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Nature

Biodiversité : à la COP15, la France freine toute avancée

Manifestation à la COP15 le 15 décembre 2022. Le président français n'en fait pas assez pour la biodiversité, dénoncent les ONG.

À la COP15, des ONG estiment que la France freine la lutte contre la destruction de la biodiversité. Un nouveau fonds pour aider la faune et la flore des pays du Sud ? C’est non. Plus de protection des océans ? C’est non.

Montréal (Canada), correspondance

Le coup de sifflet final de la COP15 dédiée au vivant, au Canada, approche. Des ONG estiment qu’Emmanuel Macron devrait être à Montréal plutôt qu’au Mondial de foot au Qatar, et regrettent que la France soit un frein plus qu’un moteur dans la protection de la biodiversité. Un exemple : financer un nouveau fonds pour préserver la biodiversité ? Pour Emmanuel Macron, c’est non — et même « une ligne rouge » à ne pas franchir. C’est du moins ce qu’assure le directeur des campagnes de l’association Avaaz, qui aurait eu accès à une lettre envoyée par le chef de l’État à la présidente de la Commission européenne. Dans une série de tweets, le militant explique que la France tenterait, en privé, de bloquer tout compromis, d’empêcher l’Union européenne de « construire des ponts avec les pays émergents » et demande « un leadership sincère » de l’Hexagone.

Il n’y a pas de lettre, assure au téléphone le service communication de l’Élysée, qui tempère : « Il n’y a pas de “ligne rouge”. » Alors, la France est-elle favorable à la création de ce fonds, qui permettrait au Nord de payer pour les destructions de la biodiversité dont il est responsable dans le Sud ? Pas vraiment. « Est-ce qu’il serait utile ? » botte en touche le palais, qui rappelle l’existence du Fonds mondial pour l’environnement qui a distribué près de 8,6 milliards de dollars (8,1 milliards d’euros) de subventions depuis 1991. « On peut comprendre pourquoi la France ne veut pas multiplier les nouveaux fonds ad hoc, réagit un acteur familier des COP. Ce qui lui est reproché, c’est de ne pas montrer de flexibilité sur le projet. »

Les militants demandent « un leadership sincère » de la France

Pour l’instant, rien n’est tranché. Les pays qui estiment devoir recevoir de l’argent de ce fond, comme le Brésil ou l’Indonésie, demandent au Nord des subventions d’au moins 100 milliards de dollars par an (94 milliards d’euros), ou 1 % du PIB mondial jusqu’en 2030. La France et l’Union européenne ne sont pas les seules craintives. Cité par l’AFP, le ministre de l’Environnement du Canada, Steven Guilbeault, estime que créer un nouveau fonds pourrait « prendre des années ».

Dans la nuit du 13 au 14 décembre, des délégués des pays du Sud ont claqué la porte d’une réunion, « à la recherche d’un espace où l’on comprendra mieux leurs besoins », selon Réseau Action Climat Canada, une association présente sur place.

La protection de 30 % de la mer : une hypocrisie française

Dans cette COP15, la France préside, avec le Royaume-Uni et le Costa Rica, la Coalition de la haute ambition pour la nature et les peuples. Ce groupe de pays, lancé en 2021 au One Planet Summit, entend protéger 30 % des terres et des mers — ce qui est aussi l’objectif principal sur lequel doit déboucher la COP.

Là encore, la France déçoit. « Emmanuel Macron est en train de saccager l’ambition de la conférence mondiale sur la biodiversité à Montréal alors que l’enjeu est existentiel », écrit la fondatrice de l’ONG de protection des océans Bloom. Dans une série de tweets, Claire Nouvian dénonce l’hypocrisie de la politique française en matière de protection des mers. La France « affirme publiquement être favorable à l’objectif de 30 % de protection [...] et à l’adoption de critères de protection » mais... ne se bat pas pour lors des négociations. Au contraire, « la France œuvre contre l’interdiction des activités industrielles dans les aires protégées à l’intérieur de la délégation européenne ». Comme l’expliquait Reporterre dans une enquête, la majorité des « aires marines protégées », dans leur forme actuelle, peinent à enrayer l’effondrement de la vie marine. Claire Nouvian regrette qu’une protection stricte des mers — sans aucune activité humaine dans ces zones — ne soit pas privilégiée.

Des chalutiers géants ont pêché pendant près de 3 000 heures au sein d’aires marines protégées, en 2019 au Royaume-Uni. Greenpeace

Pour Hervé Berville, secrétaire d’État à la mer, présent à Montréal, la critique est précoce. Il faut déjà que les pays s’entendent sur la mesure phare : les 30 % de protection des terres et des mers. Certains pays « ne veulent même pas avoir des aires maritimes protégées en haute mer… alors dire que la France bloque, c’est ridicule ! On est le seul pays à avoir envoyé quatre ministres, on prend ça très au sérieux. »

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