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Monde

Gaz de schiste, pétrole… Sombre période pour l’écologie au Royaume-Uni

À la COP26 de Glasgow, en Écosse, en 2021, des activistes d'Ocean Rebellion (proches d'Extinction Rebellion) dénoncent la dépendance au pétrole.

Fracturation hydraulique réautorisée, permis d’extraction de pétrole validés, droit de l’environnement attaqué… La Première ministre conservatrice multiplie les attaques contre la nature.

Outre-Manche, depuis fin septembre, un vent de panique souffle sur les organisations environnementales. Des manifestations et des pétitions fleurissent de toutes parts. Voilà seulement un mois que la cheffe du gouvernement est entrée à Downing Street, succédant à Boris Johnson. Mais, déjà, la néolibérale applique et présente de nombreuses mesures à rebours de la lutte contre la crise climatique. Pis, ont accusé les associations Royal Society for the Protection of Birds, National Trust et Wildlife Trust, à leurs huit millions d’adhérents, la dirigeante « mène une attaque sans précédent contre la nature ».

Et pour cause, à travers le pays, les fonds marins, la faune et la flore sauvage, les terres agricoles ainsi que l’eau douce sont menacés par différentes actions engagées — ou sur le point de l’être — par la Première ministre, Liz Truss. Première décision, symbolique : la levée du moratoire sur la fracturation hydraulique le 22 septembre. « Le Royaume-Uni est devenu dépendant des prix mondiaux de l’énergie […], qui ont grimpé en flèche. La Russie utilise sa production de gaz comme moyen de pression sur d’autres pays et nous ne voulons pas nous retrouver dans cette position, s’est justifiée la Première ministre sur BBC Lancashire [1]. Donc, ce que je veux, c’est plus d’énergie locale. Et cela signifie utiliser les ressources de la mer du Nord, les énergies renouvelables, le nucléaire mais aussi la fracturation hydraulique. »

L’industrie du gaz de schiste devrait reprendre dans six mois, a ajouté la leader du parti conservateur. La technique avait pourtant été bannie en 2019 par son prédécesseur : elle est à l’origine de tremblements de terre et de pollution des nappes phréatiques. La volonté de Mme Truss risque néanmoins d’être douchée car la fracturation est « très difficile » au Royaume-Uni en raison d’une « géologie compliquée », a prévenu dans la presse britannique le géologue Chris Cornelius — il est aussi fondateur de l’entreprise Cuadrilla Resources, qui a construit les premiers puits de fracturation hydraulique modernes. D’autant que selon un rapport de la British British Geological Survey rendu public il y a deux semaines, « il n’est pas possible d’identifier toutes les failles qui pourraient héberger des tremblements de terre d’une magnitude allant jusqu’à 3 ».

La Première ministre Liz Truss quitte le 10, Downing Street à Londres, le 7 septembre 2022. © Carl Court / Getty Images Europe / Getty Images via AFP

De quoi effrayer les députés conservateurs et travaillistes, ainsi que les habitants, des régions concernées. La plupart se sont déjà positionnés contre. En février dernier, c’est même l’actuel ministre de l’Économie, Kwasi Kwarteng, qui exprimait des réserves sur le sujet : « Ceux qui appellent au retour [de la fracturation hydraulique comprennent mal la situation : aucune quantité de gaz de schiste provenant de centaines de puits à travers l’Angleterre ne suffirait à faire baisser le prix européen du gaz de sitôt. » Enfin, d’après les réguliers sondages de l’institut YouGov, seulement un peu plus d’un quart des Britanniques se disent aujourd’hui en faveur de la fracturation hydraulique.

Blocages et manifestations pour l’arrêt de nouveaux projets de forage

Outre le retour au gaz de schiste, les groupes écologistes critiquent aussi vivement la validation imminente d’une centaine de permis d’extraction en mer du Nord. À cela s’ajoute l’inquiétant projet de loi prévoyant la suppression ou la révision de 570 lois européennes couvrant notamment la qualité de l’eau, de l’air et les sites protégés. La création de zones d’investissement, où les protections environnementales seraient assouplies pour encourager le développement immobilier et économique, ainsi que le probable abandon d’un régime rémunérant les agriculteurs promouvant la nature préoccupent tout autant.

Pour Doug Parr, de l’ONG Greenpeace, « le gouvernement Truss a lancé une attaque contre les protections législatives environnementales, ignorant à la fois ses propres engagements [le parti s’est engagé à atteindre le zéro net d’ici 2050] et les très fortes attentes du public concernant la nature », a dénoncé le militant dans le Guardian le 26 septembre. De son côté, le mouvement Just Stop Oil, rallié par les nombreux mouvements de lutte contre l’inflation, est entré en « résistance » le 1er octobre. Tous les jours, des dizaines d’activistes réclament, via des blocages ou manifestations, l’arrêt de nouveaux projets de forage en mer du Nord depuis Westminster, quartier des institutions politiques de Londres.

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