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Luttes

Énergies fossiles : des ONG lancent un ultimatum à BNP Paribas

Action des Faucheurs de chaises le 9 mars 2017.

Plusieurs ONG jugent que BNP Paribas est la banque la plus polluante de France. Elles l’enjoignent de stopper ses soutiens aux projets d’énergies fossiles et de se conformer à la loi.

BNP Paribas sera-t-elle contrainte d’arrêter ses financements climaticides ? Mercredi 26 octobre, veille du Climate Finance Day [1], trois associations — Oxfam France, Les Amis de la Terre France et Notre affaire à tous — ont mis en demeure la première banque européenne de stopper ses soutiens aux nouveaux projets d’énergies fossiles. Si elle ne produit pas de réponse satisfaisante dans un délai de trois mois, les associations se tourneront vers un juge.

Dans un courrier adressé au directeur général de BNP Paribas, Jean-Laurent Bonnafé, les trois organisations rappellent « les conséquences particulièrement graves et irréversibles qu’un réchauffement supérieur à 1,5 °C — par rapport aux niveaux préindustriels — est susceptible de causer à l’environnement, à la santé et à la sécurité des personnes et aux droits humains ».

Pour elles, BNP Paribas est au cœur du problème climatique. La banque française « soutient activement et massivement des groupes parmi les plus agressifs dans l’expansion pétrolière et gazière ». Son CV est chargé : entre 2016 et 2021, selon le rapport Banking on Climate Chaos, elle était le premier financeur européen du développement des énergies fossiles et le cinquième mondial, avec 55 milliards de dollars de financements accordés entre 2016 et 2021. Elle était le premier financeur mondial des huit majors de pétrole et gaz américaines et européennes — Total, Chevron, ExxonMobil, Shell, BP, ENI, Repsol et Equinor — avec 43 milliards de dollars de financements accordés à leurs activités fossiles. Elle se distinguait aussi dans certains secteurs critiques pour l’environnement, comme l’exploitation des hydrocarbures en Arctique, dont elle est le premier financeur mondial, avec près de 6 milliards de dollars de financements.

« Ces activités ont un lourd coût climatique : en 2020, l’empreinte carbone de BNP Paribas était supérieure à celle du territoire français, dit Lorette Philippot, chargée de campagne aux Amis de la Terre France. Nous connaissons les noms des grands groupes pétroliers et gaziers, Total en tête, qui ferment les yeux sur les drames causés par les dérèglements climatiques, en prévoyant les nouveaux projets d’énergies fossiles par dizaines dans le monde. Nous mettons aujourd’hui en garde BNP Paribas, qui a le doigt posé sur le détonateur de ces bombes climatiques. »

« Une industrie qui condamne l’humanité à un avenir incertain »

Pour l’empêcher de nuire, les associations ont décidé de rappeler BNP Paribas à ses obligations légales issues de la loi sur le devoir de vigilance. Entrée en vigueur en 2017 [2], elle oblige les grandes entreprises multinationales françaises — dont les banques — à prendre des mesures pour « prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement, résultant des activités de la société et de celles des sociétés qu’elle contrôle ».

Ces mesures doivent être publiées chaque année dans un plan de vigilance, mises en œuvre et suivies par l’entreprise pour s’assurer de leur efficacité. Or, « malgré plusieurs annonces, BNP Paribas ne possède pas de plan solide d’identification, d’atténuation et de prévention des risques induits par ses activités pour l’environnement et les droits humains, observe Justine Ripoll, responsable de campagnes pour Notre affaire à tous. Ses mesures de vigilance ne s’avèrent ni suffisantes ni adaptées. »

Cécile Duflot (à g.), directrice générale d’Oxfam, avec les autres ONG à l’origine de la mise en demeure. © Christophe Da Silva

Oxfam France, Les Amis de la Terre France et Notre affaire à tous indiquent avoir mené, ces dernières années, un dialogue intense avec les banques françaises et appelé le gouvernement à jouer son rôle de régulateur. Sans succès. Chaque année, à l’occasion du Climate Finance Day, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire « n’a eu de cesse d’accorder sa confiance aux banques en exprimant sa foi en leur capacité à s’autoréguler, dénoncent les associations dans leur dossier de presse. Pendant ce temps, chaque année, BNP a continué à financer une industrie qui condamne l’humanité à un avenir incertain, marqué par les catastrophes naturelles et les crises à répétition ».

C’est pourquoi elles ont décidé de mettre BNP Paribas « face à ses responsabilités légales » et la mettent en demeure pour non-respect de son devoir de vigilance. Elles exigent aussi que la banque cesse tout soutien à l’expansion des énergies fossiles. Pour rappel, l’État a été condamné pour inaction climatique dans l’Affaire du siècle en février 2021. Une telle affaire représenterait, selon ces associations, « la première au monde à viser une banque commerciale pour ses activités à haut risque climatique dans le secteur pétrogazier ».

En parallèle, BNP Paribas fait l’objet d’une autre mise en demeure écologique : le lundi 17 octobre, des ONG — dont Notre affaire à tous — l’ont sommée de cesser son soutien financier à un géant de l’agroalimentaire brésilien, Marfrig, qu’elles accusent de contribuer à la déforestation et l’accaparement de territoires autochtones.

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