo, un agent municipal explique le processus étape par étape. Twitter/Luis Gabriel Velázquez

Hécatombe

Quelques jours après le scandale des mutilations, des centaines de raies mortes, séchées par le soleil, ont été découvertes sur les plages de Huatabampo. Un lien « probable, mais encore invérifiable », pour le biologiste du Centre pour la biodiversité.

Saisi pour ouvrir une enquête, le parquet chargé des délits environnementaux (Profepa) a déjà fait savoir que certains spécimens échoués avaient été retrouvés sans dard. Tout l’enjeu des investigations est maintenant de prouver ou non la relation entre la campagne de mutilation et cette hécatombe. « Il faudra aussi étudier les méthodes de capture et voir si la mairie dispose des permis spécifiques pour pêcher dans cette zone très réglementée », précise Alejandro Olivera. La Profepa pourrait notamment infliger des sanctions financières aux responsables.

À la suite de la polémique, le maire de Huatabampo, José Flores, s’est désolidarisé de son département d’écologie qui a, selon lui, agi sans consulter sa hiérarchie. Dans la foulée, la principale responsable, Elizabeth Guerrero, alors directrice municipale chargée des questions environnementales, a été mise à pied.

L’équilibre bouleversé

Ce n’est pas la première fois que Huatabampo engage de telles campagnes de mutilation. Comme le Centre de secours, de réhabilitation et d’investigation de la faune sauvage, différentes organisations sur place dénoncent « une coutume mise en place par les anciennes administrations ». En 2019, une affaire similaire avait fait intervenir la Profepa, mais sans conséquences pour la mairie.

Le dard est l’unique système de défense des raies. Twitter/Luis Gabriel Velázquez

Selon les spécialistes, toute mutilation modifie les comportements d’une espèce. S’il n’est pas encore possible de connaître les conséquences directes sur les raies rondes, Alejandro Olivera met en garde quant à un bouleversement de l’équilibre global : « Les raies remuent le fond marin à la recherche de vers ou de crustacés et c’est fondamental pour de nombreuses petites espèces qui se nourrissent des organismes dispersés par cette activité. »

« L’aquarium du monde » sous tension

Le golfe de Californie a été surnommé « l’aquarium du monde » par le commandant Cousteau. Mais il est de plus en plus mal en point : les dauphins, tortues marines, et plus de 900 espèces de poissons qui peuplent ces eaux sont menacés par le tourisme de masse et la surpêche.

Victime collatérale du braconnage d’espèces du golfe, le marsouin du Pacifique est voué à disparaître. Il n’existerait plus que dix spécimens de ce cétacé, le plus petit au monde. Des sanctions économiques ont récemment été prises contre le Mexique dans le cadre de la Convention sur le commerce international des espèces sauvages menacées d’extinction.

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