COP26 : vers une décision inédite d’abandon des énergies fossiles

Une pompe à pétrole, aux États-Unis. - Flickr/CC BY-SA 2.0/ Teo Romera
Une pompe à pétrole, aux États-Unis. - Flickr/CC BY-SA 2.0/ Teo Romera
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Climat COP26À la COP26, les négociateurs pourraient prendre une décision inédite : celle d’intégrer la fin des énergies fossiles dans un texte de l’ONU sur le climat. C’est en tout cas ce que prévoit le brouillon d’accord qui a été révélé, tôt, ce mercredi 10 novembre.
Glasgow (Écosse), reportage
Encore non définitif, le document révélé ce mercredi 10 novembre donne une idée de l’avancée des négociations et des décisions qui pourraient être adoptées au terme de la COP26. Celui-ci évoque, explicitement, l’élimination progressive du charbon et des combustibles fossiles, bien qu’aucune date précise ne soit mentionnée. Ce serait une première reconnaissance, dans un texte onusien sur le climat, du rôle central des combustibles fossiles dans la crise climatique.
« C’est un très bon signe, se réjouit Clément Sénéchal, porte-parole climat à Greenpeace, interviewé par Reporterre. Maintenant, il faut que les négociateurs tiennent bon face aux pays pétroliers comme l’Arabie saoudite, la Russie ou l’Australie, qui vont pousser pour que cette mention disparaisse. »
Autre point important : le brouillon d’accord se range à l’avis du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), selon lequel la limitation du réchauffement de la planète à 1,5 °C d’ici 2100 nécessiterait une action « significative et efficace » de la part de tous les pays au cours de la « décennie critique », afin de réduire de 45 % les émissions mondiales d’ici 2030 et d’atteindre un objectif de zéro émission nette « vers le milieu du siècle ». Mais le texte observe avec « une sérieuse inquiétude » que les engagements actuels des États vont au contraire augmenter les émissions de 13,7 % d’ici 2030.
Il exhorte donc les États du monde à présenter de nouveaux plans de réduction des émissions de gaz à effet de serre plus ambitieux d’ici à la fin 2022, s’ils ne l’ont pas déjà fait cette année. Ces plans devront comprendre des objectifs de réduction des émissions d’ici 2030, afin d’éviter les engagements de trop long terme. « C’est une demande polie pour que les pays fassent, éventuellement, mieux l’année prochaine, a ironisé Jennifer Morgan, directrice exécutive de Greenpeace International. Les négociateurs ne devraient même pas penser à quitter cette ville avant d’avoir conclu un accord qui réponde, dès à présent, aux besoins actuels. Nous venons d’apprendre que nous nous dirigions vers un réchauffement de 2,4 °C : on ne peut plus tout remettre à l’année prochaine. »
Les pays en développement — les plus vulnérables au changement climatique — ont très mal accueilli la publication de ce texte. En effet, alors que les pays développés n’ont pas honoré leur promesse de mobiliser 100 milliards de dollars par an (86 milliards d’euros) dès 2020 pour les aider à faire face au dérèglement climatique, le texte acte simplement le fait que cette somme sera probablement atteinte d’ici 2023, et encourage les pays développés à mobiliser des fonds plus rapidement. « Il n’y a aucune incitation à ce que les États accélèrent le tempo. 2023 est devenue une échéance par défaut », précise Fanny Petitbon, de l’ONG Care.

Un texte définitif attendu ces prochains jours
« Le rendez-vous manqué pour la promesse de 100 milliards de dollars n’est même pas reconnu, alors que c’était une demande essentielle des pays vulnérables », s’est indigné en conférence de presse Mohamed Adow, directeur du groupe de réflexion sur le climat Power Shift Africa. Les pays vulnérables veulent des engagements chiffrés : « La livraison des fonds sur l’ensemble de la période 2020-2024 doit être assurée, ce qui signifie que 500 milliards de dollars doivent être mobilisés sur cette période », a déclaré Mohamed Nasheed, président du Climate Vulnerable Forum, une coalition mondiale de pays touchés de manière disproportionnée par les conséquences du réchauffement climatique. Tout en précisant que « cet objectif ne représente qu’une fraction de ce qui est nécessaire pour transformer les pays en développement en économies résilientes et vertes ».
De même, les pays en développement demandaient un soutien financier additionnel pour compenser les « pertes et dommages » irréversibles générés par des catastrophes climatiques soudaines ou les phénomènes à occurrence lente, comme la montée du niveau des mers et océans, ou la désertification des sols. Ce mécanisme, qui n’existe pas encore, est vaguement mentionné dans le brouillon d’accord. Les prochains jours de négociations lui donneront-ils corps ? « Le soutien aux pertes et dommages ne peut être laissé au hasard des actes de charité, a réagi Tracy Carty, chef de la délégation d’Oxfam à la COP26. Nous avons besoin d’un système de financement solide et de nouvelles sources de soutien pour les pays souffrant de pertes et de dommages. » « La référence aux financements reste malheureusement implicite et nécessite d’être écrite noir sur blanc, précise Fanny Petitbon, de l’ONG Care. De même, le texte ne donne pas de mandat au Mécanisme de Varsovie qui permettrait enfin de se pencher sur les moyens de mobiliser et de distribuer les financements pour les pertes et dommages. C’est pourtant un élément clé pour mettre fin à l’inertie des pays pollueurs ! »
D’ici sa publication sous sa forme finale, espérée ce week-end, le texte fera probablement l’objet de plusieurs révisions. Son adoption nécessite un consensus de tous les États, loin d’être évident à obtenir. « Les équipes de négociation travaillent d’arrache-pied en ces derniers jours de la COP26 pour transformer les promesses en actions, a assuré le Premier ministre britannique Boris Johnson. Il est temps pour les nations de mettre de côté leurs différends et de s’unir pour notre planète et nos concitoyens. Nous devons tout mettre en œuvre si nous voulons que le seuil de 1,5 °C reste à notre portée. »