Reportage — Habitat et urbanisme
Au Pays basque, les habitants luttent contre l’invasion des résidences secondaires et Airbnb

À Bayonne, le 1ᵉʳ avril 2023. - © Chloé Rebillard / Reporterre
À Bayonne, le 1ᵉʳ avril 2023. - © Chloé Rebillard / Reporterre
Durée de lecture : 4 minutes
Habitat et urbanisme LuttesLe 1ᵉʳ avril, des manifestations organisées dans plusieurs villes européennes ont alerté sur la crise du logement. À Bayonne, 3500 personnes ont protesté contre la spéculation immobilière qui empêche l’accès à l’habitat.
Bayonne (Pyrénées-Atlantiques), reportage
Dans le cortège qui s’élance sous la pluie battante, Mélodie Marcilloux brandit une pancarte sur laquelle on lit : « Sauvez des vies, logez les infirmières ». Elle-même exerce comme infirmière de la médecine du travail à Saint-Jean-de-Luz. Elle a récemment acheté un logement à 60 kilomètres de son lieu de travail.
« Avec mon revenu, je ne peux pas vivre là où je travaille », dit-elle. Elle devra donc effectuer 120 kilomètres tous les jours. « Avec le prix de l’essence, je suis perdante dans tous les cas », ajoute-t-elle. La crise n’épargne pas les soignants. Des agents de l’hôpital de Bayonne dorment dans leurs voitures sur le parking de l’établissement faute de pouvoir accéder à un logement.

Les chiffres de l’immobilier s’affolent depuis plusieurs années : les prix sur ce territoire très attractif ont fortement grimpé (+ 35 % en quatre ans selon la Fédération nationale de l’immobilier). À Saint-Jean-de-Luz ou Biarritz, ils atteignent des sommets, frôlant parfois les 8 000 ou 10 000 euros le m².
Au cœur de cette flambée, la question des résidences secondaires et des meublés de tourisme loués sur les plateformes de type Airbnb est sur toutes les lèvres. « Au Pays basque, il y a deux fois plus de résidences secondaires que de logements sociaux » lance Txomin Heguy, porte-parole de la plateforme Herrian Bizi (Se loger au pays), organisatrice de la manifestation. Des propositions ont été faites par les organisateurs pour produire du logement social sans s’inscrire dans une climaticide course à l’artificialisation de sols.
Compensation pour le tourisme
Une première manifestation à l’automne 2021 avait déjà mis ces questions sur la table. Depuis, quelques avancées ont été obtenues : la création d’un comité de pilotage territorial pour le logement au Pays basque par la préfecture des Pyrénées-Atlantiques et le vote par les élus de la Communauté d’agglomération Pays basque (CAPB) d’une mesure de compensation sur les meublés de tourisme. Cette mesure oblige les propriétaires qui louent via ces plateformes à mettre un autre logement de même surface et sur la même commune en location à l’année pour compenser.

Pour Gaby Arestegui, porte-parole de Herrian Bizi et membre du parti indépendantiste de gauche EH Bai, cette deuxième manifestation vise à obtenir d’autres mesures : « Il faut aller plus loin notamment en essayant d’anticiper les effets de cette compensation. » Les organisations réclament le renforcement de l’encadrement des loyers et la production de logement social pour les habitants.
Ils ont également lancé un appel aux potentiels acheteurs de résidences secondaires sur le Pays basque par la voix de Txomin Heguy : « À partir du 1ᵉʳ janvier 2024, nous ne pourrons plus accepter qu’une seule habitation à vocation de résidence principale soit achetée et transformée en résidence secondaire ! » Un avertissement est adressé aux futurs acquéreurs sous la forme d’un manifeste.
« Ça donne la rage »
L’association Alda, autre organisation membre de Herrian Bizi, s’est récemment penchée sur le phénomène des congés pour vente — lorsqu’un propriétaire donne congé à son locataire pour revendre le bien. « Lorsque les locataires ont plus de 65 ans, il existe une clause qui interdit de leur donner congé, dit Txetx Etcheverry, membre d’Alda, sauf si le propriétaire a lui-même plus de 65 ans. On accompagne un couple, la femme a 87 ans, l’homme 91 ans, qui se fait déloger pour que le propriétaire revende à un Niçois. Celui-ci possède déjà une résidence secondaire en Bretagne et veut un pied-à-terre au Pays basque. Ça donne la rage ! »
Si le Pays basque fait figure de proue dans la lutte sur les problématiques de logement, celles-ci ne semblent épargner presque aucun territoire. Le désengagement de l’État dans le logement social depuis 2018, le renforcement des inégalités avec la crise du Covid-19 et l’inflation galopante de ces derniers mois fragilisent l’accès à un toit de pans entiers de la société.

Ce même 1ᵉʳ avril, 350 personnes se sont réunies à Paris pour dénoncer la fin de la trêve hivernale et la reprise des expulsions à l’appel du DAL (Droit au Logement).
À Lille, 300 personnes ont battu le pavé. Ils étaient 80 à Lorient pour demander le classement de la Bretagne en zone tendue.