Autoroute Toulouse-Castres : la justice saisie pour stopper le chantier

Les opposants à l'A69 demandent une suspension des travaux car ces derniers portent atteinte à l'environnement. - © La Voie est libre
Les opposants à l'A69 demandent une suspension des travaux car ces derniers portent atteinte à l'environnement. - © La Voie est libre
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Luttes Autoroutes Grands projets inutilesLe tribunal administratif de Toulouse s’est penché sur la procédure d’urgence lancée par des opposants à l’A69 pour stopper, temporairement, le chantier. Les travaux réalisés dans une zone Natura 2000 affectent en effet la faune.
Toulouse, reportage
Un jardin maraîcher créé sur le tracé de l’autoroute, une course de caisse à savons, des manifestations, des tags, un sabotage d’engin de chantier… La mobilisation contre l’A69 est protéiforme. Les militants ont également investi le champ judiciaire pour tenter de stopper l’avancée du chantier de l’autoroute Toulouse-Castres.
En juin dernier, dix associations, syndicats et collectifs (dont France Nature Environnement, Les Amis de la Terre, Attac, La Voie est libre, la Confédération paysanne…) avaient tenté de faire annuler les autorisations environnementales délivrées par les préfets. L’étude de ce recours pourrait intervenir après la fin des travaux, censés s’achever en 2025. Dans la foulée, les militants avaient donc déposé un référé-suspension des travaux — une procédure d’urgence visant à arrêter le chantier. Elle a été examinée le 26 juillet par le tribunal administratif de Toulouse devant une salle d’audience comble. Il rendra sa décision la semaine prochaine.
Une vingtaine de militants a tenu à assister à l’audience parmi lesquels Thomas Brail, fondateur du Groupement national de surveillance des arbres (l’une des associations requérantes) ainsi que des représentants du collectif La voie est Libre, et de la Confédération paysanne.
« On demande la suspension des travaux pour éviter des impacts graves et irréversibles sur l’environnement, tant que la justice ne s’est pas prononcée sur le recours », résume Alice Terrasse, avocate des dix organisations requérantes. Le temps presse : une partie du chantier se déroule actuellement sur une zone Natura 2000, « secteur le plus sensible du point de vue environnemental de tout l’axe routier », rappellent les associations requérantes. Une soixantaine d’espèces protégées seraient affectées, dont la loutre d’Europe et la moule perlière.

Autre problème de taille relevé par les requérants, les autorisations environnementales délivrées par les préfets du Tarn et de Haute-Garonne début mars et actant le lancement des travaux sont illégitimes. « Les autorisations préfectorales s’appuient sur l’avis favorable des commissaires enquêteurs. Mais cet avis est assorti d’une réserve qui n’a pas été levée, et pourrait donc être requalifié en défavorable », explique Alice Terrasse.
Les commissaires demandaient l’abaissement de 33 % du tarif du péage. « Le maitre d’ouvrage n’est pas tenu de prendre en compte cette réserve », rétorque Me Enckell, avocat du concessionnaire Atosca (groupe NGE). L’entreprise propose un tarif de 6,77 euros pour aller de Castres à Verfeil. Si l’on rajoute 1,70 euro de péage pour gagner Toulouse via l’A68, le cout du trajet entre Castres et Toulouse est de 8,47 euros.
L’autoroute la plus chère de France et la moins utilisée
Sur le fond du dossier, selon les requérants, la Raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM) pouvant justifier la destruction d’espèces protégées n’a pas été établie. « La déclaration d’utilité publique énoncée par l’État en 2018 ne suffit pas », précise Alice Terrasse. Le prétendu désenclavement que permettrait l’autoroute est un « raisonnemement déterministe et simpliste », continue-t-elle, et ne s’appuie sur aucune étude.
L’avocate questionne l’utilité du projet en reprenant le tarif du péage et les chiffres de trafic prévisionnel. Avec 6 500 véhicules par jour prévus au début, « cela ferait de l’A69 l’autoroute la plus chère de France et la moins utilisée ». Seul avantage reconnu à l’infrastructure, le gain de temps. « À lui seul, il ne peut pas constituer une raison impérative », conclut la partie civile.
L’avocate critique également une étude d’impact « bâclée » et des modes de transport alternatifs insuffisamment étudiés. L’occasion de rappeler que les organismes requérants plaident pour le réaménagement de la RN126 en 2X2 voies, au lieu de créer une autoroute parallèle à cet axe déjà existant.
« On essaye de refaire le match, mais il faut pour cela dénoncer un vice substantiel », tacle Carl Enckell, avocat du concessionnaire Atosca (groupe NGE). Selon la défense, le référé-suspension arrive trop tard. « Les travaux sur la zone Natura 2000 susceptibles de l’impacter sont achevés », oppose Thomas Charanger, avocat de l’entreprise Guintoli, filiale de NGE en charge des travaux. Et de préciser que ni la loutre ni la moule perlière n’auraient été recensés dans la zone concernée par les travaux.
En cas de suspension des travaux, le concessionnaire a estimé ses pertes financières à sept millions d’euros par mois. L’avocate des parties civiles ne veut donc rien lâcher : « Qu’est-ce que ça fait douze mois de suspension quand ça fait trente ans qu’on attend cette autoroute ? » demande-t-elle à la fin de sa plaidoirie.