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Culture et idées

BD écolos : la sélection de Reporterre

La bande dessinée en pince pour l’écologie. Enquêtes, récits, utopies, humour... À l’occasion du festival d’Angoulême, voici la sélection de Reporterre.

Croquer la catastrophe, esquisser des utopies, dessiner pour dénoncer. Le monde de la bulle a depuis longtemps saisi ses crayons verts. Le Prix Tournesol, décerné à un ouvrage écolo chaque année à Angoulême, a été créé en 1997. La fine fleur des dessinateurs et dessinatrices françaises s’est penchée sur le sujet. À l’occasion du festival d’Angoulême, qui s’ouvre jeudi 26 janvier, Reporterre vous propose une sélection de bédés écolos.

  • Le droit du sol

L’auteur a parcouru à pied la distance du Lot à la Meuse, des peintures rupestres du Pech Merle au tombeau nucléaire de Cigéo. 800 kilomètres pour explorer notre rapport au monde, au temps, et à la terre. « Notre dépendance à notre planète est absolue, et le sol, cette couche très fine que j’appelle la peau du monde, cette fusion entre le minéral et l’organique unique dans l’univers, est ce qui nous relie à elle », expliquait le dessinateur à Reporterre en 2021. Le droit du sol est un récit plein de poésie et d’empathie, pour comprendre – ou creuser – l’enjeu des déchets radioactifs.

Le droit du sol, journal d’un vertige, d’Étienne Davodeau, éditions Futuropolis, 2021, 216 p., 25 euros.
  • Printemps à Tchernobyl

Le 26 avril 1986, le plus grave accident nucléaire du XXe siècle se produit à Tchernobyl, en Ukraine. Vingt-deux ans plus tard, l’auteur Emmanuel Lepage s’est rendu sur les lieux de la catastrophe. Un de ses premiers reportages en dessin. « J’allais découvrir des terres interdites où rôde la mort », écrit-il au début de son récit. Avec délicatesse, il dessine les vies bouleversées des riverains de la zone interdite, les vestiges d’un monde balayé par la radioactivité, mais aussi… la vie. La nature luxuriante aux abords de la centrale dévastée, préservée de la voracité des humains. Une BD sublime, un voyage sensible dans le cœur d’un ancien réacteur. Au-delà de cet ouvrage, toute l’œuvre d’Emmanuel Lepage exprime une fibre écolo, une attention à la nature, aux autres. Sa dernière bande dessinée, Cache-cache bâton, raconte son enfance dans une communauté. Un livre sur l’engagement, le partage et la transmission.

Printemps à Tchernobyl, d’Emmanuel Lepage, aux éditions Futuropolis, 2012, 168 p., 25,50 euros.
  • La recomposition des mondes

Anthropologue et dessinateur, Alessandro Pignocchi a vécu à Notre-Dame-des-Landes et suivi l’opération militaire en 2018. Il nous raconte ce printemps de lutte au cœur du bocage, avec ce regard décalé qui lui est propre. Car il est aussi ancien chercheur en sciences cognitives et philosophie de l’art. Il a commencé le dessin avec son blog Puntish, dans lequel il imagine que les dirigeants de la planète ont adopté l’animisme des Indiens Jivaros. Dans ses livres, il explore notre rapport à la nature, réfléchit à d’autres modes de vivre et de penser le monde, avec humour et poésie.

La recomposition des mondes, d’Alessandro Pignocchi, aux éditions Seuil, 2019, 104 p., 15 euros.
  • Algues vertes, l’histoire interdite

Juillet 2009. Thierry Morfoisse, 48 ans, succombe à un arrêt cardiaque alors qu’il ramasse des algues vertes sur une plage de Binic, dans les Côtes-d’Armor. Quelques jours plus tard, c’est un vétérinaire de 27 ans et son cheval qui tombent, inanimés. La journaliste d’investigation Inès Léraud et le dessinateur Pierre Van Hove ont mené l’enquête sur ces accidents suspects. Ils lèvent dans cette bande dessinée le voile sur le scandale sanitaire des algues vertes, qui empoisonnent depuis près de quarante ans la vie des Bretons.

Les algues vertes, de Inès Léraud et Pierre Van Hove, aux éditions Delcourt, 2019, 160 p., 19,99 euros.
  • Les équinoxes

Quel sens doit-on donner à ce que l’on a vécu ? Comment s’échapper des rôles sociaux et attiser notre désir de désertion ? Dans une œuvre dense et magnifique, Cyril Pedrosa sème en nous des questions intimes. Il suit la trajectoire de plusieurs personnages, le temps de quatre saisons et creuse leur doute, leur tâtonnement. En toile de fond, une lutte contre un mystérieux aéroport fait rage… Un livre à lire et relire alors que tout un pan de la jeunesse décide de prendre en main son existence et de déserter !

Les équinoxes, de Cyril Pedrosa, aux éditions Dupuis, 2015, 336 p., 35 euros.

  • Cent mille ans — Bure ou le scandale enfoui des déchets radioactifs

Co-écrit par un journaliste de Reporterre, Cent mille ans est un récit vibrant de la lutte contre l’enfouissement des déchets radioactifs à Bure. Les auteurs racontent comment ce mégaprojet a pu s’imposer sur ce bout de territoire meusien et comment l’industrie du nucléaire a progressivement acheté les consciences.

Cent mille ans — Bure ou le scandale enfoui des déchets radioactifs, de Pierre Bonneau, Gaspard d’Allens et Cécile Guillard, aux éditions Seuil, 2020, 152 p., 18,90 euros.
  • Payer la terre

C’est une somme d’informations historiques autant qu’une leçon d’humanité. Entre 2015 et 2016, le célèbre documentariste américain s’est rendu à plusieurs reprises chez les Dene, un peuple autochtone qui vit au cœur de la forêt. Joe Sacco montre comment la découverte du pétrole et du gaz de schiste a bousculé l’existence de ces communautés. En échange « de quelques dollars, d’une poignée d’outils et de médailles pour ceux qui se disaient leur chef », le gouvernement canadien a accaparé le sous-sol et a signé l’arrêt de mort de la culture ancestrale. Avec ses dessins en noir et blanc, centrés sur les visages, et ses récits de vie, Joe Sacco livre un témoignage accablant sur la violence de l’extractivisme.

Payer la terre, de Joe Sacco, aux éditions Futuropolis, 2020, 272 p., 26 euros.
  • Les Terrestres

« Est-ce qu’on assiste à la fin du monde ? » La question taraude Raphaelle Macaron, jeune illustratrice libanaise installée à Paris. Aux côtés de Noël Mamère, l’ancien journaliste et homme politique défenseur de l’écologie, elle est partie en reportage à travers la France. De la zad de Notre-Dame-des-Landes en passant par la Ferme légère dans le Béarn ou la Bascule dans le Morbihan, le récit nous mène à la découverte de celles et de ceux qui se préparent déjà au monde d’après. Raphaelle oscille entre incrédulité, désespoir et colère. Pour Noël, ce n’est pas la fin du monde, mais « la fin d’un monde ». Deux générations, deux visions… face à l’effondrement.

Les Terrestres de Raphaelle Macaron et Noël Mamère, aux éditions du Faubourg, 2020, 144 p., 20 euros.
  • Texaco, et pourtant nous vaincrons

Ce roman graphique relate la lutte contre l’empire Texaco de l’avocat Pablo Fajardo. Avec 30 000 paysans d’Amazonie, spoliés et meurtris dans leur chair, cet homme a entamé une longue procédure judiciaire contre l’entreprise pétrolière américaine. De 1967 à 1993, celle-ci a déversé près de 60 millions de litres de pétrole brut et 70 millions de litres de résidus toxiques dans les rivières occasionnant l’un des pires désastres écologiques de notre histoire.

Texaco, et pourtant nous vaincrons, de Sophie Tardy-Joubert, Pablo Fajardo et Damien Roudeau, aux éditions Les Arènes, 2019, 136 p., 20 euros.
  • Sur les ailes du monde, Audubon

L’histoire d’un des pionniers de l’ornithologie, le grand scientifique John James Audubon. Aventurier et artiste, l’homme parcourait, rêveur, les rives du Mississippi au début du XIXe siècle pour immortaliser dans ses croquis les différentes espèces d’oiseaux qu’il tentait de répertorier. Avant-gardiste, il voulait prendre les oiseaux dans leur habitat naturel, en vol et en action, contrairement aux autres scientifiques de l’époque. Ses geais bleus en train de se repaître d’entrailles choquaient les vieilles barbes de l’académie des sciences !

Sur les ailes du monde, Audubon, de Fabien Grolleau et Jérémie Royer, aux éditions Dargaud, 2016, 192 p., 21 euros.
  • La communauté

Comment apprendre à vivre ensemble ? Comment sortir du consumérisme et prendre en main nos existences ? Dans l’élan libertaire de mai 68, des milliers de personnes sont parties vivre en communauté. Ce récit intime raconte l’histoire de l’une d’entre elles, à travers le regard de celles et de ceux qui l’ont vécu, avec leur joie, leur doute et leur idéaux. Un récit émouvant et authentique, qu’aimeront tous celles et ceux qui aspirent aujourd’hui à bâtir une vie plus collective.

La communauté, de Yann Benoît et Hervé Tanquerelle, aux éditions Futuropolis, 2010, 368 p., 30 euros.
  • Tropiques toxiques

Une BD très documentée et de grande qualité sur le scandale du chlordécone, l’insecticide qui a massivement pollué les Antilles. On suit son autrice Jessica Oublié dans ses investigations qui ont duré plus de deux ans. Avec pas moins de 136 entretiens...

Tropiques toxiques, de Jessica Oublié et Nicola Gobi, aux éditions Les Escales, 2022, 240 p., 23 euros.
  • La Dernière reine

Le lien charnel à la montagne, le goût de la liberté, l’amour du sauvage… Des dessins de Jean-Marc Rochette se dégagent une grande force, un talent inénarrable, et une colère sourde contre l’ordre existant. Un fil relie ses trois œuvres écologiques, son récit autobiographique Ailefroide, Le Loup et La Dernière reine. Ses récits interrogent le divorce entre l’homme et la nature, sa prédation et son désir, toujours insatiable, de contrôle et de conquête.

Avec La Dernière reine, Rochette mêle de façon limpide le drame de la guerre et la destruction du vivant en racontant l’histoire du dernier ours du Vercors. « L’environnement me touche car on arrive à un niveau de tragédie proche des ténèbres », dit-il. On peut néanmoins retrouver dans ses dessins des raisons d’espérer. Son hymne à la vie simple et à la montagne continue de nous habiter longtemps après avoir refermé ses livres.

La Dernière reine, de Jean-Marc Rochette, aux éditions Casterman, 2022, 240 p., 30 euros.
  • Le château des animaux

Roman majeur du XXe siècle, La ferme des animaux de George Orwell (1945) s’achève sur un constat amer : après s’être libérés du joug des Hommes, la révolution des animaux et ses idéaux de liberté et d’égalité s’échoue sur le règne d’un cochon dictateur. Le Château des animaux entend reprendre le récit des années plus tard, alors que désormais un taureau perpétue la terreur. Mais un jour, un petit rat venu d’ailleurs propose un spectacle où il est question d’un peuple qui se révolte pacifiquement... Il inspire alors à quelques animaux une nouvelle révolution, par l’humour, la détermination, la stratégie, la patience. Un véritable manuel de révolution non violente, inspiré par Gandhi, Mandela, Luther-King, etc. Les trois premiers tomes sont déjà parus, on attend la suite avec impatience.

Le château des animaux, de Félix Delep et Xavier Dorison, aux éditions Casterman, 2019, 72 p., 15,95 euros.
  • Le discours de la panthère

Au plus profond de l’océan, un bernard-l’hermite esseulé tente de trouver un foyer. Survolant l’Afrique avec ses congénères, un jeune étourneau cherche, lui, son indépendance. À travers cinq petits contes philosophiques, Jérémie Moreau ressuscite le genre de la fable. À la seule différence qu’il ne réduit pas les non-humains à de simples symboles, comme pouvait le faire La Fontaine. Il s’efforce de rendre compte de leur manière particulière de saisir le monde, de nous « décentrer du point de vue de l’homme », comme il l’expliquait à Télérama en 2020. Une balade enchantée d’une centaine de pages, qu’on achève gonflé de questionnements et de poésie.

Le discours de la panthère, de Jérémie Moreau, aux éditions 2024, 2020, 108 p., 26,90 euros.
  • Koko n’aime pas le capitalisme

Bernard Arnault, Marx, Freud ou Dark Vador... Cette BD aborde une foultitude de références, toujours avec un humour absurde et mordant. Koko — gorille à tendance anarchiste — nous promène dans une visite surréaliste de notre époque. À la base, ces strips étaient publiés sur les réseaux sociaux, ils s’étalent désormais avec réussite sur papier. Gorille responsable, Koko est bien évidemment sensible à la question écologique tout au long de ce guide imagé de la société gorafisée. En couleurs comme en noir et blanc, les dessins qui recouvrent sa bonne centaine de pages donnent des envies de faire la révolution, oui, mais en se marrant.

Koko n’aime pas le capitalisme, de Tienstiens, aux éditions Bandes détournées, 2022, 112 p., 23 euros.
  • Et nos lendemains seront radieux

Dans ce polar politique et radical, on frise le burlesque. Dans le fort de Bregançon, une nuit d’orage, deux jeunes conseillers ministériels prennent en otage la présidente de la République pour l’obliger à prendre des positions fortes sur l’écologie. Une BD à la fois drôle et haletante qui vient aussi interroger finement la stratégie de l’entrisme dans les institutions et nos moyens d’action pour faire advenir une réelle société écologique.

Et nos lendemains seront radieux, de Hervé Bourhis, aux éditions Gallimard, 2019, 80 p., 18 euros.

Et aussi…
-  Jungle beef raconte la déforestation causée par les narcotrafiquants sur la jungle amazonienne. La production et l’exportation en masse de viande de bœuf représentaient le meilleur moyen de blanchir l’argent de la drogue…
-  Villages toxiques rapporte l’histoire trépidante de celles et ceux qui se sont levés contre le nucléaire à la fin des années 1980 et qui refusaient de voir leur territoire transformer en « poubelle radioactive ».
-  Fraude qui peut ! Bloom face aux industriels de la pêche électrique, retrace le combat d’une petite association – Bloom – en lutte contre une technique diablement efficace : la pêche électrique. Une BD sélectionnée pour le prix Tournesol au festival d’Angoulême 2023.
-  L’eau vive nous fait (re)découvrir un combat — et une victoire — écologique méconnue, contre un mégabarrage qui aurait englouti la haute vallée de la Loire.
-  La zad, c’est plus grand que nous, de Thomas Azuélos et Simon Rochepeau

Alors que les alertes sur le front de l’environnement continuent en ce mois d’octobre, nous avons un petit service à vous demander. Nous espérons que les derniers mois de 2023 comporteront de nombreuses avancées pour l’écologie. Quoi qu’il arrive, les journalistes de Reporterre seront là pour vous apporter des informations claires et indépendantes.

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